Malgré les quatre (4) griefs que ses avocats ont soulevés, hier vendredi, 22 décembre 2023, pour demander à la Cour suprême de casser la décision qui a été rendue en appel contre Barthélemy Dias, suite à la mort de Ndiaga Diouf en 2011, ils n'ont malheureusement pas eu gain de cause. En effet, le maire de Dakar est définitivement condamné, puisque le juge a rejeté son pourvoi en cassation, comme le Procureur général et l'avocat de feu Ndiaga Diouf le lui ont demandé.
Condamné à 2 ans de prison dont 6 mois ferme pour coups mortels, avec des dommages et intérêts de 25 millions de F Cfa qu’il devait payer à la famille de feu Ndiaga Diouf par la Cour d’Appel, Barthélemy Dias a formulé un pourvoi en cassation à la Cour Suprême. Malheureusement, le maire de Dakar a eu un autre revers, hier, vendredi 22 décembre 2023. En effet, le juge a rejeté ledit pourvoi à l’issue d’un procès épique.
Mes Borso Pouye, Mbaye Sène, Ciré Clédor Ly, Cheikh Khoureychi Ba et Demba Ciré Bathily, qui ont défendu la cause de Barthélemy Dias, ont soulevé quatre moyens face au juge. Il s'agit de l'exception d’inconstitutionnalité, (ils estiment que le juge a violé l'article 22 portant la loi organique sur la Cour suprême), la violation de l'article 10 portant sur l'organisation judiciaire, le défaut de réponses à conclusions, (ils ont soutenu que le juge n'a pas répondu aux conclusions qu'ils ont déposées) et la contrariété dans le motif lui-même (ils ont déclaré que la balle qui a tué Ndiaga Diouf et celles qui ont été retrouvées sur les corps des blessés ne provenaient pas des deux armes de Barthélemy Dias). Sur ce dernier moyen, Me Ciré Clédor Ly a soutenu : "lorsque le juge nous dit qu’il résulte du dossier une analyse balistique qui a conclu que les balles extraites des corps des victimes ne provenaient pas des armes remises par Barthélemy Dias et que cela ne plaide pas en faveur du prévenu, l’imputation de la mort ainsi que les blessures n’était pas établie à l’endroit de Barthélemy. Si les balles extraites ne provenaient pas de ses armes, le juge ne pouvait entrer en voie de condamnation en se fondant sur cette constatation. Le juge se contredit. Objectivement, vous avez un moyen sur lequel vous ne pouvez que censurer cette décision. Le juge n’a pas bien travaillé en appliquant la loi. Vous ne pouvez que casser et annuler cette décision. Le juge n’a pas été cohérent dans sa démarche intellectuelle. Il s’est contredit dans son raisonnement et ses conclusions. Il ne peut être que censuré. Son raisonnement est en porte à faux avec sa démarche. Il faut casser et renvoyer devant une autre Cour".
Pour ce qui est de l'exception d’inconstitutionnalité, Me Demba Ciré Bathily a indiqué qu'il y a eu un refus du juge d’appliquer la loi. En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l’article 10 sur la motivation, Me Bathily estime que les décisions de justice doivent être motivées sous peine de nullité. «La Cour, pour rejeter l’arrêt, se contente de dire "rejette sans aucune motivation’’. L’absence de motivation entraine l’annulation de la décision. Nous reprochons au juge de ne pas avoir tiré les conséquences de ses propres constatations en retenant la culpabilité de Barthélemy Dias. Sur la base de ce qui a été débattu, le juge a fait des conclusions contradictoires», a-t-il confié.
Me Borso Pouye, pour sa part, a confié : "à l'heure actuelle, dire le droit au Sénégal est devenu une exception. Lorsqu'on dit que les juges ont dit le droit, les gens disent : comment ? comme s'ils sont surpris. Or, c'est dire le droit qui est la règle".
Me Pape Mor Niang, avocat de la famille de feu Ndiaga Diouf, a signifié à la Cour que le pourvoi formulé par Barthélemy Dias portait sur un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel. Dans cet arrêt, précise-t-il, on n’a jamais parlé de l’exception d’inconstitutionnalité et cela n’a jamais été plaidé. Poursuivant, le conseil a indiqué qu'il n'a jamais reçu une note portant cela. Sur ce, il a demandé que cette exception soit rejetée, puisqu'elle n’a jamais été aussi soulevée. Pour ce qui est de la contrariété de la motivation, Me Niang a expliqué que cet arrêt a été bien motivé. "Il y a une intime conviction du juge et cette intime conviction ne vient pas ex-nihilo. Elle est basée sur des éléments qui ont été discutés devant la barre et sur des faisceaux d’indices. Les aveux circonstanciés, (j'ai tiré et je pense que j’ai tué quelqu’un. Je présente mes condoléances). C’est lui qui l’a dit et il avait les armes. Sur les lieux des faits, on n’a trouvé que des douilles. Les témoignages concordants relevés sur les lieux des faits ont montré qu'il n'y avait que Barthélemy Dias qui détenait des armes et qui a tiré", a rappelé Me Niang. Qui poursuit : "sur les armes qui ont été remises, la troisième n’a été rendue que 4 mois après les faits. Il a dû cacher celle qui a tué ou il n'a pas voulu rendre celle qui a tué. Il n’y a pas lieu à douter de sa culpabilité".
L’Avocat général : «Barthélémy Dias avait une troisième arme qui n’a jamais été retrouvée»
L'Avocat général a indiqué dans ses observations que sur le moyen portant sur le défaut de réponse à conclusions qui ont été déposées par les avocats de Barthélemy Dias, le juge est sommé de répondre aux conclusions qui lui sont soumises régulièrement et déposées en respectant le formalisme prévu à cet effet. Le Procureur général a affirmé que les conclusions des enquêteurs, les déclarations du prévenu et des témoins, la situation des douilles et le refus de Barthélemy Dias de remettre la troisième arme qu’il détenait, la Cour d’appel a tiré la conclusion de savoir que ce comportement ne plaide pas en faveur du prévenu. "La première arme a été remise 24h et la deuxième 4 mois après les faits. Il ne voulait pas donner aux enquêteurs les armes qui ont servi au moment des faits. Il avait une troisième arme qui n’a jamais été retrouvée. C’est le comportement de quelqu'un qui n’a pas voulu coopérer avec la justice en refusant de remettre les armes qu’il détenait. Il y a même un témoin qui affirme avoir vu une personne proche de Barthélemy Dias jeter un objet dans la mer à Rufisque. Une descente sur les lieux pour voir si l’arme pourrait être trouvée a eu lieu, mais elle n'a jamais été retrouvée", a-t-il fait savoir en demandant que le pourvoi soit rejeté.
La Cour en rendant son délibéré a suivi le Procureur général en le rejetant. Dans ses motivations, elle a expliqué que l'extrait du plumitif et les conclusions n'ont pas été versés à la procédure en ce qui concerne l'exception d’inconstitutionnalité. Sur ce, dit-elle, elle n'est pas tenue de répondre à une demande qui ne lui a pas été pas régulièrement soumise. À l'en croire toujours, les moyens ne sont pas fondés. Elle a aussi soutenu que Barthélemy Dias a dissimulé une preuve en refusant de remettre la troisième arme.
Fatou D. DIONE