TOUBA :Le torchon brûle entre la police et la milice «Khoudamoul Khadim»





Même si elle n’a pas encore le titre de statut spécial, la gestion de la sécurité à Touba obéit à un certain nombre de règles. En plus de celles définies par le législateur sénégalais, les interdits et recommandations de Serigne Touba y font figure de loi. C’est la raison de la création de Safinatoul Amane mais aussi de Khoudamoul Khadim, deux structures chargées de veiller au respect de la ligne de conduite tracée par le fondateur du Mouridisme.


C’est connu de tous, à Touba, certains actes qui sont jugés ailleurs normaux y sont répréhensibles. Interdictions de fumer, boire de l’alcool ou encore porter des pantalons pour les femmes. La liste est longue,mais les autorités religieuses veillent à leur application dans la ville sainte, grâce à la «police des mœurs» Safinatoul Amane.Cette milice, qui fait souvent l’objet de beaucoup de critiques, a été secondée récemment par une autre du nom de Khoudamoul Khadim. Et cette dernière semble s’arroger des prérogatives qui ne sont pas du goût du commissaire Thiombane, chef de poste de la police de Ndamatou.  
Tout est parti del’arrestation d’une femme par les éléments de Khoudamoul Khadim qui ont jugé sa tenue indécente. Mais, cette dernière ne s’est pas laissé faire, car elle a appelé la police qui est venue la «délivrer des griffes» de cette police des mœurs.Revenant sur le différend, le chef de la police de Ndamatou a déclaré : «Khoudamoul Khadim doit savoir qu'il n’est pas investi de prérogatives de puissance publique. Et qu'aucune loi ne lui permet de procéder à l’arrestationdes gens dans la rue».

Commissaire Thiombane : «la loi ne leur permet pas d’exercer les missions dévolues à la police»

Pour lui,ladite organisation peut aider la police en termes d'informations ou de recherche et de renseignement mais certainement pas interpeller des gens. «Nous sommes certes dans un contexte différent, mais la loi ne leur permet pas pour autant d’exercer les missions dévolues à la police.On ne peut pas s’ériger en force de l’ordre quand on est civil», dit-il.Le jeune commissaire estime qu’arrêter une personne, bafouer son honneur, la filmer pour la partager dans les réseaux sociauxsont des faits condamnables. «Il faut respecter la dignité humaine. Ni la loi encore moins la religion n’autorisent de telles pratiques.Chacun peut être utile à la communauté sans pour autant piétiner l’honneur des personnes», martèle-t-il.


«Si Khoudamoul Khadim veut travailler, elle peut se limiter à un travail de renseignement»


Poursuivant, le commissaire Thiombane invite«Khoudamoul Khadim» à plus de retenue. «Ce qui s’est passé à Gouye Mbind est à déplorer. Les éléments de Khoudamoul Khadim n’ont pas le droitde mettre un check point pour interpeller les personnes, ce n’est pas leur rôle», avertit-il.A l’en croire, plusieurs cas similaires s’y passentsouvent,mais pour éviter de heurter la sensibilité des gens,ilcherche toujours à gérer calmement. «Il faut que ce soit clair, si Khoudamoul Khadim veut travailler, elle peut se limiter à un travail de renseignement. La vérité c’est qu’un civil ne peut pas réglementer un autre.Cela risque de créer des tensions. Il ya des cas isolés qui se passent à Touba et on accuse directement la police, alors qu’onn’est mêlé ni de près ni de loin. Il est temps que les gens s’assoient pour discuter de la sécurité à Touba», souligne l’homme de loi qui pointe du doigt les tenues que portent les agents de Khoudamoul Khadim qui,dit-il, créent la confusion chez les populations.

Serigne Amsatou Mbacké : «s'il est entrain d'obéir aux ordres, Thiombane doit savoir qu'il a été sacrifié»

La déclaration du commissaire Thiombane n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Le responsable de Khoudamoul Khadim n’a pas mis beaucoup de temps à réagir. Serigne Amsatou Mbacké, fils de Serigne Abdou Lahad, s’en est pris violemment au jeune commissaire.Revenant sur les raisons qui avaient pousséSerigne Abdou Lahad Mbacké à mettre en place Safinatoul Amane, le responsable de Khoudamoul Khadim estime que le commissaire Thiombane ferait mieux de reculer, parce qu’il ne sait pas où il met les pieds. «Il fut un moment où le laisser aller régnait à Touba. Il a fallu que Serigne Abdou Lahad s'en ouvre à toute la famille de Serigne Touba pour que des mesures disciplinaires soient prises pour mettre un terme en érigeant des règles à suivre pour tous ceux qui vivent ou séjournent à Touba.Ces règles étaient approuvées par le gouverneur de Diourbel : 44 jours de prison pour ivresse et 6 à 10 jours pour les fumeurs de cigarette», renseigne-t-il.
Serigne Amsatou Mbacké de préciser : «cela se gérait avec la gendarmerie sans problème. Ils savent bien se tenir, contrairement à la police qui ne respecte rien, ni personne.Depuis qu’elle est là, elle transgresse sans cesse les règles. Les policiers ont commis tellement de bavures qu'on ne les compte plus», fulmine-t-il.
Le marabout de noter que malgré que cela ait bien marché pendant toutes ces années, les choses ont empiré maintenant : les gens ne se cachent plus pour défier la police des mœurs.S'attaquant ouvertement au commissaire Thiombane,Serigne Amsatou Mbacké affirme que sa déclaration est fausse «Il n'y a rien de vrai dans tout ce qu'il a dit. S'il est entrain d'obéir aux ordres, Thiombane doit savoir qu'il a été sacrifié. Il s'est attaqué à la mauvaise personne. Il doit se limiter à ses prérogatives. La police est chargée de veiller aux respect de la loi pourtant les jeux de hasard, l'alcool et toutes les pratiques répréhensibles continuent de s'étendre dans la ville sainte», fait noter le responsable de Khoudamoul Khadim.


«Les bandits ne se cachent même pas, ils nous font savoir qu'ils sont de mèche avec la police»


D’après Serigne Amsatou Mbacké, la police connaît tous les lieux où s'opèrent ces interdits et elle ne fait rien pour y mettre un terme. «Des personnes incriminées nous disent clairement que quand on alerte la police à leur sujet, des policiers les appellent en douce pour les prévenir de leur descente.Les bandits ne se cachent même pas, ils nous font savoir qu'ils sont de mèche avec la police», affirme le Mbacké-Mbacké qui souligne que «ce sont les policiers qui sont les propriétaires des véhicules sans papiers. Plusieurs d'entre eux ont obtenu plusieurs maisons à Touba de façon illicite».
Serigne Amsatou Mbacké fait noter qu’à Touba, c’est la voie de Serigne Touba qui faut office de loi. «Il est vrai que la loi n'interdit pas le football, mais Serigne Touba est contre. La parité est appliquée partout sauf à Touba. Nous ne lui permettrons jamais de piétiner les règles établies par Serigne Touba.Qu'il se tienne à sa place. Il est hors de question qu'on revienne sur ces règles. Elles seront appliquées qu'il le veuille ou non», prévient-il avant d’enchaîner : «j'ai essayé de joindre le ministre de l'Intérieur, en vain ; mais je lui ai laissé un message. Thiombane doit savoir raison garder ; nous avons eu plusieurs discussions de cette ordre même avec le président de la République».
Serigne Abdou Samad Mbacké quant à lui suggère que les autorités confèrent à Touba une bonne fois pour son titre de «Statut spécial» pour régler définitivement ce genre de problèmes.

Ndèye Khady DIOUF


 
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