PROPOSITION DE LOI PORTANT REGLEMENT INTERIEUR DE L’ASSEMBLEE NATIONALE : Malgré le coup bas de la majorité sur la question d’actualité au gouvernement, l’Assemblée adopte son nouveau règlement par 138 voix




 
C’est officiel, l’Assemblée nationale a adopté hier un nouveau règlement intérieur. Si le début de la séance plénière était marqué par des échanges de civilités entre majorité, opposition et non-inscrits, qui ont tous salué la procédure qui leur a permis d’avoir un  nouveau code de conduite, tout en promettant de voter pour l’adoption du texte, des amendements ont été déposés. Maguette Sène a demandé l’application de la parité dans le bureau, le président de l’Assemblée y compris. Anta Babacar Ngom s’est opposée avec Tafsir Thioye et Aïssata Tall Sall à la modification des dispositions concernant les questions d’actualité au gouvernement. Ces derniers estiment qu’au lieu d’une fois au moins par trimestre, le Premier ministre devrait se présenter comme promis une fois par mois.
 
Lors de la séance plénière pour l’examen de la proposition de loi portant règlement intérieur, il n’y a pas eu beaucoup d’intervenants pour le débat général, certainement à cause de l’entente scellée entre toutes les sensibilités politiques. Tout le monde quasiment a salué la procédure. Néanmoins, certains veulent s’assurer de l’application totale et rigoureuse du texte.
Assane Diop salue l’entente qui a permis de modifier à l’unanimité leur règlement intérieur, mais souhaiterait que les textes soient appliqués rigoureusement pour écarter tous les députés dont les activités professionnelles ne sont pas compatibles avec la fonction de parlementaire, qui s’absentent depuis le début de la législature. Pour lui, Abdoulaye Sylla, un entrepreneur qui gagne des marchés de l’Etat et tous ceux qui sont dans le même cas que lui doivent céder leur place à d’autres personnes qui pourront assurer pleinement leur rôle de représentant du peuple.
Bakary Diédhiou abonde dans le même sens et demande l’application de l’article 113 du règlement intérieur pour régler le problème des «  démissions » non déclarées et des incompatibilités de profession avec la fonction de député.  
Anta Babacar Ngom pense que ce n’est pas simplement un texte technique, c’est leur règle du jeu à l’Assemblée nationale. Saluant le travail accompli, elle affirme que le texte apporte des avancées réelles qu’elle soutient ; elle en veut pour preuve la création d’un comité permanent d’évaluation des politiques publiques, la réforme des commissions d’enquête, le renforcement de la procedure sur l’immunité parlementaire, la création de la chaîne parlementaire et le rôle renforcé de la conférence des présidents. Le plus marquant dans ce texte, c’est qu’il consacre aux non-inscrits la présence dans les instances de decision et leur donne des moyens de participer pleinement à la vie parlementaire.
Anta Ngom estime par ailleurs qu’il leur faut rester très vigilants, qu’il y a encore quelques zones d’ombre : «  je pense à la question des démissions des députés. Le député est élu par le peuple et ce lien ne peut être rompu par une decision administrative. D’autres points comme la parité, le statut des assistants parlementaires devront être affinés dans le temps », assure la présidente de Arc qui promet de voter le texte.
Abdoulaye Tall dit avoir constaté que lors de cette exercice de révision et de toilettage du règlement intérieur, « tous les membres étaient au-dessus des contingences politiques, des considérations partisanes, en mettant en avant la République, l’Etat de droit, la démocratie et l’intérêt supérieur de l’institution parlementaire, lieu par excellence du débat politique, du jeu politique ».
Selon le président de la Commission des lois, ce nouveau règlement intérieur leur a permis de régler la procédure d’enlever l’immunité parlementaire, mais aussi d’arrêter le débat sur la parité, au moment de l’élection des membres du bureau. Mieux, souligne-t-il, le nouveau règlement intérieur de l’Assemblee leur permet de donner à l’institution le pouvoir de saisir la justice à la suite d’une enquête parlementaire. Pour Me Tall, l’innovation majeure demeure la création d’une comité permanent de suivi et d’évaluation des politiques publiques, c’est une innovation majeure de l’Assemblee nationale assure Abdoulaye Tall.
 
Tafsir Thioye : « je regrette que l’excellent travail que nous abattons depuis 6 mois soit parasité par le débat sur le Sukëru Koor »
 
Tafsir Thioye affirme qu’ils ont donné à l’Assemblée nationale sa dignité. Le député non-inscrit regrette que le travail extraordinaire abattu par la XVème législature durant ces 6 mois soit parasité par le débat sur le Sukëru Koor. «Il y a certains débats qui ne nous honorent pas. Nous devons nous respecter pour que le peuple nous respecte en retour», assène-t-il.
 
Aissata Tall Sall : « nous vous faisons confiance mais nous resterons vigilants »
 
Aïssata Tall Sall de renseigner : «Nous avons pensé à protéger davantage le député, régler des contentieux parce que l’opposition a été privée d’un poste de vice-président sur une interprétation des textes», avant d’assurer qu’il y a encore des questions en suspens parce qu’il y a eu des divergences politiques sur le nombre de députés qu’il faut pour former un groupe parlementaire. «J’avais proposé qu’on abaisse le seuil mais la majorité a décidé de son maintien. Sur la Haute Cour de justice, nous n’avions pas pu avancer parce que nous avions un plafond au-dessus de notre tête qui est la Constitution», fait noter la présidente du groupe parlementaire Takku-Wallu.
Pour elle, c’est bien de réformer, mais l’application reste la finalité. «Il faut que nous prenions l’engagement d’appliquer ce règlement intérieur», déclare Me Tall qui demande à El Malick d’être le gardien de ce règlement intérieur : «nous vous faisons confiance mais nous resterons vigilants».
 
Ayib Daffé : «le Premier ministre peut aussi venir deux ou même trois fois dans ce trimestre»
 
Ayib Daffé est lui aussi largement revenu sur les changements opérés dans le règlement intérieur en rassurant ses collègues députés pour ce qui est des questions d’actualité au gouvernement. «Lors de cette session, le Premier ministre s’est présenté deux fois à l’Assemblée pour  répondre aux questions d’actualité. Cette fois-ci, nous avons décidé du respect strict des calendriers pour les questions adressées au gouvernement », fait-il savoir tout en précisant : «au moins une fois par trimestre signifie que le Premier ministre peut aussi venir deux ou même trois fois dans ce trimestre».
 
Amendement de Maguette Sène sur la parité à l’hémicycle
 
Le député-maire de Malicounda a amendé le texte pour dire que l’interprétation qui voudrait écarter le chef de l’institution est balayé constamment par la jurisprudence sénégalaise. C’est le cas notamment en 2022 avec beaucoup de décisions rendues par la Cour d’appel qui a annulé toutes les élections dans lesquelles un maire homme n’avait pas pour adjoint une femme. Également, la Cour d’appel de Dakar qui avait fait une mauvaise interprétation en arguant que le maire qui était élu au suffrage universel n’était pas concerné par la parité, a vu sa décision cassée par la Cour suprême ».
A l’en croire, le décret qui porte application de la loi sur la parité place l’Assemblée, au même titre que les conseils municipaux, parmi les institutions dont le bureau ou les commissions doivent être absolument paritaires. « L’Assemblée nationale en tant qu’institution chargée du vote des loi ne devrait continuer d’appliquer en son sein des pratiques contraires à la législation qu’elle est censée elle-même produire». Amadou Ba et Abdoulaye Tall s’y sont opposés. Suivis en cela par la majorité lors du vote.
 
Anta Ngom : «nous avons opté pour une rupture donc nous ne devons pas accepter ce recul démocratique»
 
 La député non-inscrit souhaiterait que l’article 104 du règlement intérieur soit revu. « Il est inscrit dans cet article que les questions au gouvernement se feront désormais une fois au moins par trimestre, alors que pour l’ancien règlement, c’était minimum une fois par mois. Je propose donc que l’on maintienne ce format, parce qu’il y a beaucoup d’actualités au Sénégal nous avons opté pour une rupture donc nous ne devons pas accepter ce recul démocratique», a-t-elle lancé.
Refus de Maimouna Bousso et Abdoulaye Tall s’y sont refusés. Lors du vote, la majorité parlementaire s’y est opposée.
 
Tafsir Thioye. : «nous nous étions entendus pour le passage du Premier ministre au moins une fois par mois»
 
Tafsir Thioye estime qu’il doit clarifier les choses sur cette question par devoir et pour l’histoire. « En réalité, Anta Babacar Ngom a raison et c’est le format une fois au moins par mois qui a été retenu. Le Premier ministre s’est engagé devant tout le monde lors de sa Déclaration de politique générale. Donc si aujourd’hui nous parlons de 3 mois, c’est nous qui n’avons pas la volonté de le contrôler. En conséquence, il invite ses collègues à soutenir l’amendement de Anta Babacar Ngom pour honorer la parole du Premier ministre mais aussi crédibiliser l’institution.
 
Aissata Tall Sall : «nous sommes gênés de voir que ce point a connu une évolution sans que nous en soyons informés»
 
Aïssata Tall Sall soutient que ce débat est très gênant parce qu’on veut le personnaliser. « Vous voulez penser que ce que nous avons dit concerne le président Ousmane Sonko, alors que ce n’est pas le cas. Il s’agit du Premier ministre du Sénégal qui il puisse être. La loi est impersonnelle et permanente. Si nous voulons être cohérents avec nous-mêmes, nous devons laisser cette partie en l’état parce que nous nous sommes entendus pour les questions d’actualité au gouvernement une fois au moins par mois. Nous sommes gênés de voir que ce point a connu une évolution sans que nous en soyons informés ».
 
Ayib Daffé : «Ceux qui avaient boycotté le passage du Premier ministre la dernière fois réclament sa présence»
 
Ayib Daffé trouve que la situation est assez cocasse, puisque ceux qui avaient boycotté le passage du Premier ministre la dernière fois réclament sa présence. « Quand on dit une fois au moins, c’est parce qu’on peut avoir plus, c’est du français. Il faut qu’on aille vers plus d’ouverture et plus de réalisme. Nous sommes un pays en redressement qui exige la mobilisation du Premier ministre tout le temps et sur tous les fronts », déclare le président du groupe de la majorité, qui demande le rejet de l’amendement de Anta Babacar Ngom. Donc sur 128 votants, il y a eu 15 voix pour l’amendement et 113 contre.
Après avoir épuisé ces procédures, le président de l’Assemblée nationale a mis aux voix l’ensemble du texte : sur 139 votants, 138 députés ont voté pour l’application du nouveau règlement intérieur et un s’est abstenu.
Nd. Kh. D. F
 
 
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