À l’issue de son audition à la Section de recherches de la Gendarmerie, le député Thierno Alassane Sall a lancé un avertissement lourd de sens : si la justice sénégalaise tarde à faire la lumière sur les 37 milliards destinés à l’électrification rurale, la justice espagnole, elle, ira jusqu’au bout. Une mise en garde qui rebat les cartes d’un dossier explosif.
Convoqué dans le cadre de la plainte contre X qu’il a déposée au Pool judiciaire financier, Thierno Alassane Sall a été entendu hier entre 10h17 et 13h21. À sa sortie, le député affirme avoir fourni aux enquêteurs «des réponses claires, cohérentes et précises» sur l’ensemble des zones d’ombre du dossier. Selon lui, il appartient désormais aux enquêteurs de «creuser» pour compléter les éléments, car ils disposent de toutes les prérogatives nécessaires pour obtenir les informations restantes : «le dossier est bouclé. S’ils poursuivent les investigations comme il se doit, dans quelques mois, la destination des 37 milliards sera connue»
Le parlementaire cite nommément les entités et personnalités qui, selon lui, doivent être entendues pour faire éclater la vérité : Aser, Arcop, le Directeur national des assurances, AE Power EPC, AE Power Sénégal, ainsi que la banque Santander, au cœur des transactions. «Si toutes ces personnes sont auditionnées, tout sera éclairé», insiste-t-il.
Thierno Alassane Sall affirme avoir parcouru plusieurs zones supposées bénéficier du financement. Partout, le même constat : désolation et déception des populations rurales, toujours privées d’électricité, d’eau potable ou de routes bitumées. «Je n’ai vu le début d’aucun chantier, alors que le financement a été dégagé depuis 18 mois», déplore-t-il.
L’ancien ministre ne cache pas sa confiance dans le travail du procureur sénégalais, tout en soulignant qu’«il a les mains liées». Mais il ajoute une phrase qui résonne déjà comme un avertissement politique et diplomatique. «Si dans quatre mois, notre justice fait traîner l’affaire, la justice espagnole dira elle-même où sont passés les 37 milliards.» Selon lui, des médias espagnols et français rapportent déjà que le dossier intéresse de près les autorités judiciaires d’Espagne, notamment du fait des implications de la banque Santander et d’entreprises basées dans ce pays.
Pour Thierno Alassane Sall, le message est clair : la lumière se fera au Sénégal ou ailleurs. Et si la justice nationale ne se saisit pas avec diligence de ce scandale financier, c’est la justice étrangère qui exposera les responsabilités et les bénéficiaires potentiels des 37 milliards volatilisés. «Je crois à notre justice, mais la vérité éclatera quoi qu’il arrive», conclut-il, visiblement déterminé.
Baye Modou SARR