C’est à travers le message «vendredi de la libération» que des jeunes Sénégalais ont organisé les manifestations qui ont touché une bonne partie du pays. A la base, il était prévu d’enchaîner avec une manifestation pacifique à la sortie de la prière du vendredi. Un appel qui a visiblement touché sa cible puisque vers les coups de 15 heures, comme s’ils s’étaient passé le mot, des manifestations ont commencé à éclater à Colobane et un peu partout à Dakar. L’autoroute et beaucoup d’artères ont été barrées par les manifestants qui ont affronté les forces de l’ordre dans les ruelles sous les gaz lacrymogènes.
Pour protester contre le report de la présidentielle, des jeunes Sénégalais se sont mobilisés fortement hier soir après la prière du vendredi pour faire une démonstration de force partout à Dakar. Les forces de l’ordre ont cherché à prendre les devants en installant un dispositif impressionnant autour de la place de la Nation où la manifestation était prévue. En effet, l’hashtag «vendredi de libération» a fait le tour des réseaux sociaux ces derniers jours pour inciter les jeunes à descendre dans la rue «pacifiquement» après la prière du vendredi. Ceux qui étaient à Masalikoul jinaan et qui devaient rejoindre la place de la Nation se sont heurtés aux barrières des forces de l’ordre. Pour les contourner, les jeunes manifestants se sont disséminés dans les ruelles de Colobane chantant à tue-tête «Macky Sall dictateur».
Taxi incendié à Colobane par une grenade lacrymogène
Pour les disperser, les forces de l’ordre ont commencé à tirer des grenades lacrymogènes et les manifestants se sont mis à riposter avec des jets de pierres. Pendant qu’une partie faisait face aux forces de l’ordre, l’autre ramassait tout ce qui pouvait servir à allumer un feu pour empêcher les policiers de progresser. Tables des marchands, pneus, bouts de bois et même véhicules en panne garés sur la chaussée, tout y est passé. Plusieurs foyers de tension ont été allumés à Colobane, dans un affrontement entre policiers et manifestants qui a duré plusieurs heures. Les forces de l’ordre voulant tuer la protestation dans l’œuf se sont déchaînés sur les manifestants, tirant à tout bout de champ des grenades lacrymogènes. Un taxi en a d’ailleurs fait les frais aux alentours de Colobane. Alors qu’il tentait de sortir du rond-point, une grenade a atterri direct dans le véhicule forçant le chauffeur à sortir en catastrophe et abandonner la voiture au beau milieu de la chaussée.
Certains manifestants ont débouché dans leur course-poursuite avec les forces de l’ordre sur l’autoroute qui a été aussi bloquée pendant plusieurs heures. Une longue file de véhicules, feux allumés sous la fumée, mais aussi les grenades lacrymogènes, s’est alors formée, maintenant les voyageurs entre la gendarmerie qui s’est déployée derrière et les manifestants qui continuaient à réclamer la tenue de l’élection présidentielle à date échue.
L’Autoroute barrée pendant plusieurs heures
Beaucoup d’autres zones ont suivi le mouvement. Médina, Fass, Gueule-Tapée et l’avenue Blaise Diagne ont été aussi le théâtre des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre qui ont usé sans modération des grenades lacrymogènes, indisposant même les riverains des scènes de combat.
Les manifestants qui n’ont pu contenir l’avancée des policiers se sont déployés dans les ruelles pour se retrouver aux allées du Centenaire. Réclamant le départ immédiat du Président Sall, ces derniers ont sillonné la route allumant de petits feux sur leur passage et barrant la route. C’est au niveau des Hlm où les forces de l’ordre les attendaient que les choses ont failli dégénérer. Mais les manifestants ont encore usé de tact pour se disperser à nouveau dans les ruelles. Arrivés au niveau du marché Hlm, ils ont reçu des renforts. Des jeunes sont sortis balançant des pierres pour repousser les policiers. Quand le champ s’est dégagé, ils en ont profité pour allumer un grand feu barrant ainsi la route, avant de disparaître à nouveau dans les ruelles. Pendant ce temps, Grand Dakar, Ouagou-Niayes, Parcelles Assainies et beaucoup d’autres localités ont été le théâtre d’affrontements.
Ndèye Khady D. FALL