Me BABOUCAR CISSE, AVOCAT DE FARBA NGOM, SUR LES CONCLUSIONS DES MEDECINS:«Les experts ont confirmé leur collègue et disent que l’état de santé de notre client est incompatible avec la vie en milieu carcéral»

Me BABOUCAR CISSE : «Les experts ont confirmé leur collègue et disent que l’état de santé de notre client est incompatible avec la vie en milieu carcéral. Dans ces conditions, la loi fait obligation au juge de donner mainlevée du mandat de dépôt»




 
 
 
Depuis le 25 août dernier, les résultats de la contre-expertise demandée par le Procureur financier ont été communiqués aux avocats de Farba Ngom. Le rapport des experts conclut, en réalité, à un risque de mort subite au moment du sommeil et que donc l’état de santé du maire de Agnam n’est pas compatible avec la vie en milieu carcéral. Conseil de ce dernier, Me Baboucar Cissé revient sur les conclusions des trois spécialistes et alerte sur le danger que son client est en train de courir présentement, surtout s’il reste en prison. Selon l’avocat, dans ces conditions, la loi fait obligation au juge d’instruction de donner mainlevée du mandat de dépôt. Si Farba Ngom ne peut pas bénéficier d’une liberté provisoire, le magistrat instructeur peut au moins le placer sous contrôle judiciaire ou bien le mettre sous bracelet électronique. Entretien.
 
 
 
Les Echos : Pouvez-vous revenir un peu sur ces conclusions de la contre-expertise qui a été demandé par le Procureur ?
 
Me Baboucar Cissé : Les trois médecins sont allés au-delà du premier. Ils ont vu ce que le Professeur Mbaye n’a pas vu. Il y a un risque de mort subite, en plein sommeil. Ils l’ont souligné et mis en gras pour attirer l’attention du juge de la gravité de l’état de la personne. Et donc le juge n’a aucune marge de manœuvre. C’est le dernier alinéa de l’article 140 du code de procédure pénale qui prévoit que lorsqu’une personne est poursuivie pour escroquerie portant sur des deniers publics, le mandat de dépôt ne peut être levé qui si la personne aura consigné ou qu’elle aura remboursé ou bien qu’il y ait des contestations sérieuses. Et la loi dit qu’il n’y a d’exception que lorsque, médicalement, il sera prouvé que l’état de la personne est incompatible avec la détention. Ici deux rapports d’expertise vont dans le même sens et qui ont été établis par des professeurs titulaires de chaire et non de simples médecins ordinaires. Ils ont effectué leur travail en leur âme et conscience. Je précise que la contre-expertise a été sollicitée par le procureur de la République financier qui était opposé au premier rapport médical. Il pensait que le premier rapport était complaisant. Dans son supplétif, il a demandé au juge de désigner trois experts, un cardiologue, un urologue et un hépatologue. On avait demandé l’avis d’un neurologue également, parce que Farba Ngom a le cou carrément figé, il ne peut plus se retourner, mais le juge a refusé, il a demandé qu’on le signale au trois médecins désignés ; ce qui a été fait et ces derniers en ont tenu compte dans leurs rapports. 
 
Avec la demande du Procureur, qui désigne les experts ?
 
C’est l’Ordre des médecins. Farba Ngom a un dossier médical fait par des médecins américains ; il a aussi le dossier médical de son médecin traitant au Sénégal. Il fait une requête aux fins d’expertise médicale. Quand le juge a communiqué la requête au Procureur, ce dernier s’y est opposé, mais le juge est passé outre et a saisi l’Ordre des médecins. C’est l’Ordre qui a fait une proposition d’un échantillon de cardiologues. Le juge a porté son choix sur le professeur Alassane Mbaye. Ce dernier a examiné Farba Ngom. Dans son rapport, il affirme que son état est incompatible avec la détention. La loi dit que dans ses conditions, il faut communiquer le rapport aux parties afin qu’elles fassent leurs observations. Nous avons introduit, le même jour où l’on a reçu communication du rapport, une demande de mise en liberté provisoire. Mais, malheureusement, le Procureur a fait un supplétif pour demander une contre-expertise tout en proposant un plateau pluridisciplinaire. Le juge a saisi l’Ordre des médecins mais le Procureur a voulu que ce soient des médecins militaires de l’hôpital Principal, parce qu’il n’a pas confiance aux médecins civils. Le juge a alors saisi l’Ordre des médecins en ce sens, mais l’Ordre a répondu qu’il n’a pas compétence parce que les médecins militaires ne sont pas inscrits au tableau de l’Ordre des médecins ; ils relèvent du régime militaire. Ce, en vertu de la loi de 1966. Le juge informe le Procureur et c’est après que l’Ordre des médecins a proposé le Professeur Maguèye Guèye, urologue, le Pr Pape Samba Mbaye un diabétologue et le Pr de cardiologie Ousmane Dièye. Ils ont tous les trois examiné notre client et ont déposé un rapport pour confirmer ce que Alassane Mbaye a dit. Et mieux, ils soulignent qu’il y a une pathologie que Alassane Mbaye n’a pas prise en compte et qui est la plus grave. Ils soulignent en gras que Farba Ngom risque une mort subite nocturne en plein sommeil ; donc son état est incompatible avec la détention en milieu carcéral. L’article 140 du code de procédure pénale dit clairement que dans ces conditions, le juge doit donner mainlevée du mandat de dépôt. Le juge est donc dans l’obligation de donner mainlevée du mandat, sinon il commettrait une forfaiture, c’est-à-dire un crime commis par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions. Il aura violé la loi.
 
Est-ce qu’il y a un délai imparti au juge pour se prononcer sur votre demande de mise en liberté provisoire ?
 
Bien sûr ! Le Procureur a un délai de 10 jours et le juge un délai de 5 jours. Mais vu l’urgence, il doit se prononcer de manière urgente. Mais ce qui est le plus grave, c’est que le juge a reçu le rapport le 7 août et il ne l’a communiqué que le 25 août. En fait, j’ai l’impression qu’on n’est plus là pour appliquer la loi mais pour satisfaire au désir d’un prince.
 
Alassane DRAME
 
 
 
 
LES ECHOS

Dans la même rubrique :