Il a effectué hier sa deuxième prestation à l’Assemblée nationale. dans le cadre l’exercice parlementaire «Questions d’actualité au gouvernement». Le Premier ministre a été interpellé sur beaucoup de questions liées à la justice, au développement, mais aussi à l’exploitation de nos ressources. Une occasion saisie par Ousmane Sonko pour solder à nouveau ses comptes avec l’opposition parlementaire qui, dans sa majorité, a déserté l’hémicycle.
Malgré l’absence de la plupart des membres de l’opposition parlementaire, Ousmane Sonko s’en est donné à cœur joie, comme à son habitude, tirant à boulets rouges sur eux. Le Premier ministre était à l’Assemblée nationale pour répondre aux questions d’actualité des députés. Sur les licenciements, c’est le ministre de l’Énergie qui a été désigné pour répondre. Birame Souleye Diop dira à cet effet, en prenant le Port autonome de Dakar comme exemple : «il n’y a que deux cas de licenciement pour faute lourde, mais les autres 725 cas sont des contrats à durée déterminée qui sont arrivés à terme».
Pour ce qui est du ministère de l’Energie, Birame Souleye évoque une caisse d’avance qui a été créé en 1981 et dont les domaines d’intervention ont été bien définis par un arrêté. «L’arrêté en question a été complètement violé avec le recrutement de 298 agents avec des contrats à durée indéterminée, basés sur cette caisse d’avance alors qu’elle devait servir pour le paiement d’analyses, acquisition de véhicules, achat de carburant, salaire du personnel temporaire, entre autres. Entre 2021 et 2024, 179 personnes ont été recrutés dont 81 sont originaires de la même localité. Alors, pourquoi devrions-nous continuer à payer des personnes dont les contrats n’ont pas été visés ?», s’interroge Birame Souleye.
Sonko : «l’indépendance de la justice ne signifie pas un gouvernement des juges»
Saye Cissé elle s’est intéressée sur les rapports entre l’exécutif et les autres institutions. Et le Premier ministre de rappeler que le Sénégal n’a pas de problème d’institutions, même si on peut travailler à parfaire le fonctionnement de chacune d’elles. Ousmane Sonko, qui pense que l’indépendance de la justice ne signifie pas un gouvernement des juges ou la justice est totalement coupée de tout. «Quand on parle d’indépendance de la justice au vrai sens du terme, c’est pour les juges des juridictions de jugement et de l’instruction, mais le parquet reçoit des instructions du ministre de la Justice, qui n’est pas une autorité judiciaire mais politique. La politique pénale, même si elle ne doit pas sortir du cadre légale, c’est le gouvernement qui la détermine, ce ne sont pas les magistrats», affirme le Premier ministre.
Pape Djibril Fall : «je plains le ministre de la Justice…»
Alors qu’une bonne partie de l’opposition parlementaire a décidé de boycotter la séance plénière, Pape Djibril Fall lui s’est pointé à l’Assemblée nationale pour participer aux questions d’actualité au gouvernement. «La situation présentée par le ministre de l’Energie concernant les licenciements est très différente de celle décrite pas les licenciés. Il faut que la justice se prononce sur ces licenciements abusifs. Au port, a l’aéroport à la Cdc et beaucoup d’autres structures, nous avons constaté du deux poids deux mesures. Ces licenciements ont même touché des éléments de la police. On nous parle de fin de contrat, mais j’estime qu’un homme de tenue qui s’est sacrifié pour sa nation ne doit pas être licencié pour motif économique», déclare Pape Djibril Fall, qui demande la réintégration immédiate des 312 agents de police.
Pape Djibril Fall dit plaindre le ministre de la justice qui subit, selon lui, une grosse pression, même venant du president de la République, qui demande au peuple de lui mettre la pression. «Non le peuple n’a pas le droit de mettre la pression sur la justice. Il ne faut pas affaiblir le ministre en charge du secteur», soutient-il avant de dénoncer la détention de Simon Faye : «les gens pensent que tous ceux qui sont identifiés comme ennemis de Sonko doivent passer à la trappe ; or, j’estime que vous devriez être plus clément pour tout ce qui touche votre personne. On s’est battu pour que l’administration judiciaire que nous avions se transforme en pouvoir judiciaire, alors ne redéfinissons pas les concepts».
Sonko : «c’est le même État qui est là avec ses habitudes, les mêmes agents, hauts fonctionnaires et magistrats»
Le Premier ministre, comme à son habitude, ne s’est pas fait prier pour répondre à Pape Djibril Fall. Ousmane Sonko lui demande d’arrêter d’être aérien. «Vous me parlez d’un changement de régime, alors que je n’ai fait qu’évoquer des éléments de la Constitution. Il faut arrêter d’être aérien parce qu’avec cette attitude, vous induisez les populations en erreur», fulmine-t-il.
Selon Ousmane Sonko, la justice a été discréditée depuis plusieurs années. «La majeure partie des acteurs de la justice sont d’accord qu’il y a un problème. Nous avons tous vu comment des magistrats ont été instrumentalisés et tout ce que cela nous a coûté. Nous devons aider la justice à se redresser. Les Sénégalais ne doivent pas croire que les choses ont changé dès qu’on a élu le président Bassirou Diomaye Faye. C’est le même État qui est là avec ses habitudes, les mêmes agents, hauts fonctionnaires, magistrats. Le changement tant réclamé est un travail qui s’opère de jour en jour», assure Sonko.
Le Premier ministre estime que le peuple a bel et bien le pouvoir de mettre la pression sur la justice : « pourquoi on peut mettre la pression sur le Président, sur le Premier ministre, sur l’Assemblée et le peuple au nom duquel la justice est rendue n’a pas le droit de mettre la pression sur la justice. Le temps de la justice est bien le temps des hommes parce qu’elle est rendue au nom des hommes. La justice doit être rendu avec célérité».
Poursuivant ses diatribes contre Pape Djibril Fall, le Pm le nargue. «je suis sûr que vous ne connaissez pas l’article de la Constitution qui parle de liberté d’expression». Rappelant les dispositions de l’article 10 de la Constitution, Ousmane Sonko précise : «jusqu’à présent, je ne m’intéressais pas à ces questions et pourtant on m’accuse à tout bout de champ. Le ministre de la Justice est là, je n’ai jamais fait arrêter quelqu’un, mais à partir d’aujourd’hui, j’assume. Nous allons très vite régler le problème de tous ceux qu’on envoie insulter ; peut-être que les commanditaires oseront à ce moment sortir de leur trou pour attaquer directement. Nous les attendons de pied ferme».
Ousmane Diop lui s’inquiète de la prolifération des attaques et insultes via les réseaux sociaux. Ousmane Sonko de le rassurer : «désormais la politique pénale, c’est zéro tolérance en la matière. Zéro tolérance pour les diffusions de fausses nouvelles, que chacun assume. On vous garantit à tous la liberté d’expression, mais on ne garantit pas ce qui va suivre, que chacun assume».
Sonko dénonce dans la même foulée qu’un juge puisse entendre quelqu’un qui reconnaît avoir attaqué et diffamé une personne et décide de le laisser partir, alors que si les attaques en question étaient dirigées contre lui, on parlerait d’outrage à magistrat. «Les Sénégalais ont la même dignité et elle doit être préserver pour tous», dit-il.
S’adressant aux journalistes, le Premier ministre assure que chacun est libre de publier, mais il faut vérifier la véracité des informations avant de les partager avec le public : «les opposants qui ont des organes de presse, qui n’arrivent pas à obtenir 1% de l’électorat sénégalais et qui veulent transformer leurs plateaux en scène de meeting, ce n’est plus de la presse, mais de la politique et il faut l’assumer», déclare-t-il.
Interpellé sur la question de la souveraineté alimentaire, le Premier ministre dit envisager des rencontres sectorielles avec les agriculteurs, les jakartamen, les marchands ambulants, les éleveurs et toutes les forces vives de la nation parce qu’il s’entendre sur un consensus fort. Le ministre de l’Agriculture abonde dans le même sens pour révéler que le Sénégal importe 10070 milliards de denrées alimentaires, mais le gouvernement est résolument tourné vers la sécurité et la souveraineté alimentaire en augmentant le budget de 100 millards à 120 milliards.
Pour remettre le Sénégal Sud les rails du développement, le Premier ministre soutient que la première source de richesse d’un pays, c’est la fiscalité. L’exploitation des ressources naturelles constitue la deuxième source et les prêts interviennent en derniere lieu. A l’en croire la souveraineté a un coût et tout le monde doit en être conscients. Les exonérations fiscales accordées à beaucoup de multinationales et même des entités nationales ont beaucoup pesé sur l’effritement de la situation économique du pays.
Sonko : «je ne comprends pas toute l’importance que accorde au Fmi…»
Abordant la question du Fonds monétaire international (Fmi), Ousmane Sonko dit ne pas comprendre toute l’importance que l’on accorde au Fmi. «On croirait que Dieu allait descendre sur le Sénégal, parce que le Fmi devait venir au Sénégal. C’est juste un partenaire et nous avons des droits en tant qu’Etat membre, nous signons des conventions pour que l’argent que tous les pays membres cotisent soit prêté à ceux qui le souhaitent. Il faut noter que tous les pays contractent des prêts au niveau de Fmi. Nous ne quémandons rien parce que nous remboursons tout nos prêts jusqu’au dernier centime », précise-t-il. Ousmane Sonko estime que toutes les efforts et sacrifices que l’on demande aux Sénégalais auraient plus de sens si ceux qui ont pillé nos ressources viennent répondre de leurs actes. « Nous n’avons cessé de les alerter. Même le Fmi je lui ai écrit une lettre en 2018 pour attirer son attention sur le dépassement sur les ressources extérieures», affirme-t-il.
Malgré l’absence de Thierno Alassane Sall, Ousmane Sonko lui a lancé des piques. «C’est le député qui se targue de valeurs aujourd’hui qui avait signé en 2017 l’une des cessions entre Cosmos et BP dans gérer les diligences nécessaires», situe-t-il en dénonçant la dilapidation de nos ressources par l’ancien régime. Ousmane Sonko déclare que la renégociation des marchés publics dépasse 60 milliards.
Ndèye Khady D. FALL