QUASI PARALYSIE DU TRIBUNAL DE COMMERCE POUR UNE DURÉE INDERTIMNEE : L’Etat doit 95.400.000 francs aux juges consulaires qui examinent pourtant des dossiers à milliards



 
 
Pour une seconde fois, les juges consulaires suspendent les audiences. Ceux qui sont censés assister les magistrats dans les audiences au niveau du Tribunal de commerce ont décidé de rester chez eux, histoire de tordre le bras aux autorités pour le paiement de leurs indemnités. Au total, l’Etat leur doit 95.400.000 francs à titre d’arriérés allant de la période de 2018 à aujourd’hui. Pour des juges qui examinent des contentieux à coups de milliards, c’est inexplicable que l’Etat tarde à leur payer leur argent, surtout pour un montant aussi dérisoire. Tout compte fait, les juges consulaires comptent croiser les bras jusqu’au règlement de leur situation.
 
 
95 millions et 400 mille francs, c’est le montant total que l’Etat doit aux juges consulaires, depuis 2018 jusqu’à aujourd’hui. Une somme dérisoire pour un Etat. Pourtant,depuis plus de trois ans, ces derniers attendent de recevoir leurs indemnités, en vain. Le 8 avril dernier, ces juges qui assistent les magistrats du Tribunal de commerce dans les audiences collégiales ont écrit au président du Tribunal de commerce pour l’informer de leur décision de suspendre les audiences à partir d’aujourd’hui, «jusqu’au règlement définitif de leur situation». Une décision qui certainement va paralyser le fonctionnement du Tribunal de commerce et qui va à coup sûr impacter sur l’économie du pays et sur plusieurs sociétés et sur les avoirs des personnes privées. Comment l’Etat peut-il se permettre de faire la sourde oreille et tarder à payer des personnes dont la mission impacte forcément sur son économie et qui examinent des affaires à coups de milliards de francs ? Certes, ces juges ont pu garder leur dignité et faire preuve de patience depuis tout ce temps, mais l’Etat ne devrait pas jouer avec leur faillibilité.
 
 
Des arriérés depuis 2018
 
 
Dans la lettre adressée au président Malick Lamotte, les juges consulaires ont fait savoir qu’ils rencontrent d’énormes difficultés pour percevoir convenablement leurs indemnités, malgré les états de gestion et de finance des années 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022, qui ont été «établis, signés et envoyés au ministère de la Justice pour liquidation, en vue de paiement conformément au décret N°2019-1602 du 1ieroctobre 2019 fixant les indemnités des juges et conseillers consulaire», soulignent-ils.
 
 
Un des leur a rendu l’âme et l’Etat lui doit plus de 6 millions
 
 
Selon nos informations, un des leurs est d’ailleurs décédé. L’Etat lui doit deux années d’indemnités, précisément 2018 et 2019 pour un montant total de 6.400.000 francs.
Par ailleurs, pour le reste, les montants varient entre 17,300 millions de francs (la plus grosse somme) et 6 millions de francs (le montant le plus faible). Au total, ils sont 8 juges consulaires en fonction.
 
 
Les investisseurs ‘’en danger’’
 
Cette grève est loin d’être banale. L’Etat devrait y mettre un terme en payant l’argent qu’il doit à ces juges. Dans tous les pays du monde, l’une des juridictions les plus respectées, c’est le tribunal arbitral. En effet, c’est ce tribunal qui arbitre les contentieux financiers. Et si les juges sont fragilisés, cela peut être une porte ouverte à la corruption et encourager des pratiques répréhensibles. Des pratiques qui peuvent porter préjudice aux investisseurs. «Cela met en danger les investisseurs», selon un homme d’affaires avec qui nous nous sommes entretenus. «Ne pas payer ces gens les met dans une position de vulnérabilité préjudiciable à la bonne distribution de la justice», embraye un autre. Qui demande à l’Etat de trouver une solution à cette situation au plus vite.
 
 
Promesses vaines
 
 
 
En novembre dernier, les juges et conseillers consulaires avaient observé une semaine de suspension d’audience, pour réclamer leurs indemnités qui s’élevaient à 153,6 millions de francs dont un peu plus de 57 millions de francs revenaient aux conseillers consulaires qui ne sont pas des magistrats mais ils assistent ces derniers dans les Chambres d’appel. Après une semaine de grève, ils avaient repris les audiences pour donner du temps aux autorités qui avaient promis de régler le problème. L’explication qui leur était donnée était qu’il y avait des «lourdeurs administratives» et que bientôt, cela ne serait plus qu’un mauvais souvenir. Mais jusque-là rien n’est fait. Cette fois, les juges sont montés d’un cran, en décidant de ne rejoindre les audiences qu’une fois qu’ils seront payés.
 
 
Alassane DRAME
 
LES ECHOS

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