Les Lions du Sénégal se sont inclinés en huitième de finale de la Coupe du monde Qatar 2022. La déception est grande et la frustration énorme chez une grande partie de la population sénégalaise, qui croyait au potentiel de l'équipe et à sa capacité à faire déjouer The Three Lions. Malheureusement, nos Lions sont tombés et pas de la meilleure des façons, selon beaucoup d'observateurs. Mon point de vue en tant que psychologue du sport est que l'Angleterre a très habilement déjoué le stress de sous-pression qui est le propre des équipes qui sous-estiment leur adversaire, parce qu'étant trop conscientes de leur supériorité. Rien dans la communication de Gareth Southgate ne fit entrevoir une once de mépris ou de sous-estimation des Lions du Sénégal. Mieux, dans les trente premières minutes, le respect que les Anglais ont voué aux Sénégalais se sentait. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous n'avons pris des buts que sur des contre-attaques savamment menées. Contrairement aux Three Lions, les Lions de la Teranga ont été victimes de stress de sur-pression. Et ce, dès le premier but anglais. Ce type de stress se manifeste quand les exigences de la tâche sont supérieures aux ressources disponibles. Ainsi, le lâcher prise, le switcher, le relâchement et la sérénité ont été complètement absents dans les prises de décisions des joueurs et du staff sénégalais. Alors nous ne pouvions récolter que ce naufrage collectif.
Tout le monde a souffert de cette défaite et tout le monde s'est réveillé avec une certaine gueule de bois et un goût d'inachevé. Nous sommes tous conscients des difficultés liées à l'absence des ténors comme Sadio, Gana et Kouyaté, mais il y avait de la place pour une meilleure prestation et un meilleur résultat. Sur un championnat de 30 matchs, il est impossible que le Sénégal rivalise avec l'Angleterre ou la France, mais sur un match, le Sénégal est capable de battre n'importe quelle équipe du monde.
Maintenant, acceptons ce résultat et remettons en question certaines pratiques qui freinent l'épanouissement du sport sénégalais et au-delà le développement de notre nation.
D'abord, si nous avions la même rigueur et la même exigence que celle que nous avons en tant que supporters dans notre travail quotidien et nos rapports aux biens publics, nous serions une des nations les plus épanouies dans dix ans. Oui nous exigeons des résultats et du sérieux à tous les joueurs de l'équipe, commençons par demander à (Yankhoba) Diatara et (Abdoulaye) Sow, ministres de la République, de ne pas déserter leurs bureaux pendant un mois pour se promener avec l'équipe nationale de football, alors que le service public doit continuer. Ceci leur éviterait de se crêper le chignon pour avoir plus de notoriété aux yeux du Président Sall.
Ensuite, rappelons au ministre des Sports qu'il a comme mission de conduire la politique sportive de la Nation qui compte plus de 56 fédérations dont au moins 20 font du sport de très haut niveau. Malheureusement, le football est l'arbre qui cache la forêt et tous les moyens sont mis à sa disposition pour espérer une éventuelle récupération politique. C'est dans ce cadre que notre ministre est allé jusqu'à inclure mes parents de l'ASC Lébougui de Dangou Nord dans la délégation, pour marquer de son empreinte son arrivée à la tête du Sport Sénégal. Pour le moment, c'est sa seule réalisation. Donner un budget de 14 milliards pour la Coupe du monde pour que certains paresseux et opportunistes se tapent une cinquantaine de millions en primes, est un acte grossier. Pendant ce temps, les autres sportifs sénégalais qui vont aux championnats d'Afrique dans les autres sports reçoivent encore 10.000 F Cfa par jour et restent 10 ans sans recevoir leurs misérables primes de 500.000 ou de 300.000 F ; Le cas de la championne Kène Ndoye est encore frais dans les esprits... Malheureusement, le Cnoss, une bande de coquins et de copains, n'est là qu'en spectateur de ce tableau hideux du sport sénégalais. Pourtant, dans les pays phares du sport mondial, le ministère des Sports n'existe pas. À la place, il y a un Comité olympique fort et sérieux.
Nous pourrions en dire beaucoup plus, mais ce serait au risque de rendre cette contribution trop longue.
Enfin, pour ramener l'église au milieu du village, il nous faudra repenser le sport sénégalais et savoir que les sports sont un jeu avec lequel les pays sérieux ne jouent plus. Pour ce faire, la compétence des hommes qui dirigent ce ministère doit être un des premiers éléments à prendre en compte. Oui, il est malheureusement de le dire, mais c'est l'appartenance politique et la fraternité qui priment sur les compétences. À cela s'ajoute le fait que dans les ministères, les larbins qui ne sont là que pour faire plaisir au ministre et chercher des perdiems sont toujours promus. En attendant de résoudre tous ces dysfonctionnements, travaillons à l'équité dans la gestion du sport sénégalais pour corriger toutes les injustices et en évitant de nous cacher derrière le succès de la Can pour prétendre que le sport sénégalais marche. La réalité géopolitique fait que le développement économique est en corrélation directe avec le ranking des pays sur le plan sportif, à condition que la volonté politique suive. Le football ne sera pas l'opium du peuple ; alors mettons les choses à l'endroit ou créons un ministre du Football à côté du ministère des Sports qui sera conscient des missions qui lui sont assignées.
Docteur Nalla Socé Fall, entraîneur de l'équipe nationale du Sénégal d'athlétisme
Expert- Conférencier de l'Iaaf
Maître de Conférences Titulaire à l'Ugb