MOUNDIAYE CISSE, PRESIDENT DE L'ONG 3D «Il faut envisager la possibilité de mettre des urnes dans les prisons pour permettre aux détenus de voter»



 
 
Après la publication du rapport des experts internationauxsur le fichier électoral, la société civile vient de livrer ses observations sur les 32 recommandations des auditeurs. Ces dernières sont d’ordre juridique, politique, technique et communautaire.Avec le Directeur exécutif de l'Ong3D, nous avons abordé quelques points dudit rapport relatifs à l’autonomisation fonctionnelle de la Direction générale des Élections (Dge), les financements publics des partis politiques par l'Etat, l’accès des partis politiques au fichier électoral,mais aussi la réhabilitation des anciens détenus ayant bénéficié de grâce présidentielle.
 
Les Échos : Selon vous, l’autonomisation fonctionnelle de la Direction générale des Élections (Dge)lui permettant de s’affranchir du joug du ministère de l’Intérieur pourrait-elleenfin lever toutes les équivoques, soupçons et doutes de l’opposition dans l’organisation des élections ?
 
Moundiaye Cissé :Ce n’est pas pour rien que cette question constitue le premier point des recommandations. L’élection,c’est d’abord une question de confiance et nous sommes tous témoins des réserves émises par l’opposition à chaque élection.L’autonomisation fonctionnelle de l’organe chargé de l’organisation des élections du joug de son ministère de tutelle a toujours étéde tout temps une revendication de l’opposition. Même la majorité d’aujourd’hui en avait fait un combat quand elle était dans l’opposition, juste pour vous dire que cette demande a fini de se hisser en haut des griefs de l’opposition au fil des années pour chaque élection. Même si cela ne résout pas complètement le problème, reconnaissons que c’est un grand pas en avant.
 
En quoi le financement public des partis politiques par l’Etat est-il pertinentselon vous ?
 
Il est vrai qu’à la base, je ne faisais pas partie des personnes favorables au financementdes partis politiques par l’Etat,mais il faut reconnaître que des pays l’ont réussi,alors pourquoi pas nous ? Même si je considère que c’est un couteau à double tranchant, le financement public des partis politiques pourrait régler le problème de la rationalisation des partis politiques,avec les critères de sélection des partis bénéficiaires. Et le plus important encore, cela pourrait aider à combattre les financements illicites des partis, puisque l’Etat aurait un droit de regard sur les finances des organisations politiques.
 
 
Par rapport à l’accès des partis politiques au fichier électoral, estimez-vous que la détermination des formes d’accès ne suffit pas ?
 
L’accès au fichier électoral est un droit pour les candidats et non un privilège. Et de ce point de vue, il est important de veiller à ce qu’il n’y ait pas de rupture d’égalité entre les candidats. Les experts recommandent l’élaboration d'un décret pour définir les formes dans lesquelles les partis politiques auront un droit d’accès au fichier, mais nous pensons qu’il faut aller au-delà, en définissant plus largement les modalités d’organisation et de fonctionnement.
 
Est-ce pour régler le problème de la candidature de Khalifa Sall et KarimWade que vous approuvez la réhabilitation des anciens détenus ayant bénéficié de grâce présidentielledans leurs droits civils ?
 
C’est une question qui va au-delà des personnes de Khalifa Sall et de Karim Wade. La réhabilitation des anciens détenus ayant bénéficié de grâce présidentielledans leurs droits civilsréglerait certes leur problème de candidature,mais il ya une autre facette de cette recommandation, c’est le droit de vote de tous les anciens détenus qui ont fini de purger leur peine. Les détenus qui n’ont pas encore été condamnés bénéficient de la présomption d’innocence et donc du droit de vote.La société civile approuve la recommandation des experts pour la revue des articles L31 et L32 qui créent un flou dans l’interprétation des textes, parce que c’est inadmissible qu’à cette époque, une autorité administrative puisse décider de la déchéance des droits civils d’un citoyen. Nous devrions même envisager la possibilité de mettre des urnes dans les prisons pour permettre aux détenus de voter, parce que les condamnés aussi restent des citoyens.
 
NdèyeKhadyDIOUF
 

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