PREMIERE SESSION EXTRAORDINAIRE 2025 : Alioune Souaré alerte sur les incohérences et les nombreux manquements que renferment les projets de loi portant déclaration de patrimoine, sur les lanceurs d’alerte et sur l’Ofnac




 
Le président de la République a fait convoquer les parlementaires en session extraordinaire pour examiner 4 projets de lois dont les trois vont dans le sens de l’application de la loi 2012-22 du 27 décembre 2012 portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques. Il s’agit du projet de loi portant déclaration de patrimoine, le projet de loi sur l’Ofnac et celui sur les lanceurs d’alerte. Mais, Alioune Souaré alerte l’Assemblée nationale. L’expert parlementaire liste beaucoup d’incohérences et de manquements sur les projets de loi. Une lecture croisée a permis à l’expert parlementaire de relever les tares dans les trois projets de lois. L’ancien député parle d’abord d’un problème de légistique mais aussi des problèmes de fond.
 
Comme précisé dans l’exposé des motifs du projet de loi n°15 portant sur la déclaration de patrimoine, c’est la transposition du Code de transparence de l’Uemoa qui avait conduit à l’adoption de la loi n°2014-17 du 02 avril 2014, relative à la déclaration de patrimoine.  Par la suite, la loi la loi 2024-07 du 9 février 2024 modifiant et comblant les lacunes de la loi2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine a été promulguée avant que le nouveau régime ne songe à parfaire encore les textes en décidant de présenter aux parlementaires un nouveau projet de loi portant déclaration de patrimoine qui sera examiné en plénière le lundi 25 août 2025, par l’Assemblée nationale en session extraordinaire.
Après lecture des trois textes, l’expert parlementaire Alioune Souaré y a décelé quelques incohérences. L’ancien député met d’abord le curseur sur la partie qui traite la liste des personnes assujetties à la déclaration de patrimoine. En effet, dans la loi n°2014-17 du 2 avril 2014, après avoir listé les personnes assujetties à la déclaration de patrimoine à l’article 2 de ladite loi, le législateur a souligné à l’article 7 de la même loi que la mise à jour de cette liste des  personnes assujetties est assurée par un décret. «En application de l'article 2 de la présente loi, la liste des personnes assujetties en fonction du critère relatif au niveau des opérations financières qu'elles effectuent, est fixée et mise à jour par décret».
Dans la loi 2024-07 du 9 février 2024 modifiant et comblant les lacunes de la loi 2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine, les dispositions de l’article 7 ont été modifiées et la liste des personnes assujetties a été intégrée dans la loi directement : «la déclaration de patrimoine est obligatoire pour les présidents d'institution de la République (…) ; Les membres de l'Assemblée nationale suivants (…) ; Les membres du Gouvernement et autres personnalités relevant de la présidence de la République, de la Primature et du Secrétariat général du Gouvernement etc.».
 
 
 
«Avec la liste des personnes assujetties en annexe, ces dernières n’ont aucune obligation maintenant de faire une déclaration de patrimoine»
 
 
 
Seulement, il y a une nouveauté. Dans ce nouveau projet de loi portant déclaration de patrimoine que les députés doivent examiner durant cette session extraordinaire,  la liste des personnes assujetties  a été transformée en annexe : «il faut comprendre que les annexes ne font pas partie des lois. Quand l’Assemblée nationale vote une loi, cela concerne les articles, uniquement les articles», précise-t-il d’emblée. Alioune Souaré d’embrayer : «dès que la liste des personnes assujetties est mise en annexe, elle ne fait plus partie de la loi et donc les personnes assujetties n’ont plus aucune obligation, aucune contrainte du point de vue de la loi pour déposer leur déclaration de patrimoine».
Pour prouver son raisonnement, Alioune Souaré donne la définition d’un projet de loi : «le projet de loi s’écrit avec une structure précise et un langage clair. Il comprend d’une part un exposé des motifs qui expriment les raisons, l’objectif et les opportunités, et d’autre part un dispositif d’articles qui constitue le corps de texte et donnent les dispositions de la loi».
L’expert parlementaire fait appel aussi à l’article 78 du règlement intérieur en vigueur de l’Assemblée nationale qui correspond à l’article 87 du règlement en cours de promulgation. «La discussion des textes porte successivement sur chaque article et sur les amendements qui s'y rattachent dans les conditions prévues à l'article suivant (…) Après le vote de tous les articles, il est procédé au vote sur l'ensemble du projet ou de la proposition de loi», rappelle l’ancien député qui parle de problème de forme.
 
 
«Ils ont coupé le cordon ombilical entre la loi sur la déclaration de patrimoine et l’Ofnac»
 
 
Un autre problème de fond est décelé par l’ancien parlementaire. Selon Souaré, dans la loi 2024-07 du 9 février 2024, l’article 3 définit très clairement le lieu de dépôt des déclarations de patrimoine : «Les autorités ci-dessus mentionnées déposent leur déclaration de situation patrimoniale auprès de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption contre décharge, ou l'adressent au président de ladite structure, par courrier recommandé avec accusé de réception», stipulait le texte clairement. Or, dans le nouveau projet de loi, l’article 3 qui traite la même question parle simplement d’un organe anti- corruption ; alors qu’en droit, les mots ont leur sens. «Les assujettis déposent leur déclaration de situation patrimoniale auprès de l’organe anti-corruption, contre décharge, ou l'adressent au président de ladite structure, par courrier recommandé avec accusé de réception». D’après Souaré, si cette disposition disparaît du nouveau texte pour laisser place à un «organe anti-corruption», le seul cordon ombilical entre la loi sur la déclaration de patrimoine et l’Ofnac est coupé».
Si, par contre, c’est une nouvelle structure, on devrait préciser si cet organe anti-corruption en question est une nouvelle création et comment elle fonctionne. L’expert parlementaire regrette donc que le nouveau texte vienne obscurcir davantage les dispositions des textes alors que la vocation d’un texte de  loi, c’est d’être clair, précis et concis.
 
 
«Le projet de loi sur la  déclaration de patrimoine est un fourre-tout qui viole la séparation des pouvoirs»
 
 
L’autre problème avec ce projet de loi portant déclaration de patrimoine, c’est qu’il ne respecte pas la séparation des pouvoirs : «la quasi-totalité de nos textes sont inspirés de ceux de la France ; mais cette fois ci, c’est à demi. Pour respecter la séparation des pouvoirs, ils ont créé la loi 95-126 du 8 février 1995 relatif à la déclaration de patrimoine des membres du gouvernement et une loi organique, la loi 95-63 du 19 janvier 1995 relatif à la déclaration de patrimoine des membres du parlement et ceux du Conseil constitutionnel. Ils ont dissocié les choses pour respecter la séparation des pouvoirs alors que chez nous, c’est un fourre-tout», assure-t-il avant d’aborder la question des lanceurs d’alerte.
 
«La loi protège et récompense le lanceur d’alerte, mais ne prévoit aucune sanction en cas de déclaration mensongère»
 
Pour Alioune Souaré, la loi sur les lanceurs d’alerte devrait être amendée elle aussi : «la loi protège le lanceur d’alerte mais ne prend pas en compte les déclarations mensongères. Si jamais le lanceur d’alerte diffame une tierce personne, aucune sanction n’est prévue alors qu’en France, dans leur loi 2022-401 du 21 mars 2022, il n’est prévu aucune contrepartie financière pendant que nous, nous offrons 10%. Mieux, il est prévu des sanctions pénales, ce qui n’est pas le cas au Sénégal».
 
Nd. Kh. D. F
 
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