POLÉMIQUE AUTOUR DE LA DETTE CACHÉE : L’Apr contre-attaque et exige la publication des rapports sur la dette publique




 
 
Dans une déclaration datée du 16 octobre 2025, le Secrétariat exécutif national de l’Alliance pour la République (Apr) a vigoureusement répliqué aux accusations du gouvernement relatives à une prétendue « dette cachée » héritée de l’ère Macky Sall. Et malgré la récente déclaration à charge de la patronne du Fonds monétaire international (Fmi), le parti fondé par l’ancien président dénonce une « manipulation politique » et réclame la publication de tous les documents officiels pour rétablir, selon lui, la vérité des chiffres.
 
 
 
L’Alliance pour la République (Apr) sort enfin de son silence. Dans un communiqué au ton ferme, daté du 16 octobre 2025, le Secrétariat exécutif national (Sen) du parti a tenu à répondre aux accusations persistantes du gouvernement sur l’existence d’une « dette cachée » qui aurait été dissimulée sous le régime de Macky Sall. Pour l’Apr, ces accusations ne reposent sur « aucun acte concret ni aucune preuve tangible » depuis leur première formulation par le Premier ministre en septembre 2024.
Le parti rejette ainsi en bloc ce qu’il considère comme une tentative de jeter l’opprobre sur sa gestion, et rappelle que tous les comptes de l’État ont été certifiés par la Cour des comptes entre 2012 et 2023. « Le Sénégal, dans le cadre de la gestion de ses finances publiques, a toujours noué une coopération exemplaire avec le Fonds monétaire international (Fmi), matérialisée par des résultats probants », souligne le communiqué, rappelant la régularité et la transparence qui, selon lui, ont caractérisé les finances publiques durant les années Macky Sall.
 
Une distinction entre dette publique et dette parapublique
 
Dans sa déclaration, l’Apr tient à faire une « distinction claire entre dette principale et dette contingente ». Le parti rejette tout amalgame entre la dette proprement dite de l’État et celle des entreprises publiques, relevant du secteur parapublic. Selon la formation présidentielle sortante, il serait injustifié d’intégrer ces engagements financiers dans la dette souveraine du Sénégal, même en invoquant un changement de méthode de calcul.
L’argument de l’Apr se fonde sur la jurisprudence de la Cour des comptes qui, selon le communiqué, n’a jamais inclus la dette du secteur parapublic dans celle de l’État dans ses certifications annuelles des comptes publics. Autrement dit, l’inclusion de cette dette dans le stock global de la dette publique serait, à ses yeux, destinée à gonfler artificiellement les chiffres et à discréditer la gestion antérieure.
 
 
Une accusation « techniquement absurde »
 
 
L’Alliance pour la République va plus loin en posant une question rhétorique à l’endroit du gouvernement : « Par quel mécanisme un pays qui paie sa dette tous les mois peut-il en même temps cacher celle-ci à ses créanciers, à son administration et à ses partenaires bilatéraux et multilatéraux ? » Une interrogation qui traduit l’incompréhension, voire l’indignation du parti face à une accusation qu’il qualifie d’« absurde sur le plan technique et financier ».
Pour l’Apr, la structure de la dette publique sénégalaise — très largement contractualisée avec des institutions internationales comme la Banque mondiale, le Fmi, la Bad ou l’Union Européenne — rendrait impossible toute dissimulation. Le communiqué souligne en ce sens que le Sénégal n’a jamais été en défaut de paiement et que les créanciers disposent de toutes les informations nécessaires sur l’encours, les échéances et les paiements effectués.
 
 
Une contre-offensive méthodique
 
 
Derrière cette sortie publique, c’est une véritable contre-offensive politique que mène désormais l’Apr. Le parti de Macky Sall entend non seulement défendre son bilan, mais aussi mettre le gouvernement face à ses responsabilités. Dans sa déclaration, l’Apr exige en effet la publication d’une série de documents officiels, jugés essentiels pour mettre fin à la controverse.
Parmi ces documents figurent : Le Rapport sur la situation des finances publiques couvrant la période 2019 – 31 mars 2024, établi par l’Inspection générale des finances (Igf) ; le rapport provisoire de la Chambre des affaires budgétaires et financières de la Cour des comptes ; le rapport du cabinet Forvis-Mazars, chargé de l’audit de la dette publique  et enfin le Bulletin statistique sur la dette publique, dont le dernier numéro disponible date de juin 2024.
Selon l’Apr, la publication de ces documents permettrait de « mettre un terme définitif à la campagne de désinformation » et de confirmer la sincérité des données transmises aux partenaires techniques et financiers.
 
 
Un bras de fer politique à peine voilé
 
Cette déclaration s’inscrit dans un contexte politique tendu entre l’actuel gouvernement et l’ancien parti au pouvoir. Depuis l’annonce, par le Premier ministre, d’une « découverte de dettes cachées » en septembre 2024, plusieurs figures de l’Apr se sont senties visées. Le gouvernement, de son côté, avait évoqué une dette potentielle non inscrite dans les comptes officiels, liée à des engagements du secteur parapublic ou à des partenariats public-privé.
En réponse, l’Apr dénonce une stratégie de diversion destinée à détourner l’attention des Sénégalais des difficultés économiques actuelles et des réformes impopulaires. « Tout en rejetant fermement les accusations formulées par le gouvernement depuis septembre 2024, l’Apr poursuit son travail en vue de la manifestation de la vérité », conclut le texte signé du Secrétariat exécutif national.
 
 
La bataille des chiffres ne fait que commencer
 
 
 
Derrière les chiffres, c’est l’enjeu de la crédibilité de la gouvernance financière du Sénégal qui se joue. Si le gouvernement campe sur sa position, estimant qu’il existe bel et bien des engagements financiers non recensés, l’Apr cherche à démontrer qu’il n’y a jamais eu de « dette dissimulée », mais plutôt des divergences d’interprétation comptable.
Les semaines à venir pourraient donc être décisives : la Cour des comptes, désormais sous pression, pourrait être amenée à publier son rapport provisoire, tandis que les institutions internationales pourraient être sollicitées pour arbitrer, en toute neutralité, la querelle des chiffres.
En attendant, la déclaration du 16 octobre marque un tournant : pour la première fois depuis le début de la polémique, l’Apr adopte une posture offensive, s’appuyant sur le terrain technique et institutionnel pour défendre un héritage politique et financier qu’il estime injustement terni.
 
 
 
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
 
LES ECHOS

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