Le Premier ministre a présidé hier la cérémonie de présentation de l’Agenda national de transformation du service public. Ousmane Sonko, qui a saisi l’occasion pour passer en revue tous les maux de l’administration, dont la corruption, invite tous les fonctionnaires à s’approprier les recommandations pour offrir aux usagers un meilleur service public. Le Premier ministre s’est voulu clair, il est impossible pour un fonctionnaire d’être milliardaire, peu importe le niveau de rémunération.
Présidant, hier, la présentation de l’Agenda national de transformation du service public, Ousmane Sonko de s’interroger sur la qualité de notre administration publique. «Avons-nous une administration publique calibrée pour faire face à nos ambitions, pour relever les défis qui sont les nôtres ? Avons-nous une administration publique au service du développement, une administration qui peut répondre au service du développement, une administration publique qui peut répondre aux préoccupations légitimes des populations qui la financent, en termes d’offre de service public ?», se demande Sonko. D’après lui, la réponse est négative, même si tout n’est pas négatif. «Notre administration est largement au-dessus de la moyenne par rapport à beaucoup d’autres pays africains. Nous avons des fonctionnaires de qualité qui donnent chaque jour le meilleur d’eux pour répondre présent. Mais, il y a énormément de problèmes également quand on se compare aux meilleurs standards mondiaux en ce domaine», renseigne Sonko, qui souligne que l’administration sénégalaise est à parfaire.
«Notre administration est à parfaire»
A en croire le Premier ministre, tous les constats à la suite des concertations étaient bien connus. «Nous étions au courant de toutes les tares que traîne l’administration. Nous pouvons citer en exemple le problème de l’accessibilité qui est plus accentué dans certaines zones où on parle même d’absence des services de l’Etat. Cela pose encore la question de la gestion de l’offre en biens et services publics, mais aussi les options stratégiques qui ont été faites dans les décisions publiques», déclare Sonko, qui estime que l’Etat doit offrir à la population les services sociaux de base.
Pour lui, le rapport entre usagers et services publics est aussi à corriger : «en commençant par la formation des agents de l’administration. Si on prend l’exemple de l’inspecteur des Impôts que je suis, on nous a tellement parlé de contribuables lors de notre formation qu’on peut oublier que nos parents eux-mêmes font partie des contribuables. C’est comme s’ils sont une catégorie tombée du ciel et, théoriquement, le contribuable est forcément malhonnête. Si c’est dans la magistrature, on parle de justiciable, on déshumanise le concept», déplore le Premier ministre. «L’autre aspect, c’est que nous n’avons pas rompu le lien, la conception de l’administration coloniale ce qui pousse certaines autorités à regarder les gens de haut», ajoute-t-il.
«Des fonctionnaires font étalage d’un niveau de richesse indécent, que rien ne peut justifier»
Abordant la question de la corruption dans l’administration, Ousmane Sonko parle de fléau. Même s’il reconnaît qu’une bonne partie des fonctionnaires sont intègres, le Premier ministre signale qu’il existe aussi beaucoup de fonctionnaires qui choisissent la facilité. « La corruption est un fléau qu’il faut combattre, parce que ses conséquences désastreuses impactent la société bien plus qu’on ne l’imagine. Il faut que chaque fonctionnaire comprenne qu’on ne peut pas être milliardaire en étant fonctionnaire. Quand on veut être milliardaire, il faut aller entreprendre », prévient-il, avant de faire noter : « ces dernières années, c’est devenu une mode que des fonctionnaires fassent étalage d’un niveau de richesse indécent, que rien ne peut justifier, quel que soit le niveau de rémunération dans la fonction publique, mais cela n’a pas heurté suffisamment les Sénégalais ».
Selon Ousmane Sonko, dans un pays où le président de la République perçoit moins de 5 millions de salaire, le Premier ministre 4 millions et quelques, les ministres ont 3 millions et quelques. Alors, comment un fonctionnaire peut être milliardaire dans ce pays ? « Je me pose la question à savoir si notre société n’est pas corruptogène, parce que dès qu’on nomme quelqu’un à un poste de responsabilité, la société s’organise pour l’embarquer dans des parrainages et autres », dit-il.
Gaspillage et surfacturation dans les administrations publiques
La gabegie dans l’administration aussi est à combattre «nous devons considérer le bien public autant que nos propres biens. Le gaspillage est énorme au niveau de l’administration, de même que la surfacturation, qui nous font perdre beaucoup de milliards. J’ai visité le stade de Bouaké, en Côte d’Ivoire, qui est presque aussi beau que notre stade. L’infrastructure n’a coûté que 54 milliards aux Ivoiriens mais nous, nous avons déboursé 150 milliards», dénonce Ousmane Sonko.
Pour lui, l’impact des surfacturations sur la capacité à offrir un bon niveau de service public est immense. Rien qu’en voyant les contrats et conventions renégociés, nous sommes à 18% de taux de facturation en moyenne.
«Il y a des Dg qui perçoivent 4 ou 5 fois plus que le président de la République»
Le Premier ministre souligne aussi que quand dans certains services la totalité du budget est occupé par les charges de fonctionnement. «C’est pourquoi nous avons travaillé dans l’affinement de la masse salariale. Ici, au Sénégal, il y a des directeurs généraux qui perçoivent 4 ou 5 fois plus que le président de la République. C’est un dysfonctionnement qu’il faut corriger», dit-il avant de s’attaquer à la qualité du service public : «depuis les années 2000, on est rentré dans une frénésie de recrutement qui ne répond parfois à aucun critère que la proximité politique ou familiale».
Nd. Kh. D. F