ME CIRE CLEDOR LY : «L’autorité judiciaire ne s’est pas affirmée. Elle a raté l’histoire. C’est dommage»



«La défense est très déçue, parce que nous avions la chance que l’autorité judiciaire s’affirme, que les magistrats affirment leur indépendance et affirment aussi la séparation des pouvoirs. Parce que l’autorité des poursuites n’est rien d’autre que le ministère de la Justice. Or, en vertu de la séparation des pouvoirs, il n’est pas admissible que le pouvoir exécutif puisse s’immiscer dans le travail des magistrats ou impulser des sanctions contre des magistrats. Nous sommes dans un système archaïque qu’il faudrait réformer. La déception est d’autant plus grande que ce qu’on reproche au Président Teliko, c’est des paroles et ces paroles rentrent dans le droit d’expression et le droit d’opinion qui sont protégés par non seulement notre constitution, mais également par les instruments juridiques internationaux, que cela soit la Chartre africaine des droits de l’homme, la déclaration de 1848 des droits de l’homme, mais surtout le Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui n’admet que deux restrictions en son article 19 paragraphe 3, a et b. Donc je crois qu’aujourd’hui, le pouvoir judiciaire qui s’est réuni avec le Conseil supérieur qui a statué en tant que Conseil de discipline, en l’absence de la personne qui est membre, mais en même temps mis en cause, et peut-être d’une ou de deux personnes qui n’ont pas voulu siéger, a manqué le train de l’histoire. C’est une décision qui, de mon point de vue, est dangereuse, parce que c’est une tentative d’intimidation contre non seulement les magistrats, mais contre ceux qui se retrouvent au sein de l’Ums. Mais c’est aussi dangereux pour les magistrats qui sont des doctrinaires, qui sont des scientifiques, des experts, qui devraient participer dans des débats publics dans le cadre d’une société démocratique. Il est inadmissible que les magistrats soient retirés du droit à l’opinion et du droit à l’expression. Et la décision aujourd’hui, pourrait être, qu’on le veuille ou non, considérée ainsi. C’est comme si on voulait dire aux magistrats : taisez-vous ! Le magistrat Teliko lorsqu’il dit : c’est une déconvenue pour la justice sénégalaise, on part de ce mot qui a plusieurs sens, pour le sanctionner, cela veut dire, les magistrats taisez-vous ! Parce que, si pour si peu, il a le blâme, même si c’est une sanction de principe, parce qu’étant dans l’échelle de valeur des sanctions assez faible, alors faites attention, parce que vous pourrez, en fait pour un mot, avoir une sanction qui pourrait vous coûter votre carrière. Voilà pourquoi cette décision est dangereuse. Et je suis d’autant plus choqué que nous sommes dans un Etat de droit et nous avons des valeurs.
Un magistrat ne peut pas être muselé, parce que s’il est muselé, s’il est blâmé, en tant que président de l’Ums, cela veut dire que tous les membres de l’Ums ont reçu un blâme. C’est comme ça qu’il faut comprendre la sanction. C’est mon opinion. On a assisté à la suprématie du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire. L’autorité judiciaire ne s’est pas affirmée. Elle a raté l’histoire. Et c’est dommage».

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