MOUSTAPHA BADJI, COORDONNATEUR DE REWMI A BIGNONA, FUSTIGE L’ATTITUDE DES GOUVERNANTS APRÈS LE TERRIBLE ACCIDENT DE BADIOURÉ «Ailleurs, avec juste des animaux morts, c’est toute la République qui est mobilisée. Mais ici jusqu’à présent, on n’a vu auc



Depuis l’accident mortel qui a eu lieu samedi dernier à Badiouré, faisant 5 morts, 36 blessés grièvement et 24 légèrement, les réactions des cadres de Bignona fusent de partout. Des doléances par-ci et des critiques par-là. Le coordonnateur du parti Rewmi à Bignona n’est pas en reste. Dans cet entretien, Moustapha Badji pulvérise le président de la République et son gouvernement, qu’il taxe d’incompétents, de manquer de considération à son département.

«Il y a 17 ans, j’ai perdu ma mère à Ziguinchor dans une salle de réanimation qui n’avait même pas d’oxygène»

«Tous les Sénégalais ont été consternés par cet accident meurtrier. Avant de parler de Bignona, je parle de Ziguinchor. Moi qui vous parle, il y a de cela 17 ans, j’ai perdu ma mère dans une salle de réanimation qui n’avait même pas d’oxygène. Quand je suis rentré dans cette salle, c’était la catastrophe. Il y a un problème réel d’équipement à l’hôpital régional de Ziguinchor. Cette structure sanitaire n’est pas digne de ce nom et l’Etat le sait depuis très longtemps. J’ai été le premier à amener un stock de surveillance cardiaque à l’hôpital régional de Ziguinchor. A l’époque, nous avions voulu que l’Etat suive et aide la structure. Malheureusement, tout est resté en l’état. Nous entendons régulièrement les syndicalistes de l’hôpital se plaindre des conditions de travail. Le ministre de tutelle est au courant. Le Président Macky Sall doit prendre ses responsabilités pour régler définitivement cette question».

«Je connais une malade qui a été évacuée à Dakar par ses parents à bord d’une voiture 7 places. Il n’y a même pas d’ambulance pour l’évacuer»

«A Bignona, des efforts ont été faits. Malheureusement, l’Etat n’a pas suivi. Tout le monde sait que le département de Bignona est le plus peuplé de la région de Ziguinchor. Si nous suivons les normes, le district sanitaire de Bignona devrait être érigé en hôpital depuis longtemps. Il y a une négligence de la part de l’Etat. C’est seulement quand il y a des catastrophes que les gens se souviennent que le plateau médical doit être relevé. Il urge que l’Etat intervienne très rapidement pour améliorer les conditions de prise en charge à l’hôpital de Bignona. Combien de parents avons-nous perdus en cours d’évacuation, entre Bignona et Ziguinchor ? Le combat, c’est de lutter pour réduire les évacuations sur Ziguinchor. Ce que je ne comprends pas, nous avons une Faculté de médecine à Ziguinchor et la prise en charge pose problème à Ziguinchor. C’est inadmissible. Il n’y a rien du tout dans les postes de santé du département. Ce ne sont des postes que de nom. Je connais une malade qui a été évacuée à Dakar par ses parents à bord d’une voiture 7 places. Il n’y a même pas d’ambulance pour l’évacuer. Elle est là à Dakar en souffrance. C’est inadmissible».

«L’Etat est resté sourd aux appels. Je crois que ce n’est pas sérieux et il faut avoir le courage de le dire»

«Ailleurs, dans une zone où il n’y avait que des animaux morts, nous avons vu le gouvernement se déplacer. Mais ici, presqu’une semaine après, le gouvernement n’est pas venu au chevet de nos populations. L’Etat est resté sourd aux appels des médecins, des autorités locales et des populations. Ce n’est pas sérieux. A la limite, c’est un manque de sérieux. Bignona est un carrefour et son district sanitaire ne doit pas être en souffrance. L’hôpital régional de Ziguinchor ne doit pas être bloqué, ce n’est pas sérieux. Imaginez, en cas de catastrophe, que feraient les Ziguinchorois ?»

«Je souhaite que l’Etat perçoive le message fort qui doit partir de Bignona»

«Cette marche a pris du retard, on devait le faire depuis longtemps. La marche ne devrait pas seulement être limitée à jeudi. Il faut intensifier le combat vers d’autres réalités. Il n’y a aucune prise en charge qui soit correcte à Ziguinchor. A part les structures qui sont dans la région, personne ne nous est venu en aide. Ailleurs, c’est toute la République qui est mobilisée. C’est frustrant ça. Je demande l’implication de tout le monde. Cette marche est une marche citoyenne. Je profite de l’occasion pour lancer un appel au ministre de la Santé, nous avons beaucoup de cadres dans ce pays. Nous avons beaucoup de fils de Bignona qui sont à l’extérieur, qui ont la possibilité de relever le plateau sanitaire du district sanitaire de Bignona. Je souhaite que cette marche soit une réussite. Je souhaite que les populations comprennent le sens de cette marche. Je souhaite que l’Etat perçoive le message fort qui doit partir de Bignona. L’Etat ne produit aucun effort pour améliorer les conditions de vie des populations de Bignona. Je pense que cette marche sera le début des combats. Si nos responsables politiques à Bignona ne peuvent pas apporter de solutions, je crois que les populations elles-mêmes prendront leurs responsabilités».

Un téléthon au chevet du plateau médical de Bignona

«Le problème ce n’est pas le téléthon, mais c’est un bloc opératoire équipé qui n’est pas fonctionnel, une échographie qui n’est pas fonctionnelle, une radiologie pas toujours installée. Le problème, c’est que l’Etat doit mettre à la disposition de la population des spécialistes et techniciens capables de prendre en charge les malades. Imaginez qu’on envoie un matériel d’imagerie et qu’il n’y ait pas de technicien en imagerie, mais ce serait un danger pour la population ; on ouvre le bloc opératoire, alors qu’il n’y a pas de chirurgien, c’est une catastrophe. La chose la plus urgente, c’est la réaction de l’Etat. C’est ça l’urgence à Bignona. Je suis l’un des premiers fils de Bignona à convaincre des Ong à donner des matériels au district sanitaire, je sais comment l’ambulance est venue à Bignona et tant d’autres matériels, mais j’avais décidé de faire des choses dans la discrétion».

«Je n’ai jamais cru aux paroles du Président, parce que…»

«Je vous dis honnêtement, je n’ai jamais cru aux paroles du Président, qui n’a jamais dit quelque chose qu’il a eu à faire. Ce ne sont pas les gens de Kalounayes qui vont me démentir, si on entre dans le domaine politique avec le programme de la boucle qui n’a jamais vu le jour. J’ai fait le tour du département, il y a des poses de premières pierres de mosquées faites par des responsables haut placés de l’Apr, qui n’ont jamais vu le jour. Aujourd’hui, c’est un de mes camarades de parti qui a repris le chantier d’une de ces mosquées. Dites-moi quel est ce chantier marquant qui existe à Bignona ? Il n’y a aucun chantier dont ils peuvent se glorifier à Bignona. La route de Sindian et la Boucle du Fogny vont toujours rester en l’état, alors que les promesses sont faites. Je ne crois pas que Macky Sall a des possibilités pour réaliser des chantiers, au moment où d’autres, comme le TER, sont bloqués à Dakar».

Baye Modou SARR
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