En visite en Italie, le Premier ministre Ousmane Sonko a présenté à la diaspora sénégalaise les grandes lignes de son Plan de redressement économique et social (Pres). Devant un public nombreux, il a insisté sur le rôle stratégique des Sénégalais de l’extérieur dans la relance nationale, tout en accusant le régime de Macky Sall d’avoir plongé le pays dans une situation économique «désastreuse» qui devra être sanctionnée devant la justice. Entre appel à la mobilisation et menaces de reddition de comptes, le chef du gouvernement a livré à Milan un discours à la fois programmatique et politique.
Le voyage du Premier ministre à Milan était attendu par la communauté sénégalaise installée en Italie et plus largement en Europe. Depuis plusieurs semaines, les relais de son parti Pastef et les associations de la diaspora s’activaient pour mobiliser, persuadés que le leader allait délivrer un message fort. Le pari a été tenu : la salle, remplie à bloc, témoignait de la curiosité mais aussi des attentes immenses placées dans l’actuel chef du gouvernement.
Ousmane Sonko a profité de cette tribune pour livrer une vision qui se veut claire : le Sénégal ne sortira de son impasse économique et sociale qu’à travers une rupture radicale avec les logiques passées. Et cette rupture passe par l’appropriation d’un outil : le Plan de redressement économique et social (Pres), dont il a livré à Milan les grandes lignes.
Des attaques frontales contre l’ancien régime
Après avoir rendu hommage à la diaspora, Ousmane Sonko s’en est pris à Macky Sall et ses anciens ministres. «Nous avons hérité d’un pays dans des conditions très graves(…)». Pour lui, l’endettement massif contracté sous l’ancien régime a fragilisé durablement le pays. La dette publique sénégalaise, en forte progression au cours de la dernière décennie, représente aujourd’hui une charge écrasante pour les finances publiques. Sa conclusion est sans appel : «les responsables de cette catastrophe devront répondre devant la justice. Il n’est pas question que les Sénégalais fassent des sacrifices pendant que ceux qui ont plongé le pays continuent de vaquer tranquillement à leurs occupations.»
Autre moment clé de son discours : sa prise de position sur la France. Souvent accusé par ses détracteurs d’entretenir une hostilité radicale à l’égard de Paris, Sonko a tenu à clarifier : «je n’ai aucun problème avec la France. Le moment venu, je m’y rendrai.» Mais le Premier ministre n’a pas renoncé à son discours de souveraineté : il entend redéfinir les termes du partenariat franco-sénégalais sur la base de l’égalité et du respect mutuel.
Le contenu du plan de redressement
Au-delà des attaques politiques, Sonko a consacré une large partie de son allocution à l’explication du Pres. Ce plan, qu’il présente comme «chiffré, structuré et orienté vers les résultats », repose sur trois piliers. Sonko a fixé un horizon clair : réduire le déficit budgétaire de 11% en 2025 à 3% d’ici 2028. «Conformément aux phases stratégiques de l’Agenda national de transformation, nous allons redresser, impulser et accélérer», a-t-il promis, appelant les Sénégalais à la patience : «nous demandons trois ans pour que les premiers résultats concrets apparaissent.»
Une salle partagée entre ferveur et scepticisme
Le discours du Premier ministre a été accueilli par de longs applaudissements, mais aussi par quelques interrogations. Dans les couloirs, certains membres de la diaspora exprimaient leur soutien enthousiaste, saluant « un langage de vérité» et «une vision claire». D’autres se montraient plus prudents, rappelant que la diaspora avait déjà entendu beaucoup de promesses par le passé, rarement tenues.
Un commerçant installé à Brescia confiait : «nous sommes prêts à contribuer, mais il faut que l’État respecte ses engagements. Si on met de l’argent, on veut savoir où il va. » Une étudiante en master à Milan ajoutait : «ce que j’ai aimé, c’est son insistance sur l’éducation et la formation. Mais sur la question de la justice, j’ai peur que cela tourne à la chasse aux sorcières.»
Ces réactions illustrent à la fois l’espoir et les doutes qui entourent le projet du chef du gouvernement. En conclusion, Ousmane Sonko a lancé un appel vibrant : «nous vous demandons de ne pas seulement envoyer de l’argent, mais aussi vos compétences, vos idées, vos énergies. Le Sénégal a besoin de toutes ses forces.»
Sidy Djimby NDAO
(Correspondant permanent en France)
Une petite poignée de manifestants
À noter que cette mobilisation a pris un double visage. De la même manière que ses partisans ont quitté presque tous les pays d’Europe pour venir lui manifester leur amour et leur sympathie, d’autres, notamment des Sénégalais de la diaspora proches de l’opposition, ont fait le déplacement depuis des pays comme la France pour exprimer leur hostilité. Certes, ils n’étaient pas nombreux, mais leur présence souligne que Sonko continue de diviser profondément, même au sein de la diaspora. Ces réactions contrastées illustrent à la fois l’espoir et les doutes qui entourent le projet du chef du gouvernement.