Procès de la mort de Hiba Thiam: retour sur le lieu du "crime"




 
 
 
L’affaire Hiba Thiam a pris une autre tournure hier, devant la troisième Chambre correctionnelle de Dakar, où les 8 mis en cause qui sont impliqués dans ce dossier ont comparu pour répondre de divers délits. Alors que tout le monde croyait que Hiba Thiam était morte suite à une overdose, Me François Sarr avocat représentant la famille, a révélé que les éléments de l'autopsie sont trop troublants puisqu'il y avait une luxation du cou d'Hiba Thiam, la présence d'hématome sur son avant-bras ainsi qu'une probable intoxication que révèle le certificat médical. Dans ses réquisitions, le parquet ayant requis 8 mois contre tous, Dame Amar et Cie seront libres si le juge suit le parquet dans son réquisitoire puisqu’ils ont déjà purgé cette peine.
 
 
 
 
Après plus de 8 mois de détention préventive (avril 2019), Dame Amar, Pape Diadia Tall, Jacqueline Fatima Rigal alias Poupette, Djibril Ndiogou Bassène, Aliya Bakir, Lamine Diédhiou, Amadou Niane et Louty Ba ont fait face, hier, au juge de la 3e Chambre correctionnelle de Dakar, pour répondre des faits d'association de malfaiteurs, non-assistance à personne en danger, violation de la loi sur l'état d'urgence, corruption, complicité dudit chef, offre et cession de drogue en vue de la consommation personnelle. Ainsi, dans cette affaire dans laquelle Hiba Thiam a péri suite à une overdose dans un appartement aux Almadies, le 4 avril 2019 en plein couvre-feu, les prévenus ont réfuté à l'unanimité toutes ces infractions pour lesquelles ils ont comparu.
 
 
 
Dame Amar : «il n’y avait rien de mal là-bas. Il n’y avait que de l'alcool, non de la cocaïne»
 
 
Premier à être interrogé, Dame Amar a dégagé toute sa responsabilité. «L'appartement, je l'ai pris pour loger Alya Bakir jusqu'à ce qu'elle quitte le Sénégal, puisqu'elle était en vacances. Mais, ce n'était pas pour faire la fête. Il n'y avait pas de drogue et je n'en ai pas vu non plus, même lors de la perquisition dans cet appartement. Je n'ai pas invité toutes ces personnes. Je suis sorti pour aller acheter à manger et c'est à mon retour que j'ai trouvé Djibril Ndiogou Bassène qui m'attendait au poste de garde. On est alors monté. C'est vers 17h30mn que Hiba Thiam m'a appelé pour me dire qu'elle se trouvait aux Almadies et qu'elle voulait venir chez moi ; je lui ai dit qu'il n'y avait aucun problème. J'ai plus tard reçu un message de Pape Diadia qui m'a lui aussi dit qu'il venait dans mon appartement. Hiba m'a dit avoir trouvé un moyen c'est-à-dire quelqu'un qui allait les amener chez moi elle et Diadia. Quand ils sont arrivés, ils ont dit que c'est un policier qui les a escortés. Cela ne me dérangeait pas qu'Hiba vienne chez moi. À part Louty et Alya Bakir, nous tous on se connaît», a raconté Dame Amar. Qui ajoute : «il n’y avait rien de mal là-bas. Ce n'est que de l'alcool qui était là-bas et non de la cocaïne. Je n'ai pas non plus consommé de la cocaïne. Je ne savais pas qu'il y avait de la cocaïne dans l'appartement et je n'en ai pas vu. Tous ces gens-là sont majeurs et vaccinés et ils ont pu l'avoir par-devers eux. J'ai quitté les lieux vers 6h du matin parce qu'il y a eu un mort là-bas. J’étais paniqué. Alya et moi avions quitté l’appartement. En partant, j’ai vu Diadia contacter les secours. A cause de la mort d’Hiba, j’étais paniqué. Quand je l’ai vu, elle était déjà décédée. Quand je suis allé me coucher, Hiba était en train de danser toute joyeuse. Quand je me suis réveillée, on m'a juste avisé qu'elle était décédée», a-t-il indiqué. 
 
 
 
Pape Diadia Tall : «On avait bu beaucoup d'alcool, je n'ai pas vu de la cocaïne là-bas»
 
 
Interrogé, Pape Diadia Tall a lui aussi contesté avant de livrer sa version. «Vu qu'on avait passé l'après-midi ensemble avec d’autres amis, Hiba m'a proposé d'aller dans cet appartement avec elle. Je lui ai dit que j'avais un ami policier et que je pouvais lui demander de nous conduire. Dans l'appartement, je n'ai jamais vu de la cocaïne là-bas. À 21h, j'étais avec Hiba dans cet appartement. Je n'étais pas au courant de sa mort. Je me suis endormi sur le canapé du salon. Je me suis réveillé à 7h. Ndiogou m'a demandé d’appeler les secours. Quand je suis allé voir, j'ai trouvé Hiba allongée par terre. J'ai appelé les secours de 6h jusqu'à 11h. On avait bu beaucoup d'alcool. Je n'ai pas consommé de la cocaïne et je n'ai jamais dit qu'Hiba est morte d'overdose», a-t-il dit.
 
 
 
Jacqueline Fatima Rigal alias Poupette : «je n'ai pas vu de cocaïne là-bas, il n'y avait que de l'alcool»
 
 
Appelée à la barre, Jacqueline Fatima Rigal alias Poupette, soutient : «c'est Djibril Ndiogou Bassène qui m'a appelée depuis le téléphone de Dame pour m'inviter à le rejoindre pour boire un verre d'alcool». Le juge de l’interrompre : «vous avez laissé famille et enfants pour aller prendre un verre ?». Elle répond : «c'était juste pour aller boire un verre avec des amis que je n'ai pas vus depuis longtemps. Je ne suis pas une alcoolique, mais jetais juste venue pour me changer les idées et non faire la fête. C'était une retrouvaille. C'était la première fois que j’allais dans cet appartement. Moi, je n'ai pas vu de cocaïne là-bas. Et je ne l'ai pas non plus consommée. Il n'y avait que de l'alcool. J'ai bu de la bière. Hiba Thiam ne m'a pas offert de la drogue lorsque nous étions dans la chambre, elle, Alya Bakir et moi». 
 
 
Djibril Ndiogou Bassène : «Hiba consommait de la drogue»
 
 
 
Pour sa part, Djibril Ndiogou Bassène alias Nekh a attribué la paternité de la cocaïne retrouvée dans l’appartement à la défunte Hiba Thiam. «(...) J'avais 10 mille F sur moi. J'ai acheté de l'alcool à la station avant de monter dans cet appartement. Dame Amar est allé se coucher, quant à moi, j'étais au salon. J'ai trouvé Hiba Thiam assise sur une chaise anglaise dans les toilettes tenant un plateau sur lequel il y avait de la cocaïne. Je voulais ressortir, mais elle m'a demandé de la rejoindre. Et j'ai obéi. Là, elle m'a montré ce qu'elle détenait et m'a suggéré de goûter. Elle m'a montré comment faire et j'ai goûté. Elle m'a dit que c'était bon. J'ai consommé ce qu'elle m'a donné et comme j'étais bourré à cause de l'alcool que j'ai bu, je suis retourné dans le salon avec la tête qui tournait. 5 mn après, j'ai entendu un grand bruit dans la chambre où se trouvait Hiba. J'ai crié fort lorsque je l'ai vu allongée et en train de saigner parce que je n'ai jamais vu ça. Sa bouche était ensanglantée. Je l'ai appelé par son nom trois fois au moment où elle avait le malaise. Lorsque je l'ai vu en sang, j'ai réveillé Dame», dit-il.
 
 
 
 
Alya Bakir : «C'est Hiba Thiam qui a apporté la cocaïne dans mon appartement»
 
 
À son tour, Alya Bakir, a elle aussi enfoncé la défunte Hiba. «Avant l'arrivée de Hiba Thiam, je n'ai pas vu de cocaïne dans cet appartement. Et je n'en consomme pas. C'est Hiba qui en avait à sa possession et c'est elle qui l'a apportée dans mon appartement. Je l'ai vue dans ma chambre avec de la cocaïne. Elle-même, elle en avait en sa possession et je pense qu'elle l'a apportée avec elle. Hiba m'a trouvée dans ma chambre où j'étais avec Poupette. Elle a sorti de la drogue et elle m'en a offert. J'ai refusé. Mais, de l'alcool, il y en avait dans l'appartement et sur la table à manger. Mais, il n'y en avait pas à gogo», narre la copine de Dame Amar, qui a réfuté les tests qu'ils ont subis ainsi que les réceptacles de cocaïne dont fait état l’enquête.
 
 
Le policier Lamine Diédhiou : «je voulais rendre service à Didia Tall qui est un ami»
 
 
 
Révélant au tribunal avoir fait 9 ans de service dans la police, l'agent de police Lamine Diédhiou a balayé d'un revers de main le délit de corruption qui lui est collé. «J'étais chez moi. Mais Diadia Tall que je considère comme un ami et frère m'a appelé et demandé de le déposer aux Almadies chez le dentiste. J'ai accepté et je l'ai transporté sur ma moto. C’était pour lui rendre service parce qu'il avait mal à la dent et qu'il allait se soigner. Je ne savais pas qu'il n'était pas tout seul. Son amie Hiba était véhiculée. Il m'a remis 20.000 F sans que je le lui demande. En cours de route, j'ai rencontré des agents à qui j'ai confié que je devais conduire un frère qui avait mal à la dent. J’ai présenté aux policiers mon badge de service», a souligné cet agent en détention.
 
 
 
 
 
Louty Ba : «Elle avait du sang dans la bouche, elle ne respirait plus…»
 
 
 
De son côté, Louty Ba a dit au tribunal avoir porté son secours à Hiba Thiam qui agonisait. «Il me semble que c'est Dame qui m'a dit que Hiba avait fait un malaise. Nous avons tous essayé d'appeler, mais on n’arrivait pas à joindre les secours. Elle avait du sang dans la bouche, elle ne respirait plus. Il était 23 heures, j'ai constaté qu'elle était décédée. Moi, j'étais en état de choc. Je suis sorti de la pièce. Je suis venu en aide à Hiba en lui prenant son pouls, en lui faisant un massage cardiaque, un test de réactivité etc. J'étais lucide. J'ai uniquement consommé l'alcool. Je n'ai pas vu la cocaïne à gogo dont vous parlez. On avait consommé de l'alcool», déclare Louty. Et pourtant, dans ses échanges avec sa femme, il avait accusé Dame Amar. «Elle était avec Dame Amar. Je ne sais pas ce qu'il lui a administré. Dame a pris la fuite», avait-il envoyé à son épouse dans leurs échanges.
 
 
 
 
Me Seydou Diagne accuse Dame Amar et réclame 1 milliard à titre de préjudice pour la famille de Hiba Thiam
 
 
 
Pour la mère, le père, les frères et sœurs de la victime, qui se sont constitués parties civiles, Me Seydou Diagne a réclamé 1 milliard à titre de préjudice avant de revenir sur les «mensonges de Dame Amar». «Il y a un adage qui dit que les morts sont toujours perdants, mais nous sommes dans une République. Cette mort ne peut pas être passée à pertes et profits. Et notre République ne peut pas accepter cette situation. J'ai relevé 33 mensonges de Dame Amar qui est le principal prévenu dans cette affaire. Il vous regarde dans le blanc de l'œil en mentant. Au moment où Hiba agonisait, il a remis sa clé à son ami Niane pour pouvoir se justifier auprès de sa femme parce que celle-ci l'avait vu dans sa voiture avec sa copine Alya Bakir. C'est Dame qui a alerté tout le monde. Il a hurlé avant qu'il n'aille fumer une cigarette sur le balcon. En plus, Louty Ba disait toujours dans les messages envoyés à sa femme que Dame Amar a fui et qu'il ne savait pas ce que celui-ci avait administré à Hiba. Il s'y ajoute que le père d'Hiba m'a dit qu'il voulait savoir ce qui s'est passé dans cette affaire. C'est une légende ce qu'a dit la presse en révélant qu'elle était coutumière des faits (se droguer). Cette soirée est comme la piscine party d'hier et je pèse bien mes mots. On verse dans la débauche en violation des lois de la République. Ils avaient à l'unanimité et de concert refusé les tests à la gendarmerie. Celle-ci a utilisé la voie légale. C'est peine perdue de vouloir contester leur validité. Je veux que leur déclaration de culpabilité soit prononcée. Hiba Thiam était une machine intellectuelle. Si vous voyez son cv, son cursus, les postes occupés etc. Elle était très brillante. Ce n'est pas cette fille bourgeoise comme l'a mentionné la presse. Il n'y a aucun rapport qui dit qu'elle est morte d'overdose. C’est Dame Amar qui a invité ses deux copines (Hiba et Alya Bakir) et il y a eu une scène de jalousie jusqu'à ce que mort s’ensuive», a plaidé Me Diagne.
 
 
 
Me François Sarr : «Dame Amar a voulu sauver son ménage. Leurs déclarations sont injurieuses à l'encontre de la victime»

 
 
 
 
Son confrère, Me François Sarr s'est penché sur les constatations de l'autopsie et du certificat de genre de mort de sa cliente, en semblant remettre en cause sa mort par overdose. «Le certificat de genre de mort dit que le décès a été constaté le 4 avril à 12h. Quant à l'autopsie, elle a été effectuée le 6 avril. Il y a des éléments qui sont trop troublants concernant cette autopsie, puisqu'elle a fait état d'une luxation du cou, d'une présence d'hématome de l'avant-bras d'Hiba Thiam etc. Et le certificat médical évoque une intoxication probable. Et ledit rapport dit que des traces de cocaïne ont été trouvées dans les urines d'Hiba comme pour les autres. Il est constant que le décès a été constaté le lendemain et qu'on ne connaît pas encore les véritables raisons de son décès. Dame Amar a voulu sauver son ménage. Leurs déclarations sont injurieuses à l'encontre de la victime. Parce que lorsqu'elle agonisait, ils étaient tous là en train d'organiser quelque chose pour s'en tirer. Après avoir été mis au courant du décès, Dame a dit à sa copine Alya de quitter les lieux puisqu'il n'avait rien à voir avec ça. Elle a emporté beaucoup de mystère avec elle. Rendez justice à sa famille», a plaidé Me Sarr.
Prenant la parole, le procureur a requis contre tous 8 mois de prison ferme pour certaines infractions. Peine qu'ils ont déjà purgée. Il a aussi requis la relaxe de Louty Ba pour l'usage de la drogue et la non-assistance à personne en danger. Concernant ladite infraction, il a sollicité la relaxe de Alya Bakir ainsi que la relaxe de tous pour le délit d'offre et de cession de cocaïne. Sur la violation du couvre-feu, il a sollicité que Diadia Tall soit déclaré coupable et que Dame Amar soit relaxé pour complicité dudit délit et de la corruption. Mais, le parquetier a demandé que le policier Lamine Diédhiou soit reconnu coupable pour corruption et Niane pour entrave à l'action de la justice. Délibéré au…
 
 
Liberté provisoire pour tous, délibéré le 27 janvier prochain
Au terme des plaidoiries des avocats de la défense, tous les prévenus ont obtenu la liberté provisoire. Me Ciré Clédor Ly et Cie attendent avec impatience, avec leurs clients, le délibéré fixé au 27 janvier prochain.
 
 
 
Fatou D. DIONE 
 
 
 
 
 
 
LES ECHOS

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