Aïssata Tall Sall a fait face aux députés hier pour défendre le projet de loi n° 8-2023 autorisant le président de la République à ratifier une convention de coopération juridique et judiciaire en matière civile et commerciale entre la République du Sénégal et le gouvernement des Émirats Arabes Unis. Et comme on pouvait s’y attendre, certains députés de l’opposition se sont bien défoulés sur Aïssata Tall Sall. Le livre blanc, les émeutes dans les consulats, la fermeture de ces derniers et l’implication des Sénégalais de la diaspora dans les récents événements au Sénégal, sont les points autour desquels les discussions ont tourné.
L’ambiance est presque identique à chaque séance plénière. Les députés de la XIVe législature qui ont marqué les esprits dès leur première apparition en public continuent de pratiquer leur sport favori : des passes d’armes entre eux ou avec les ministres. Hier, c’était au tour de Aïssata Tall Sall de trinquer.
Abdou Mbacké Dolly : «les Sénégalais de la diaspora ont détruit l’image de notre pays»
Abordant les incidents notés dans les consulats, Abdou Mbacké Dolly étale toute sa déception à l’égard des Sénégalais qui ont saccagé des consulats. «Je suis un patriote, petit-fils de Serigne Touba, mais cela ne me donne pas le droit d’incendier l’université ou de saccager les consulats», a affirmé le député qui, comme pour mettre fin au brouhaha dans la salle, enchaîne : «tous ceux qui aiment le Sénégal doivent condamner les écarts. Les Sénégalais de la diaspora ont détruit l’image de notre pays à cause de broutilles. Nous ne pouvons pas être fiers de ce qui s’est passé», dit-il.
Selon le député, c’est à cause de la situation avec la fermeture des consulats que son propre fils résidant en Italie ne pourra pas venir passer la Tabaski avec sa famille. Et beaucoup d’autres Sénégalais sont dans la même situation. Le parlementaire se demande d’ailleurs si la fermeture de ces consulats n’aura pas d’impact sur la prochaine présidentielle.
Abdou Mbacké Dolly d’interpeller directement Aïssata Tall Sall. «Madame le Ministre, les Sénégalais veulent savoir si vous êtes prêts à aller cueillir les émigrés qui appellent les jeunes Sénégalais à brûler le pays».
Lançant des piques à l’opposition radicale, M. Mbacké déclare : «la décision de Serigne Mountakha d’interdire toute activité politique à Touba se justifie amplement. Les gens sont devenus cyniques au point d’incendier des demeures d’honnêtes citoyens dans la ville sainte», déplore-t-il en faisant noter que Khalifa Sall, Karim Wade et lui-même ont été emprisonnés sans que la situation ne devienne aussi ingérable. «Que ce dialogue nous permette de changer les articles 57, L29 et L31 pour que tous ceux à qui la loi permet de participer le fassent, et ceux qui sont condamnés acceptent la sentence», défend Abdou Mbacké Dolly.
Ibrahima Diop : «nous n’avons pas besoin de députés mercenaires»
C’est avec le cœur que l’un des députés de la diaspora a délivré son message hier devant le ministre des Affaires étrangères. Ibrahima Diop qui est passé juste après Abdou Mbacké Dolly, lui a servi une réponse bien salée. «En tant que député de la diaspora, je ne peux pas assister à une tentative de diabolisation de la diaspora sénégalaise. Elle est l’épine dorsale de l’économie sénégalaise. Si le pays est toujours debout, c’est parce qu’il y a une diaspora responsable, dont les membres travaillent et soutiennent leurs familles. On leur doit du respect», fulmine-t-il d’emblée. «Il faut déterminer l’origine du problème au lieu de jeter toute la responsabilité sur la diaspora. Si le Président Macky Sall avait respecté sa parole, on n’en serait pas là. S’il n’avait pas tenté de réduire l’opposition à sa plus simple expression on en serait pas là».
Se tournant vers Aïssata Tall Sall, Ibrahima Diop lui balance : «c’est vous qui avez théorisé en 2005 le père qui avalait ses fils. Nous en avions un exemple ici, car Karim Wade a été avalé, Khalifa Sall pareil et Sonko idem. Nous n’avons pas besoin de députés mercenaires ; nous sommes élus pour défendre les intérêts du peuple, alors gardons ça en tête», affirme Ibrahima Diop, selon qui ce ne sont pas du tout les manifestations qui détruisent l’image du Sénégal, mais plutôt les notes du ministère des Affaires étrangères laconiques et truffées de fautes. «N’acceptez pas pour Macky Sall ce que vous aviez refusé à Wade. Vous ne devez pas défendre la 3e candidature. Et arrêtez vos voyages politiques dans la diaspora, tenez-vous en aux voyages diplomatiques. Je vous estime beaucoup, mais il faut vous ressaisir», lance-t-il avant de signaler que la fermeture des consulats a énormément fait de dégâts collatéraux dont des corps à rapatrier.
Guy Marius Sagna : «votre livre blanc aurait dû s’intituler livre d’un tyran»
Il s’est attaqué directement au contenu du livre blanc pour y relever des fautes d’orthographe. Pour Guy Marius Sagna, le livre blanc aurait dû s’intituler ‘’livre d’un tyran’’. «J’espère que dans ce livre blanc, vous y avez parlé de la séquestration de Sonko sur aucune base légale. J’ai été emprisonné six fois par le Président Sall, mais je recevais des visites, Ousmane Sonko est traité donc pire qu’un prisonnier», lance-t-il.
Babacar Mbengue, président de la commission des Affaires étrangères, invite l’Etat à appliquer la même formule à la Turquie où près de cinq mille Sénégalais sont en prison pour défaut de carte de séjour simple. Abba Mbaye lui propose une diminution du personnel pléthorique car politisé dans les consulats.
Mame Guèye Diop tacle…
Mame Guèye Diop, elle, s’est totalement lâchée. «Nous avons des parents et camarades de parti dans la diaspora, donc nous n’allons pas généraliser, mais la vérité, c’est qu’il y en a parmi eux prétextant la politique pour détruire nos consulats et écorcher notre image», tacle la jeune femme.
Aux députés de la diaspora qui chantent l’apport de la diaspora sénégalaise dans l’économie, Mame Guèye Diop leur balance : «tout comme vous, il y a des Sénégalais qui ont étudié et travaillent ici, qui s’occupent de leurs familles ; arrêtez de vous glorifier ; quand toute la famille se cotise pour t’envoyer en Europe, c’est une obligation de les entretenir après», dit-elle.
Ndèye Khady DIOUF