Dans un entretien exclusif accordé au média français l’Express, le président de la République aborde plusieurs sujets nationaux et internationaux. Cela va des émeutes à Dakar à la guerre en Ukraine, en passant par le Président russe Vladimir Poutine ou encore la Françafrique. Mais un seul sujet a semblé intéresser les Sénégalais depuis la publication de l’interview : celle de savoir si le Président sera candidat à sa succession en février 2024. Contrairement aux fois passées où il s’est contenté de : «ni oui ni non», cette fois, Macky Sall a un peu plus avancé sur la question, même s’il ne la tranche toujours pas de manière claire et nette. En effet, le président Macky Sall a révélé qu’en 2016, lors du référendum, il avait consulté le Conseil constitutionnel. Ce dernier a estimé que son premier mandat était intangible et donc hors de portée de la réforme. Ce qui lui fait dire que ‘’la question juridique est donc réglée’’. «Maintenant, dois-je me porter candidat pour un troisième mandat ou non ? C’est un débat politique, je l’admets», relève-t-il.
A la tête du Sénégal depuis 2012, Macky Sall n’exclut pas de se présenter à un troisième mandat à un an de la présidentielle de 2024, alors que le pays en ébullition. Accordant une interview au journal français l’Express, le chef de l’Etat a abordé la situation politique de plus en plus tendue au Sénégal. En effet, interpellé sur les accusations du camp de Ousmane Sonko de vouloir l’écarter de la course à la présidentielle de février 2024, Macky Sall a assuré que «dans un Etat de droit, un leader politique ne peut chercher à se soustraire à la loi en instrumentalisant la rue». «Ce qui se passe n’est acceptable dans aucune démocratie. Un individu ne peut pas bloquer la capitale, Dakar, au seul prétexte qu’il est convoqué́ au tribunal. Si le Sénégal n’était pas une authentique démocratie, croyez- moi, son sort aurait été réglé depuis longtemps...», a assuré Macky Sall qui, sur la question de savoir s’il craignait des émeutes comme celles de mars 2021, qui avaient fait 14 morts, invite chacun à assumer ses responsabilités. «J’ignore ce qui peut se passer. Je ne suis pas devin. Mais une chose est sûre : ceux qui s’imaginent pouvoir intimider le pouvoir et bloquer la justice se bercent d’illusions. Chacun devra assumer ses responsabilités», a-t-il dit, donnant ainsi l’occasion à son intervieweur d’enchainer avec la question fatidique : «serez-vous candidat à votre succession en février 2024 ?». Et cette fois-ci, il répond : «dans mon camp, les gens se sont déjà positionnés pour m’investir comme candidat. Je n‘ai pas encore apporté ma réponse. J’ai un agenda, un travail à faire. Le moment venu, je ferai savoir ma position, d’abord à mes partisans, ensuite à la population sénégalaise», répond-il. Mais quand la journaliste revient à la charge en indiquant : «la perspective d’un troisième mandat inquiète une partie de la société civile et certains de vos partenaires occidentaux...», Macky Sall assure : «sur le plan juridique, le débat est tranché depuis longtemps».
«J’ai été élu en 2012 pour un mandat de sept ans. En 2016, j’ai proposé le passage au quinquennat et suggéré d’appliquer cette réduction à mon mandat en cours. Avant de soumettre ce choix au référendum, nous avons consulté le Conseil constitutionnel. Ce dernier a estimé que mon premier mandat était intangible et donc qu’il était hors de portée de la réforme. La question juridique est donc réglée. Maintenant, dois-je me porter candidat pour un troisième mandat ou non ? C’est un débat politique, je l’admets», assure-t-il. Ce qui fait réagir la journaliste qui lui a rappelé que dans son autobiographie publiée avant la présidentielle de 2019, «Le Sénégal au cœur», il affirmait briguer son «deuxième et dernier mandat». Et Macky Sall de répondre : «je ne me dédis pas. J’ai donné une opinion qui correspondait à ma conviction du moment. Celle-ci peut évoluer et les circonstances peuvent m’amener à changer de position. Nous sommes en politique. Mais pour l’instant, je n’ai pas déclaré ma candidature. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit», dit-il.
Position de Macron sur le 3e mandat
Avant de reconnaître qu’Emmanuel Macron a tenté de le dissuader de briguer un troisième mandat. «Je ne vais pas faire état de mes conversations avec le Président français devant la presse. Nous avons des discussions sur différents sujets, y compris celui-là. Il est libre d’avoir son opinion, d’exprimer des désirs, de faire part de sa volonté et, même, de prodiguer des conseils. Moi aussi, j’ai un point de vue personnel sur la politique qu’il mène », explique Macky Sall.
Affaire Pape Ndiaye
Sur le classement 2022 de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse qui a vu le Sénégal perdre 24 places, Macky Sall déclare : «ceux qui parlent d’un recul de la liberté de la presse au Sénégal ne font qu’écouter notre opposition, pour laquelle nous sommes la pire démocratie qui soit. Mais regardez le paysage médiatique du Sénégal : nous avons au moins une trentaine de quotidiens, aussi libres les uns que les autres. Il n’y a absolument aucune limitation sur la liberté de la presse. Cependant, il ne faut pas tout confondre : le journaliste arrêté récemment [Pape Ndiaye, Ndlr] ne l’a pas été pour délit de presse, mais pour "diffusion de fausses nouvelles". La justice sénégalaise est reconnue pour son impartialité», assure-t-il.
Cas Cheikh Hadjibou Soumaré
Avant d’enchainer sur le cas de l’ancien Premier ministre Cheikh Hadjibou Soumaré qui a également été inculpé pour "diffusion de fausses nouvelles", pour avoir demandé, dans une lettre ouverte, s'il avait versé un don à Marine le Pen. «Là, il s’agit d’un cas de diffamation. Comment un individu peut-il insinuer gratuitement que le président de la République a versé 12 millions d’euros à Marine le Pen ? Dans ce courrier, il me demande si j’ai donné cet argent ; demain, certains diront que je l’ai fait. S’il possède la preuve d’un tel financement, qu’il la fournisse ! L’on ne peut pas lancer ainsi des accusations sans preuves, puis, lorsque la justice est saisie et effectue son travail, crier à la chasse aux opposants. C’est trop facile», fustige le président de la République.
Sidy Djimby NDAO avec l’Express