SORTIE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE CONTRE AMNESTY INTERNATIONAL ET LES ONG: Pluie de pierres sur la tête du chef de l’Etat



 
 
 
Invité de L'Entretien de Marc Perelman sur la chaine France24, le Président Macky Sall s’est défoulé sur Amnesty International. D’après le chef de l’Etat, ces droits de l’hommistes sont politisés et gagneraient à entrer dans l’opposition. «Faux», selon Seydi Gassama. Pour le coordonnateur national de ladite organisation, le rapport publié par Amnesty n’a pas été du goût du chef de l’Etat et sa sortie sur la chaine française est une occasion, pour lui, de dénigrer le rapport. Suite à cette sortie, les réactions des autres organisations de défense des droits de l’homme et de la société civile n’ont pas tardé. Si pour certains, les propos du chef de l’Etat sont déshonorants et antidémocratiques, pour d’autres, Macky Sall a juste expliqué la vérité et que certains droits de l’hommistes ne jouent pas leur rôle de défenseurs des droits humains.
 
 
Dans une interview accordée à France 24, le chef de l’Etat s’est déchargé sur Amnesty International Sénégal. Macky Sall, qui demande l’organisation international de revoir ses représentants dans nos pays, estime que ces derniers sont politisés et marchent avec l’opposition. Conséquence : il n’a pas besoin de leurs avis.
 
 
Seydi Gassama : «le seul responsable, c’est Ismaïla Madior Fall. Il est dans la politique et a perdu toute objectivité»
 
 
La réplique de Seydi Gassama n’a pas tardé. Et pour le Directeur exécutif d'Amnesty Sénégal, le récent rapport publié par l’Ong explique les propos du chef de l’Etat. «Ce sont des accusations destinées à dénigrer le rapport que nous avons produit et qui a servi de support à beaucoup d’Etats pour poser des questions au Sénégal lors de son examen à Genève», laisse-t-il entendre. Et, pour lui, le seul responsable, c’est le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall. «Je pense que le président de la République a été trompé par le garde des Sceaux, et c'est malheureux. J'ai pris le temps de lui expliquer la manière dont Amnesty travaille. Je crois que c'est une personne qui est dans la politique et qui a perdu toute objectivité», renseigne M. Gassama.
Pour le droit de l’hommiste, le chef de l’État doit apporter les preuves de ses accusations. Le défiant de citer une seule fois où lui ou ses collaborateurs auraient marché aux côtés de l'opposition ou posé des actes purement politiques. «Je me considère comme un droit de l'hommiste et c'est en cette qualité que tout le monde au Sénégal et partout dans le monde me connaît. Ceux qui affirment que je suis un politicien encagoulé n’ont qu’à apporter les preuves de ce qu'il avance», lâche -t-il. Pour Seydi Gassama, cette déclaration n’est pas nouvelle pour eux. «L’ancien Président Abdoulaye Wade avait l’habitude de taxer les Ong de transhumants et d’être de connivence avec l’opposition. Amnesty International est totalement apolitique», avance-t-il.
 
Me Pape Sène : «Quelqu’un comme Seydi Gassama, personne ne comprend ses interventions et ses positions»
Pour l’apériste, président du Comité sénégalais des droits de l'homme, les propos tenus par le chef de l’Etat à l’endroit de Amnesty International sont une réalité. Me Pape Sène : «je partage l’avis du Président», lâche-t-il. Pour l’avocat, Il y a certaines organisations des droits de l’homme qui ne jouent pas réellement leur rôle. «Ce que dit le Président est tellement vrai. Quelqu’un comme Seydi Gassama, personne ne comprend ses interventions et ses positions». Avant de poursuivre : «un défenseur des droits de l’homme doit être à équidistance des considérations d’ordre partisan. Je ne peux pas comprendre une marche politique. Vous vous dites défenseur des droits de l’homme et vous êtes au-devant la scène. Vous défendez des droits humains, qui sont des questions transversales. Autant on doit défendre le simple citoyen dans le cadre de ses droits, autant on doit défendre l’Etat également». Pour Me Pape Sène, il est impossible de se dire défenseur des droits humains, et chaque fois, avoir une coloration politique et salir la peau de ceux qui défendent les droits humains. «Parce qu’à ce rythme, on s’habille en droit de l’hommiste et on agit en politique. Ce qui est anormal», se désole-t-il.
 
Me Assane Dioma Ndiaye : «ce qui est plus important, ce n’est pas d’être dans les bonnes grâces du Président»
 
Si Pape Sène partage le même avis que le chef de l’Etat, pour d’autres, les propos tenus par Macky Sall sont graves et n’honorent pas le gouvernement sénégalais. Pour Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue sénégalaise des droits humains : «C’est un discours rayé, que l’on entendait avant. Les dirigeants africains avaient l’habitude de s’attaquer aux Ong et on pensait que cette période était révolue. Que cela vienne de quelqu’un qui a été élu grâce à une synergie d’actions entre la société civile et l’opposition, dont il était membre, je ne comprends pas. Et à l’époque, la société civile pensait qu’elle était dans un combat d’intérêt général, pour l’affermissement de la démocratie et d’un Etat de droit. Et aujourd’hui, qu’on est au pouvoir, la société civile devient subitement des encagoulés, des pestiférés, et toutes autres formes de stigmatisations», dénonce-t-il. Et pour Me Assane Dioma Ndiaye, si le Président n’a pas besoin de leurs avis, les populations, vulnérables sont conscientes du rôle que joue aujourd’hui la société civile, qui constitue un refuge pour les populations qui sont dans le désarroi. «Ce qui est plus important, ce n’est pas d’être dans les bonnes grâces du président de la République, mais de jouir d’une crédibilité au niveau des populations cibles, notamment celles qui n’ont pas le droit à la parole, celles qui sont opprimées, celles qui sont en détention provisoire longue, celles qui n’ont pas les moyens d’accéder à la justice…», explique-t-il.
 
Birahim Seck : «cette attitude frileuse et antidémocratique n’honore guère les dirigeants»
 
Le Forum civil, par la voix de son coordonnateur national, s’est indigné des propos tenus par le chef de l’Etat. Pour Birahim Seck, «cette attitude frileuse et antidémocratique n’honore guère des dirigeants qui envisagent d’organiser dans notre pays les assises de l’Internationale libérale, qui a comme crédo la protection et la défense des libertés». Et pour le droit de l’hommiste, à quelques mois des présidentielles, les préoccupations sont ailleurs. «Dans ce contexte préélectoral marqué par une absence de dialogue entre le pouvoir et l’opposition, l’Etat doit plutôt travailler à rassurer les populations, en préservant et en consolidant la paix, la stabilité sociale et l'espace civique». Le Forum civil, solidaire à Amnesty International et à toutes les organisations de la société civile, appelle le gouvernement à garantir «la liberté d’expression à toutes les composantes de la société».
 
 
Khadidjatou DIAKHATE

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