PRESIDENTIELLE : L’organisation, la sécurité et la participation, enjeux du scrutin de ce dimanche



 Demain dimanche 24 février, les Sénégalais sacrifieront à un rituel bien ancré dans nos mœurs : l’élection d’un président de la République. Comme les scrutins précédents, celui-ci charrie des enjeux liés bien sûr à la bonne organisation et à la participation, mais aussi et surtout au plébiscite auquel est soumis le président sortant qui brigue un second et dernier mandat. Tous ces enjeux sont d’importance, dans un contexte où il y a une rupture dans le consensus qui prévalait entre acteurs politiques depuis 1994. Aussi, plus qu’en 2000 et en 2012, des craintes sont nourries quant à une élection transparente, régulière et apaisée. Les Sénégalais vont se rendre demain aux urnes, pour confirmer le président sortant, Macky Sall, en lui donnant un second mandat dès le premier tour. Ils pourraient également ne plus trop lui faire confiance, le poussant dans un ballotage avec un des candidats de l’opposition vers un deuxième tour des plus aléatoires pour lui. Dernier scénario envisageable, le président sortant est éliminé dès le premier tour, ce qui est a priori impossible. Préalables organisationnels Mais, avant toute expression du suffrage, des préalables organisationnels sont nécessaires et leur satisfaction impacte forcément sur le niveau de la participation. Il s’agit de tout ce qui est lié au fichier électoral, à la carte électorale et subséquemment à l’aménagement des bureaux de vote et la mise en place du matériel électoral. Il faut dire que, dans un contexte de non dialogue entre acteurs politiques, les cartes d’électeur, désormais rattachées aux cartes d’identité biométriques Cedeao, ont connu beaucoup de couacs dans leur édition, quelquefois très tardive, comme dans leur distribution, très désordonnée dans certaines zones. Et même si, aujourd’hui, le ratio de cartes distribuées est à plus 95%, le fait que quelque 200.000 citoyens puissent être privés de ce droit de vote est inadmissible. Sans compter les modifications intervenues dans la carte électorale, changeant des lieux de vote d’électeurs sans que ces derniers en soient informés. Ou l’établissement de duplicatas tous azimuts, soi-disant pour pallier les cartes éditées que leurs propriétaires n’arrivent pas à localiser. En tout cas, dimanche, il ne manquera pas des citoyens qui s’entendront dire, parvenus à leur bureau habituel de vote, qu’ils ne sont pas sur la liste. Touba, le nœud-gordien sécuritaire Il faut souligner le cas spécifique de Touba, ville sainte et capitale du Mouridisme, grand bassin électoral qui attire toutes les convoitises des candidats. Le président sortant a lancé sa campagne dans la zone, son Premier ministre y est retourné avant-hier, après que les candidats de l’opposition, particulièrement celui de «Idy 2019», l’y ont supplanté. Cette ville religieuse ne disposant pas d’établissements scolaires publics, puisque l’école française n’y a pas pied, c’est généralement dans des abris provisoires que se déroulent les scrutins. Ainsi, pour sécuriser les quelque 500 abris provisoires qui servent de bureaux de vote, le ministre de l’Intérieur s’y est rendu lui aussi, hier, reconnaissant qu’à Touba, 5 bureaux sur 6 sont dans un abri provisoire. Ce qui pose in fine la question de la sécurisation du scrutin dans cette zone, avec les risques de perturbation, même si le pape du Sopi n’est plus dans la logique de brûler les Pv. Plébiscite ou vote-sanction Il faut seulement espérer que les Sénégalais, malgré tous ces impairs qui peuvent les inhiber, iront en masse exercer leur droit de vote et exprimer dans les urnes leur appréciation du septennat écoulé du président sortant Macky Sall. Car, c’est bien à un plébiscite que nous avons affaire dans cette présidentielle. En effet, surfant sur son bilan égrené tout le long de la campagne électorale, le candidat de Benno Bokk Yakaar, demande aux Sénégalais de lui renouveler leur confiance afin de terminer les projets contenus dans la 2e phase de son Plan Sénégal émergent. Mais, s’il est indéniable que des progrès notables ont été enregistrés, les points noirs sont nombreux, relativement aux valeurs qui avaient été invoquées pour obtenir le premier mandat et qui ont été rapidement oubliées en chemin. Et ses challengers l’ont si bien compris qu’ils ont principalement axé leurs discours dans la dénonciation de ces tares. Reste maintenant à savoir s’il existe une volonté réelle de changement chez les citoyens sénégalais, après seulement un mandat du président sortant. Ce qui serait inédit, puisque tous les chefs d’Etat sénégalais qui ont eu à présider aux destinées de cette nation, ont eu au moins 2 mandats. Néanmoins, l’irruption dans le champ politique d’un candidat comme Ousmane Sonko, ainsi que l’arrivée à la maturité électorale d’une frange importante de la population majoritairement jeune, sont des données à ne pas négliger, pouvant contribuer à la survenue d’un changement. Finalement, loin de donner de la lisibilité à la scène de l’élection présidentielle, le parrainage semble avoir regroupé dans l’arène cinq identités remarquables, ce qui induit une indécision de l’issue du scrutin, malgré le matraquage médiatique, les discours chocs, les déferlantes et les foules monstres. En tout cas, alea jacta est, ce n’est plus qu’une question d’heures.

Mansour KANE
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