SELECTION D’UN PARTENAIRE CHARGÉ DE L’EXPLOITATION DES SURCAPACITES DE L'INFRASTRUCTURE DE L'ETAT : Cacophonie au sommet, Cheikh Bakhoum tente de court-circuiter Abdoulaye Bibi Baldé qui se plaint auprès de l’Armp qui casse le marché



Cacophonie au sommet de l’Etat. En effet, qu’est-ce qui a bien pu se passer dans la tête de Cheikh Bakhoum, qui a tenté de «court-circuiter» le ministre de la Communication, des Télécommunications, des Postes et de l'Économie numérique dans un appel à la concurrence pour sélectionner un partenaire chargé de l’exploitation des surcapacités de l'infrastructure de l'Etat ? Mis au parfum, par courrier du 4 octobre 2018, Abdoulaye Bibi Baldé, ministre de la Communication, des Télécommunications, des Postes et de l'Économie numérique (Mctpen), a saisi le Comité de règlement des différends d'une demande d’annulation de l'appel à la concurrence relatif à l'externalisation de l'exploitation de la capacité excédentaire de l'infrastructure de l'Etat et la gestion du câble sous-marin en construction, lancé par l'Agence de l'Informatique de l'Etat (Adie). Ce que l’Armp a fait sans sourciller. En effet, il a donné raison à Abdoulaye Bibi Baldé en annulant purement et simplement le marché lancé par Cheikh Bakhoum.

Qu’est-ce qui prend Cheikh Bakhoum, Directeur général de l’Agence de l’Informatique de l’Etat ? Piqué par on ne sait quelle mouche, il s’est permis de lancer un marché pour contractualiser avec un partenaire pour l'exploitation des surcapacités de l'infrastructure de l'Etat et du câble sous-marin en construction. Un abus qui a fait sortir de ses gonds le ministre de la Communication, des Télécommunications, des Postes et de l'Économie numérique (Mctpen) Abdoulaye Bibi Baldé. Conséquence, ce dernier lui a remonté les bretelles avant de le freiner. Ce, malgré la solidarité qui doit prévaloir entre structures de l’Etat. Et pour cela, le ministre de la Communication, des Télécommunications, des Postes et de l'Économie numérique (Mctpen) s’est plaint auprès de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp). Dans sa lettre-dénonciation, Abdoulaye Bibi Baldé précise que la fibre optique et le câble sous-marin ne sont pas propriété de I'Adie, mais plutôt de l'Etat du Sénégal et qu'il n'est nullement mentionné dans ses missions, ni dans les prérogatives des organes délibérants de l'Agence, qu'elle a la possibilité de commercialiser ses capacités excédentaires et de contractualiser avec un partenaire pour l'exploitation du câble sous-marin.

Abdoulaye Bibi Baldé : «seul TDS-SA est habilitée à prendre des décisions concernant la gestion des capacités excédentaires»

En plus, le Ministre Abdoulaye Bibi Baldé relève que la question de la gestion et de la valorisation des capacités numériques excédentaires des infrastructures publiques a été réglée par la loi N°2017-28 du 14 juillet 2017, autorisant la création de la société de Télédiffusion du Sénégal (TDS-SA). Cette structure technique a pour missions, outre le pilotage de la transition numérique, notamment l'exploitation technique et commerciale des infrastructures numériques publiques mutualisées; la mutualisation de l'ensemble des infrastructures numériques «active et passive» ; la commercialisation des services de connectivité et de transit dans le domaine du numérique et celle des capacités excédentaires de l'Etat. Au vu des éléments précités, le Ministre de la Communication, des Télécommunications, des Postes et de l'Économie numérique (Mctpen) soutient que seul TDS SA est habilitée à prendre des décisions concernant la gestion des capacités excédentaires. La loi écarte I'Adie de toute initiative visant à entreprendre des activités de télécommunications Par ailleurs, il affirme que, conformément aux dispositions du Code des télécommunications, l'exploitation du réseau ouvert au public et du câble sous-marin est exclusivement du ressort de son ministère. Il rappelle que l'article 2 de la loi 2011-01 du 24 février 2011 portant Code des télécommunications exclut de son champ d'application les installations de l'Etat établies pour les besoins des administrations de l'Etat. Ainsi, il affirme que ces dispositions écartent I'Adie de toute initiative visant à entreprendre des activités de télécommunications de quelque nature que ce soit.

Des projets d'infrastructures réseau pas retracés dans les comptes d’immobilisation de l’Adie

A la réunion d'échanges d'audition des parties du 24 janvier 2019, le Ministère relève que l'infrastructure détenue par I'Adie appartient à l'Etat du Sénégal. C'est dans ce cadre qu'il a produit une note de la Direction du secteur parapublic dans laquelle cette dernière déclare que l'analyse des états financiers certifiés de I'Adie pour l'exercice 2015 montre que les projets d'infrastructures réseau résultant notamment de la mise en œuvre du projet PHASE 3 E-GOV ne sont pas retracés dans les comptes d'immobilisations de l'Agence. En outre, le Ministère de Abdoulaye Bibi Baldé a transmis un arrêté interministériel du 27 juillet 2018, cosigné par le ministre de l'Économie, des Finances et du Plan et le ministre de la Promotion des Investissements, des Partenariats et du Développement des Téléservices de l'Etat, portant création et fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du Comité technique chargé de la mise en œuvre du schéma d'exploitation de la surcapacité de I'Adie. Il relève que ce comité interministériel a pour objet la mise en œuvre du schéma d'exploitation des capacités numériques excédentaires de I'Adie, par une concession dans le respect des principes d'accès ouvert et de non-discrimination.

Les explications de Cheikh Bakhoum…

Dans sa lettre du 4 décembre 2018 et à la réunion du 24 janvier 2019, I'Adie déclare qu'elle est chargée de la mise en œuvre de la politique d'informatisation de l'Etat. Et à ce titre, elle est chargée de «mener et de promouvoir, en coordination avec les différents services de l'Administration, les autres organes de l'Etat et les collectivités locales, tous types d'actions permettant à l'Administration de se doter d'un dispositif cohérent de traitement et de diffusion de l'information, répondant aux normes internationales en matière de qualité, de sécurité, de performance et de disponibilité». Elle précise que sa mission consiste, en outre, à assurer la mutualisation des ressources de l'Etat en vue de rationaliser les dépenses informatiques, d'harmoniser les choix technologiques des différents services de l'Administration, de faciliter les échanges de données et de favoriser le développement d'applications spécifiques ainsi que le partage des applications transversales.

L’Armp confirme le ministre et sabre Cheikh Bakhoum

En examinant le litige, l’Armp dit que l'exploitation d'un câble sous-marin pour offrir des télécommunications aux opérateurs est soumise au régime d'infrastructures prévu par l'article 32 du Code des télécommunications. L’Armp souligne aussi que l'autorisation d'opérateurs d'infrastructures est un droit attribué par décret portant approbation d'une convention de concession qui est signée entre l'opérateur d'infrastructures et l'Etat représenté par le ministre en charge des Télécommunications et le ministre en charge des Finances. Ainsi, en application de ces principes, I'Adie ne peut valablement permettre à un partenaire d'exploiter un câble sous-marin par le biais d'un contrat de concession portant sur une fibre optique qui est en cours de construction par un partenaire technique et financier au profit de l'Etat du Sénégal. En conséquence, l’Armp ordonne l'annulation de la procédure d'appel à la concurrence et renvoie l'Adle au respect des prescriptions de l'article 32 du Code des télécommunications du Sénégal sur l'exploitation du futur câble sous-marin en construction.

Samba THIAM
LES ECHOS

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