Des dommages et intérêts d'un montant de 220 millions F Cfa, c'est ce que la coopérative de la Société nationale de recouvrement (Snr) réclame au chef d'entreprise Babacar Faye. Ce dernier les a escroqués d'un montant de 410.000.000 F Cfa dans une transaction foncière.
Trouver un toit de nos jours est devenu chose difficile. Pour ainsi arriver à avoir des terrains, les employés de la Société nationale de recouvrement se sont regroupés en coopérative pour avoir un logement. Hélas, ce projet est tombé à l'eau à cause du chef d'entreprise, Babacar Faye à qui ils ont payé la somme de 410 millions F Cfa. En effet, lorsque la coopérative a émis l'idée d'acquérir ces terrains en 2015, elle avait noué un contrat de prestation avec Babacar Faye à qui elle a payé, comme convenu dans la convention, le montant de 410.000.000 F Cfa, avant même la réception des travaux. Dans ce contrat signé le 3 juillet 2020, il était convenu que pour la viabilisation de ce verger de 25.000 mètres carrés qui se trouve à Tivaouane Peulh, Babacar Faye devait effectuer le lotissement, le morcellement, l'électrification, l'éclairage public, l'aménagement, le terrassement, la voirie et l'adduction d'eau potable. Et ces travaux devaient durer 6 mois. Puisque que l'intégralité desdits montants lui a été versée, il n'a pas cherché d'autorisation de lotir.
Et pour éviter que les travaux s'arrêtent, la coopérative s'est occupée de toutes les démarches administratives et a payé 10 millions F Cfa, avant de mettre à la disposition du prévenu tout ce qui est document administratif. C'est la somme de 63 millions qu'il a encaissée comme Tva et celle de 10,2 millions pour une autorisation de lotir qu'il n'a pas reversée. À son niveau, Babacar Faye n'a pas exécuté ces travaux de terrassement puisque les arbres fruitiers étaient toujours dans ce verger, selon les plaignants. Et mieux encore, il n'a pas exécuté 80% des éléments essentiels des travaux, à savoir l'électricité, l'adduction d'eau et l'éclairage public, qui s'élèvent à 206 millions F Cfa. En lieu et place de ces travaux sollicités, Babacar Faye a érigé un mur qu'il a estimé à 122 millions F Cfa et sans l'aval de la coopérative et de la Société nationale de recouvrement.
À cet effet, le prévenu n'a pas produit de facture faisant état de l'érection de ce mur. La Snr et ses employés membres de la coopérative, non contents de cela, ont décidé de le traduire en justice pour des faits d'abus de confiance. Et c'est à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar que ce père de famille, marié et demeurant à Ouakam, a été jugé hier, vendredi.
Interrogé, Babacar Faye a reconnu avoir reçu les 410 millions de la coopérative, mais il dit avoir effectué tous les travaux excepté l'approvisionnement en eau potable, l'électricité et l'éclairage public. "Je n'ai pas réalisé ce qui restait des travaux parce que j'ai malheureusement découvert que celui qui m'a donné le terrain n'avait pas une autorisation de lotir. Je m'en suis rendu compte l'orque je suis allé faire une demande pour le branchement de l'eau et l'électricité. Finalement, on a eu une autorisation de lotir. Mais, entre-temps, j'ai construit un mur sur autorisation du Directeur général pour un coût de 122 millions. C'était pour sécuriser le site", a avancé le mis en cause qui dit avoir fait 10 ans dans ce métier sans jamais avoir de problèmes. Par contre, interrogé à la barre sur l'érection dudit mur dont il fait état, l'homme d'affaires n'a pas été en mesure de prouver cela face aux questions de Me Ousseynou Gaye, avocat de la coopérative. Cependant, il a tenu d'expliquer que les travaux d'électricité, d'adduction d'eau et d'éclairage public s'élèvent à 206 millions F Cfa.
Mais il a été démenti par le représentant de la coopérative. Ce dernier a confié au tribunal qu'un mur avait déjà été érigé sur ce site depuis 2015. "C'était un terrain déjà clôturé à l'époque avec des manguiers et des poulaillers dedans. J'ai commis un huissier pour faire le constat et dans le Pv, il est dit que sur le terrain, il y avait des exactitudes. Le Pv de constat d'huissier est là", a-t-il déclaré.
Rejoignant le représentant de la coopérative dans sa déposition, Me Aïssatou Guèye a signifié au juge que la Société nationale de recouvrement n'a pas donné à Babacar Faye mandat pour la construction de ce mur. Sur ce, il tombe sous le coup de l'infraction d'abus de confiance d'après ce conseil. Son confrère Me Abdou Dialy Kane a soutenu que la coopérative n'est pas animée d'une intention malveillante consistant à le maintenir en prison. Elle voudrait, dit-il, qu'il rembourse les fonds ou qu'il exécute les travaux à sa sortie de prison. "Comme nous sommes devant une juridiction répressive, nous allons demander réparation. Dans sa volonté de rembourser, le prévenu nous a remis 8 millions et un véhicule. Mais nous réclamons 220 millions F Cfa pour toutes causes de préjudice confondues", a-t-il tonné. Me Ousseynou Gaye a souligné pour sa part qu'il faut reconnaître que ce mur ne faisait pas partie du contrat. En sus, précise-t-il, le prévenu n'est pas en mesure de présenter au tribunal une facture pro-forma qui fait état de cette clôture.
Étant du même avis, le procureur, dans ses observations, a relevé qu'aucune disposition du contrat ne disait qu'il devait construire ce mur. C’était à lui d'en apporter la preuve, lance-t-il. Soutenant ainsi que l'infraction d'abus de confiance pour lequel il est poursuivi est caractérisée, il a requis qu'il soit déclaré coupable. Pour la peine, le parquet s'est rapporté à la sagesse du tribunal.
Prenant leur contrepied, Me Abdoulaye Tall de la défense a attesté que ce dossier est une affaire purement civile, qui devait être déférée devant les juridictions civiles ou commerciales. Il a plaidé le renvoi des fins de la poursuite sans peine, ni dépens de son client. L'avocat a demandé au juge de débouter la partie civile de toutes ses demandes puisqu'il estime que le tribunal n'est pas une roue pour battre monnaie, parce qu'ils ont reçu un véhicule d'une valeur de 60 millions F Cfa en sus d'un chèque de 8 millions pour les besoins du remboursement. Au final, une liberté provisoire a été accordée au prévenu à la suite de ses avocats qui ont introduit cette requête. Le délibéré est fixé pour le 20 octobre 2023.
Fatou D. DIONE