POLEMIQUE SUR LE STATUT DE « DETENU POLITIQUE » Le Codeps tacle Fadilou Keïta




 
 Le Collectif des ex-détenus politiques et victimes des événements de 2021-2024 (Codeps) n’a pas tardé à réagir de manière véhémente aux récents propos de Fadilou Keïta, Directeur général de la Caisse des dépôts et consignation (Cdc). Pour la troisième fois, ce dernier a soutenu, dans un entretien, que le statut de « détenu politique » n’existerait pas. Une affirmation que le collectif balaie d’un revers de main, la qualifiant de « pure divagation ».
 
 
Un déni politique que le Codeps refuse
 
Dans un communiqué au ton ferme, le Codeps dénonce un discours « bancal, erroné et sans colonne vertébrale ». Pour ses membres, ce n’est pas un simple débat juridique, mais une insulte aux réalités vécues par des dizaines de Sénégalais arrêtés et emprisonnés lors des crises politiques de ces dernières années. « Le statut de détenu politique demeure, qu’il plaise ou non », martèle l’organisation, qui promet de ne jamais laisser la mémoire des victimes être effacée.
 
Quand l’absence de soutien devient mortelle
 
Le collectif rappelle que derrière les mots, il y a des vies brisées. Plusieurs ex-détenus souffrent encore de graves séquelles, certains ayant perdu la vie faute de prise en charge médicale adéquate. Des familles entières continuent de subir les conséquences de ces incarcérations, entre traumatismes physiques, détresse morale et précarité sociale. Le Codeps cite notamment le cas d’un ancien détenu souffrant d’insuffisance rénale, illustration dramatique d’un abandon que le collectif juge indécent.
 
Réinsertion sociale : les revendications du Codeps
 
Pour le collectif, il ne s’agit pas seulement de rappeler le passé, mais de préparer l’avenir. Depuis plusieurs mois, il plaide pour un programme global de réinsertion sociale et professionnelle des ex-détenus. Ses revendications portent sur des indemnités, des appuis financiers pour lancer des activités, la prise en charge des frais médicaux, mais aussi le soutien aux enfants des victimes par l’octroi de bourses scolaires. Autant de mesures que le Codeps considère comme un devoir moral de l’État et non comme une faveur.
 
Fadilou Keïta : entre dénégation et calcul politique
 
Face à cette levée de boucliers, Fadilou Keïta ne semble pas reculer. Pour lui, il n’existerait pas de statut officiel de détenu politique, les arrestations relevant selon lui du droit commun. Un discours qui tranche avec la position tenue par une partie de la classe politique et de la société civile, pour qui ces détentions avaient une dimension éminemment politique.
Le Codeps, de son côté, y voit moins une réflexion qu’un calcul. « Deux ans en arrière, jamais il n’aurait osé tenir de telles inepties. Ce virage soudain tient plus de la trahison que de la sincérité », accuse le collectif. Selon lui, Fadilou Keïta cherche davantage à séduire certains cercles qu’à assumer une position honnête et équilibrée.
 
Une volte-face dénoncée
 
Au-delà du cas individuel de M. Keïta, le Codeps élargit ses critiques à certaines autorités issues du camp de l’opposition d’hier. Le collectif dénonce une volte-face flagrante : ceux qui brandissaient les ex-détenus comme symboles pour rallier la sympathie populaire seraient aujourd’hui dans une posture d’oubli, feignant d’ignorer leur existence. Une attitude qualifiée d’« indécente et paradoxale ».
Samba THIAM
 
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