En mouvement depuis plusieurs mois, le collège des délégués du Groupe Attijari Wafa Banque (Cbao) a fini d’atteindre le point de non retour avec la décision de leur Direction de camper sur la position de ne pas donner suite à leurs revendications. Dans cet entretien accordé à «Les Echos», Mansour Diallo, délégué du personnel, fait le point avec chiffres à l’appui. Il n’a pas aussi manqué d’appeler la Direction de la boîte à satisfaire les points revendicatifs du syndicat.
Les Echos : M. Diallo, voilà plusieurs mois que vous êtes en mouvement. A la date d’aujourd’hui, quelle est la situation ?
Mansour Diallo : Je rappelle que nous avons déposé une plateforme revendicative depuis novembre 2022. Plateforme portant sur les augmentations de salaire, augmentations de la carte de restauration, de la généralisation des bonus, du relèvement du taux de la prime de résultat, entre autres points ; comme l'ont fait et obtenu tous les autres établissements financiers. Un seul point d'accord à été obtenu, il s'agit de l'augmentation du montant sur la carte restauration, car il était évident qu'avec 40.000, il était impossible d'assurer le repas et que c'était même honteux qu'un tel point puisse figurer sur une plateforme revendicative, de l'avis de certains cadres de la banque, alors que la plupart sont à 80.000, 90.000 et 100.000. Finalement, sur ce point, on est tombé d'accord sur 55.000 et des 2024 à 60.000. Nous allons boucler 3 mois de grève le 5 janvier prochain, sur des points de revendications légitimes posés sur la table de la Direction générale de Cbao. Aucune discussion sérieuse de la part de celle-ci n'a été ouverte. Ce sont plutôt un refus de négocier, ensuite des menaces et intimidations de managers gâteux qui essayent de jouer à l'usure. De ports de badges, au coup de force, aidés par les vigiles ; en passant par des lettres pour les heures de délégation à déposer avec des exigences à l'endroit des délégués très responsables qui quittent chez eux à 5h du matin alors qu'eux habitent tout près de la banque dans des hôtels et résidences de luxe et qui sont toujours en retard et ne sont jamais au bureau les vendredis pour raison religieuse, alors qu'on refuse tout cela à d'autres musulmans.
Le député Demba Diop alias Diop Sy avait évoqué le sujet à l’Assemblée nationale, en appelant le gouvernement à prendre ses responsabilités. Cela a-t-il été fait ?
Nous remercions le député Diop Sy déjà pour le courage et son honneur dus à son rang. Il a rencontré le ministre de tutelle, mais force est de constater que rien ne s'est passé par la suite. Nous interpellons le ministre pour qu'il se penche sur le dossier de Cbao. Nous interpellons également le chef de l'État Son Excellence le Président Macky Sall pour qu'il nous vienne en aide ; d'user de ses prérogatives pour régler les problèmes que vivent les employés de Cbao, mais aussi les clients, les citoyens sénégalais. Cbao est la première banque en termes de taille et depuis toujours leader. Nous représentons une très grande partie du Pnb. L'Etat ne doit pas être spectateur de ce qui se passe au sein de l'institution dirigée par les Marocains, un Marocain qui est à la retraite comme Dg et qui dit n'avoir rien à perdre.
Nous venons de sortir des élections de représentativité syndicales. La Cnts, votre centrale, est encore première. Mais dans ce dossier, on n’a jamais entendu Guiro ni les autres. C'est quoi le problème ?
Nous adressons nos félicitations à notre centrale syndicale, à sa tête notre camarade Mody Guiro. Que nous remercions d'ailleurs lui et toute son équipe pour tout le soutien apporté dans cette lutte ; son bureau et les locaux de la Cnts nous ont été largement ouverts. Le problème, c'est que Cbao a un top management d'une autre époque, soucieux uniquement de la satisfaction de leurs besoins personnels, adepte de la menace et de la sanction aveugle et démesurée, mais également très occupé à se partager des bonus et se tapant toute la masse salariale.
Vous n'avez pas l'impression que vous êtes laissés à vous-mêmes et qu'à la longue, vos camarades travailleurs finiront par se lasser ?
L'usure, c'est la politique employée par la Direction générale, en misant sur l'intimidation et la menace. Au lieu de chercher dans le dernier trimestre à voir comment respecter ses engagements vis-à-vis de l'Inspection du travail en intégrant avant le 31 décembre tous les intérimaires et s'épancher véritablement sur la plateforme pour nous éviter des situations désastreuses sur le premier trimestre de 2024, comme des enfants en attente de Noël, ils jouent avec les chiffres pour leur future répartition des bonus. En tout cas, le personnel de Cbao reste debout et engagé pour la satisfaction de ses revendications. Le niveau des salaires est très bas pour la partie la plus large. Ou les responsables du capital humain se livrent à un clientélisme et n'avancent et évoluent que ceux qui sont dans leur cercle. Le niveau de l'inflation au Sénégal à l'instar du monde ne permet plus aux agents de faire face au coût de la vie et qu'en face nous avons une Direction générale qui a la boulimie salariale, toujours plus et qui ne se soucie pas de son personnel qui pourtant fait un chiffre qu'aucune autre banque ne réalise au Sénégal.
La conséquence de cette grève, c'est aussi que les Sénégalais paient au prix fort des retards pour percevoir leurs salaires et pour faire face à leurs responsabilités et autres engagements. Vous avez pensé à une solution pour ça ?
Les conséquences de la grève sont à voir dans le court moyen et long terme. Sur le court terme, un ralentissement des activités de la banque et la motivation du personnel ; sur le moyen terme, perte sur les portefeuilles. Une baisse drastique des mouvements des clients et forcément une perte de rang sur la place bancaire. Sur le long terme, l'image globale de la banque et sa survie en dépendent. C'est pourquoi nous appelons la Direction générale et l'Etat du Sénégal, qui d'ailleurs est actionnaire de Cbao, à prendre au sérieux la crise que traverse Cbao et rechercher les voies et moyens pour trouver les solutions. En tout cas, le personnel de Cbao reste constant sur sa position et ne ménagera aucun effort comme dès le début pour qu'une solution soit trouvée. Le personnel reste également intransigeant quand à la satisfaction de ses revendications.
Baye Modou SARR