VILLE DE RUFISQUE – MARCHES PUBLICS Irrégularités en cascade et contrats douteux au cœur de l’audit 2023




 
 
Le rapport de revue indépendante de l’Arcop sur la gestion 2023 de la Ville de Rufisque met en lumière une série d’anomalies graves dans la passation et l’exécution de plusieurs marchés publics. Montants imprécis, critères non respectés, retards, paiements anticipés, absence de publication officielle et entreprises non qualifiées : l’audit révèle un système défaillant où la transparence et la rigueur comptable semblent avoir été reléguées au second plan.
 
 
Un système d’achats publics fragilisé
 
En 2023, la Ville de Rufisque a exécuté pour 556.869.538 F Cfa de marchés publics. Mais les auditeurs ont constaté un système miné par l’absence de traçabilité, une mauvaise conservation des dossiers et un non-respect systématique du Code des marchés publics. Plusieurs marchés ne disposent ni des procès-verbaux obligatoires, ni des preuves de convocation des membres de la commission, ni des documents exigés pour sécuriser la concurrence.
 
Les marchés de fournitures au centre des anomalies
 
Trois marchés de fournitures se révèlent particulièrement problématiques. Le marché F0902/23-DK, d’un montant de 3.018.912 F Cfa, attribué à Ecorel, présente des irrégularités sur les critères de qualification. Les états financiers exigés ne correspondent pas aux capacités réelles du prestataire, et des incohérences dans les dates de livraison soulèvent des doutes sur l’exécution matérielle.
Le marché F0903/23-DK, d’un montant de 17.977.300 F Cfa, attribué au Groupement EMD/Bâtisse, cumule les anomalies : absence de preuve d’existence de crédit, critères d’évaluation non respectés, absence de transmission du PV, défaut de publication de l’attribution, retards de livraison et non-respect de la procédure d’enregistrement au niveau des impôts. Ce marché a d’ailleurs été résilié avant tout début d’exécution, mais aucun document officiel de résiliation n’a été fourni à l’équipe d’audit.
Le marché F0904/23-DK, attribué à Master Office pour 3.398.553 F Cfa, souffre également d’importants manquements. Les auditeurs signalent une élimination injustifiée de l’offre conforme la moins-disante, l’absence de classement des offres, la non-fourniture de pièces administratives obligatoires, ainsi que le non-respect des délais réglementaires entre l’ouverture des plis et la proposition d’attribution.
 
Des achats de matériels et de produits d’entretien entachés d’opacité
 
Le marché F0591/23-DK, relatif à la fourniture de matériels de balayage, de nettoyage et de désinfection, attribué à Trust Commercial SUARL pour 14.245.739 F Cfa, présente plusieurs irrégularités lourdes. L’évaluation technique n’a pas été réalisée, contrairement aux exigences du Code. Le marché souffre aussi d’une absence de suivi d’exécution : aucun document ne prouve que les prestations ont été réalisées conformément aux exigences contractuelles. L’appel à concurrence n’a pas été publié, contrairement à l’article 56 du Cmp.
 
Des marchés de travaux et de services également affectés
 
Le marché d’entretien du réseau moderne d’éclairage public, référencé T1339/23-DK et attribué à ERT SA pour 149.990.095 F Cfa, montre plusieurs manquements de procédure. Les convocations de la commission des marchés ne sont pas documentées et le procès-verbal d’ouverture des plis ne mentionne pas sa tenue en séance publique, comme l’impose l’article 67 du Cmp.
D’autres marchés, notamment l’acquisition d’appareils médicaux attribuée à Novamed pour 34.879.000 F Cfa, ou encore les travaux d’achèvement de l’aménagement de la place Alé Gaye attribués à Diop pour 23.998.191 F Cfa, posent problème en raison du défaut d’enregistrement auprès des impôts ou de l’absence de publication des décisions d’attribution.
 
Une chaîne de contrôle fragilisée
 
L’un des constats majeurs de l’audit est l’absence de publication des avis d’attribution, l’absence de transmission des Pv d’ouverture, et l’absence de justification des rejets des offres. Les marchés ne sont souvent pas enregistrés dans les délais auprès des impôts et domaines, en violation de l’article 464 du Code général des impôts.
Dans plusieurs cas, les livraisons sont réalisées avec des retards non sanctionnés. Pour le marché F0902/23-DK par exemple, la livraison a eu lieu plus d’un mois après la date contractuelle, sans application des pénalités prévues.
 
Samba THIAM
 
LES ECHOS

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