SYMPOSIUM ORGANISÉ PAR LE PARTI AWALE SUR LE 3e MANDAT: Des juristes sénégalais débattent du mandat dans tous ses états et dissèquent l’article 27 de la constitution sous toutes ses coutures



 
 
Loin des turpitudes et des débats empreints de violence de la politique politicienne, les juristes sénégalais ont débattu hier de la question de la troisième candidature du Président Macky Sall. C’était à l’occasion d’un symposium organisé par le parti Awale, dirigé par le Docteur Abdourahmane Diouf. Lors des débats, plusieurs intervenants comme le Dr Yaya Niang, Docteur en droit public, chercheur en droit électoral ou encore le Professeur Alioune Badara Diop, agrégé en science politique, ont entretenu l’assistance d’exposés de haute facture. Si la plupart des intervenants se sont rangés du côté de ceux qui considèrent qu’une troisième candidature du Président Macky Sall est irrecevable, d’autres pensent tout le contraire. Avec comme thème «le Mandat dans tous ses états ! L’article 27 de la constitution sous toutes ses coutures», le symposium a été, selon son initiateur Dr Abdourahmane Diouf, l’occasion de réconcilier l’espace politique et le monde universitaire.
 
 
 
 
 
Lors du symposium organisé par le parti Awale, dirigé par le Docteur Abdourahmane Diouf, sous le thème : «le Mandat dans tous ses états ! L’article 27 de la constitution sous toutes ses coutures», des juristes sénégalais ont interprété la constitution du Sénégal. C’est l’occasion pour eux de dire si oui ou non le Président Macky Sall peut se présenter pour une troisième candidature à la tête du Sénégal.Après avoir fait l’histoire des grandes réformes constitutionnelles au Sénégal et dans bien des pays en Afrique, Yaya Niang,enseignant chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, a précisé que l’esprit de la limitation des mandats, c’était de permettre la rotation dans la gestion du pouvoir. «L’alternance dans la gestion du pouvoir pour que celui qui obéit aujourd’hui puisse garder espoir de commander demain. Le citoyen, aussi ordinaire soit-il, peut prétendre qu’il aura son tour pour exercer le pouvoir. Donc la longévité au pouvoir est bannie», a d’abord indiqué le Dr Yaya Niang.
 
Dr Yaya Niang : «Peu importe la durée, un mandat est un mandat et c’est limité à deux»
 
 
Poursuivant, le Docteur en droit public, chercheur en droit électoral considère que le mandat est un contrat qui lie le président de la République et les électeurs et qui se réalise par une opération de vote. «Le mandat, ce n’est pas seulement une durée, c’est d’abord un acte habilitant le président à exercer le pouvoir pendant un temps limité. Le 30 mars 2012, le Conseil constitutionnel a proclamé ‘’Macky Sall élu président République’’, c’est une première habilitation. Le 5 mars 2019, le Conseil constitutionnel a proclamé ‘’Macky Sall élu président de laRépublique’’, c’est une deuxième habilitation. Rappelons-nous, il ne peut être habilité à exercer le pouvoir [de manière consécutive] que tout au plus deux fois», a indiqué le chercheur en droit électoral, indiquant ne pas prendre en compte le premier mandat de 7 ans dans le décompte, en prétextant la constitution de 2016 revient à réécrire la constitution. «[…]Peu importe la durée, un mandat est un mandat et c’est limité à deux», a tranché le juriste… En 2016, quand on a dit ‘’nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs’’, ce qui est visé, c’est de corser davantage, d’aggraver et de renforcer la limitation mais pas l’affaiblir. On a organisé un référendum en portant le discours sur la question de la limitation des mandats. Mais si, quelques années plus tard, on suscite encore le débat, cela veut dire qu’il y a un dol constitutionnel, c’est-à-dire des manœuvres dans le but de tromper le peuple pour qu’il accepte une chose à laquelle vous ne croyez pas», a ajouté le Docteur Niang, invitant à séparer «la durée du mandat au nombre de mandats».
 
 
Me Doudou Ndoye : «le Président Macky Sall a déjà fait ses deux mandats consécutifs»

 
 
 
Plus tranchant, Me Doudou Ndoye a préféré jouer la carte de la morale. Pour lui, le Président Macky Sall a déjà fait ses deux mandats consécutifs et il aura eu tort de présenter une candidature. «Si le Président Macky Sall présente une candidature, il aura eu tort de le faire. Si le conseil constitutionnel décide que oui, à mon avis, ce conseil, comme d’habitude, aura eu tort aussi de le faire. Notre nation ne dépend pas d’un homme et ne devra jamais dépendre d’un homme, quel qu’il soit», a déclaré l’ancien ministre de la Justice.
 
 
PrAlioune Badara Diop : «Si le conseil constitutionnel fait une interprétation jurisprudentielle, le Président Macky Sall peut bien se présenter en 2024»

 
 
 
Toutefois, d’autres panelistes ont été plus nuancés. C’est le cas du Professeur Alioune Badara Diop. Dans son intervention, le Professeur agrégé en Science politique a laissé entendre que la question qu’on doit poser, c’est de savoir ce qui pousse un président de la République sortant à envisager de s’éterniser au pouvoir, avant de développer. «Dans les années 90, certains analystes estimaient que Abdou Diouf était devenu prisonnier d’une oligarchie politico-militaro-maraboutique qui n’avait pas intérêt à l’alternance démocratique. Ce que je veux dire par là, c’est qu’on a plus tendance à se focaliser sur l’esprit et la lettre de la constitution et non sur les instrumentalisations, les enjeux sociologiques, les contraintes structurelles et sociologiques qui pèsent sur le jeu politique. Or au Sénégal, depuis toujours, les contraintes structurelles et sociologiques pèsent sur le jeu politique. Il faudrait qu’on sache que la démocratie, ce n’est pas seulement les acteurs politiques, c’est également les acteurs religieux, les notables…», a déclaré le Professeur Alioune Badara Diop.
Poursuivant, il pose la question de savoir si «la limitation des mandats est une chose positive». Assurant tout de suite être conscient que sa question est une considération intempestive, le juriste cite les exemples de l’Allemagne et du Japon qui ne connaissent pas la limitation des mandats. «Ne faudrait-il pas trouver des explications plus plausibles qui convaincraient les électeurs sénégalais en termes de propositions, de programmes économiques et sociaux ainsi que des réformes structurelles porteuses d’atouts évidents en perspective des opportunités qui se dessinent avec le pétrole et le gaz ? On ne sent pas encore chez les candidats potentiels au sein de l’opposition cette volonté de montrer qu’ils constituent une alternative crédible. Il y a toujours ce discours de la violence disant que si Macky Sall reste le Sénégal sera à feu et à sang. Les Sénégalais sont intelligents, si vous leur proposez une alternative plus intéressante que la continuité avec Macky Sall, peut-être qu’ils vont voter pour vous», dit-il encore. Avant de prendre position assurant que même s’il existe des interprétations allant dans le sens de la non-recevabilité d’une troisième candidature du Président Macky Sall, l’interprétation téléologique qui se base sur l’histoire politique récente du Sénégal, notamment «l’interprétation jurisprudentielle va ouvrir la voie à la recevabilité à la candidature de Macky Sall». «Si le conseil constitutionnel fait une interprétation jurisprudentielle, le Président Macky Sall peut bien se présenter en 2024», a encore indiqué le Professeur Alioune Badara Diop.
Prenant la parole à la fin du symposium, le Dr Abdourahmane Diouf a dit toute sa satisfaction, prenant également position sur la question du jour. «La plus grande satisfaction que j’ai de cette initiative, c’est le fait d’avoir réconcilié l’espace politique et le monde universitaire. Parce que depuis quelque temps dans ce pays, on vit en vase clos. Chaque groupe vit dans son monde loin de tout le reste. Revenant sur le thème de la rencontre, le président du parti Awalé a, à son tour, pris position sur la question. Sans surprise, l’ancien collaborateur d’Idrissa Seck s’est rangé du côté de ceux qui refusent au Président Macky Sall le droit briguer un troisième mandat à la tête du Sénégal. Assurant que le président de la République est un interprète de la constitution, Dr Abdourahmane Diouf a déclaré que «la constitution est de nature évolutive». «Je voudrais finir par rappeler au Président Macky Sall que les Sénégalais lui ont fait le plus grand des honneurs. Maintenant, c’est à lui de prouver qu’il méritait cet honneur et pour cela, il n’a qu’à nous laisser ce pays en l’état dans lequel il était quand on le lui confiait, sinon mieux», a-t-il indiqué.
 
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
 
 
LES ECHOS

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