PUBLICATION DE SES MEMOIRES «PASSION DE LIBERTE»: Le Pr Abdoulaye Bathily dénonce le recul démocratique sous Macky Sall et invite les jeunes Sénégalais à militer et à lutter



 
 
 
En retraite politique, le Pr Abdoulaye Bathily a désormais du temps pour lui-même. Du temps que l’historien a consacré à la rédaction de ses mémoires : «Passion de Liberté». Hier lors de la cérémonie de dédicace de ce livre de plus de 700 pages, les intervenants ont tenu en haleine l’assemblée avec des anecdotes et autres histoires croustillantes tirées des pages du livre. L’auteur, quant à lui, a notamment axé sa déclaration sur des messages à la nouvelle génération de jeunes militants. Le professeur Bathily appelle la jeunesse à «se battre avec les moyens de son époque».
 
 
 
«… Plus qu’une autobiographie, le livre d’Abdoulaye Bathily est tout à la fois, la biographie et le portrait intime de sa génération, d’une jeunesse qui, dans la ferveur de l’engagement politique et culturel, s’est fixé comme principaux objectifs : l’émancipation du continent, la réalisation de l’Unité Africaine et du panafricanisme, et une forte présence de l’Afrique sur la scène du monde». Ainsi, résume Mamadou Diouf dans la postface, «l’ouvrage est une entreprise de libération politique économique et sociale».
Dans ses mémoires, le professeur Abdoulaye Bathily dénonce  le recul démocratique sous la présidence de Macky Sall. «En me fondant sur les repères des acquis démocratiques ayant conduit à l'Alternance, je peux affirmer que nous sommes loin du compte. Le Président Macky Sall a renoncé à plusieurs de ses engagements phares : la réduction du mandat de sept à cinq ans ; la Charte de gouvernance démocratique et les conclusions des Assises nationales restent encore à traduire en décisions de «gouvernance sobre et vertueuse»; la controverse vive qui continue de marquer le processus électoral nous éloigne encore du rêve d'élections libres, démocratiques et transparentes, comme exprimé depuis 1992 (parrainage, montant de la caution)», a estimé le Pr Bathily.
Pire, regrette-t-il, la neutralisation de la Cena au profit du ministère de l'Intérieur, l'introduction du système décrié du parrainage, le contentieux persistant sur le fichier électoral, entre autres, ont encore dégradé les indicateurs démocratiques. Plus inquiétant encore est l'élimination des adversaires politiques, par le biais de procès de plus en plus considérés, aux yeux de nombre de citoyens, comme des règlements de comptes politiques.
«Le régime de Macky Sall dépasse le record d'emprisonnement d'opposants politiques et de membres de la société civile sous divers prétextes, dont des délits d'opinion (offense au chef de l'Etat, diffusion de fausses nouvelles), alors qu'au même moment les dignitaires du système en place sont épargnés pour des reproches quelquefois plus graves (trafic de faux médicaments, de faux billets, fautes de gestion...). Au moins autant que sous les régimes précédents, l'indépendance de la justice est une revendication pressante pour les citoyens. La séparation des pouvoirs législatif, judicaire et exécutif apparaît, encore plus que par le passé, une fiction au regard du fonctionnement du pouvoir et de ses nombreuses initiatives», a encore écrit Abdoulaye Bathily dans ses mémoires.
 Au regard de tout ça, l’ancien candidat à la présidence de la Commission de l'Union Africaine invite les jeunes Sénégalais à militer et à lutter. «C'est par la lutte qu'on se libère. La jeunesse doit se battre avec les moyens de son époque. La passion de la liberté habite en chacun d'entre nous», dit-il, reconnaissant «le courage de la nouvelle génération qui se bat avec les moyens de son époque, y compris avec des excès».
Il les prévient néanmoins qu’il faudra être courageux pour militer. En effet, se rappelant qu’à chaque fois qu’ils déposaient une demande de manifestation, les préfets et gouverneurs prétextaient le manque de forces de l’ordre pour encadrer la manifestation et les risques de trouble à l’ordre public, Bathily note que pourtant, l’autorité avait toujours suffisamment de forces pour réprimer nos manifestation. «J’ai une pile d’arrêtés de préfets et de gouverneurs, qui nous disent en somme: on n’a pas assez de personnel de sécurité pour encadrer la manifestation, mais assez pour la réprimer. On ne peut pas rester neutre des une situation pareille», dénonce-t-il.
 
 
Bathily dissuadait Condé de faire un 3e mandat
 
 
 
Prenant la parole, le Pr Boubacar Barry est revenu sur les interventions du Pr Abdoulaye Bathily pour dissuader Condé de briguer un troisième mandat. L’éminent historien a également dit que c’est Abdoulaye Bathily et Mbaye Diack qui ont permis aux étudiants guinéens fuyant le «régime répressif» de Sékou Touré d’être boursiers et de poursuivre leurs études à Dakar.
Le Pr Mamadou Diouf a quant à lui dit sa surprise de la transformation de l’espace politique sénégalais. «Je suis surpris par la dégradation de l'espace politique. Les insultes semblent être la règle certains que je connais qui n'ont jamais insulté sont obligés de le faire pour rester dans le cercle du pouvoir», a indiqué l’historien.
Pour sa part, Mamadou Ndoye est revenu sur les dimensions démocratique et intellectuelle du Pr Abdoulaye Bathily. «Abdoulaye Bathily, malgré tout ce qui l’opposait à Senghor, a reconnu que ce dernier a eu sa partition à la civilisation africaine. Même si on peut ne pas être d’accord avec lui, cela montre sa dimension d’intellectuel et de démocrate».
 
 
Decroix : «certains pensent que le Sénégal a commencé en 2012»
 
 
Mamadou Diop Decroix a d’abord indiqué l’importance d’enseigner la bonne histoire aux élèves et étudiants du pays. Parce que, dit-il, «certains pensent que le Sénégal a commencé en 2012». Poursuivant, Decroix raconte une histoire tirée du livre : celle de la «tenue IBK», du nom de l’ancien Président malien Ibrahim Boubacar Keita. Selon lui, le Pr Abdoulaye Bathily raconte dans son livre que c’est par lui que le Président Keita a découvert cette tenue et c’est par la suite que Macky Sall l’a adopté.
Le Sg de And-Jëf est également revenu sur leur passage avec le Pr Bathily à l’armée. «Quand Senghor nous a envoyés à l’armée, on se saluait par des camarades : ‘’camarade sergent’’, ‘’camarade caporal’’… », dit-il. Avant d’aborder «la problématique de la gauche aujourd’hui».  «Quand j’ai dit ‘’la gauche africaine a fait faillite’’, des camarades me sont tombés dessus. Mais la vérité est que même si la gauche s’est sacrifiée partout en Afrique pour l’avènement de la démocratie, elle n’a jamais réussi à conquérir le pouvoir», dit-il.
Alioune Tine, lui, a axé son intervention sur les défis de la démocratie sénégalaise. «On n’a pas l’impression d’avancer sur le chemin de la démocratie… Notre démocratie est en train de butter sur quelque chose…», a estimé Alioune Tine, posant la question de savoir «comment traverser et dépasser cette situation». 
A son tour, Nicolas Ndiaye, est revenu sur le militantisme.«Le militantisme commence à être démodé dans notre pays. Abdoulaye est allé à des élections présidentielles, mais jamais il n’a dépassé la barre des 5%. La Ld est un parti de gauche. Nous n’avons jamais été riches. En un moment donné, on n’avait qu’une seule voiture. Mais avec Abdoulaye Bathily à notre tête, nous n’avons jamais eu honte d’appartenir à la Ld, nous n’avons jamais baissé la tête», a assuré Nicolas Ndiaye.
 
 
 
 
 
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
LES ECHOS

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