La Malaisie plonge dans le pétrole sénégalais: Total vend 30% de ses actions à Petronas




 
Total n’est plus seul sur le bloc Rufisque Offshore Profond. La compagnie française vient de vendre 30% de ses parts à la société malaisienne Petronas, qui entre ainsi dans le pétrole sénégalais. Sans doute une bonne affaire pour Total, qui n’a déboursé que des miettes pour un peu plus de 10.000km2 acquis il y a un peu plus d’un an. Ce, contre l’avis du ministre de l’époque Thierno Alassane Sall.  
 
 
 
Après les Australiens, les Américains, les Britanniques et les Français, le Sénégal enregistre une nouvelle arrivée dans le secteur du pétrole et du gaz. En effet, il faudra désormais composer avec les Malaisiens, qui ont acquis près du tiers du bloc Rufisque Offshore Profond, que le Sénégal a cédé, le 2 mai dernier, à la compagnie française Total. «Petroliam Nasional Bhd, ou Petronas, étend sa présence mondiale au Sénégal, pays d’Afrique de l’Ouest, après avoir acheté une participation de 30% dans le bloc d’exploration Rufisque Offshore Profond», annonce la société malaisienne. Qui précise que, selon Petronas, cet achat a été officialisé après que sa filiale PC Sénégal Ltd a récemment signé un accord de rachat avec Total E & P Sénégal SAS, une filiale de la multinationale française intégrée du pétrole et du gaz Total.
Avec l’entrée de Petronas, qui est une entreprise publique malaisienne créée en 1974, et présente dans une trentaine de pays, Total a désormais une participation de 60%, tandis que les 10% restant sont détenus par Petrosen, pour le compte de l’Etat du Sénégal.
A en croire le communiqué qui est silencieux sur la contrepartie financière versée aux Français, Total compte s’aligner sur la stratégie, en amont, de la compagnie malaisienne, pour développer son portefeuille d’explorations en Afrique de l’Ouest.
Les forages d’exploration à Rufisque Offshore Profond devront démarrer en 2019, après l’achèvement de l'interprétation des données sismiques tridimensionnelles et la prospection identifiée et évaluée.
Le bloc Profond de Rufisque Offshore, couvre une superficie de 10.357 km2, avec une profondeur d’eau allant de 100 à 3000m. Ce bloc est situé à proximité des blocs St-Louis Profond et Cayar Profond et Sangomar Offshore Deep (RSSD), où d’importantes découvertes de pétrole et de gaz ont été faites.
 
 
 
Ce contrat à l’origine du départ de Thierno Alassane Sall du gouvernement
 
Ce contrat a été à l’origine de la démission de Thierno Alassane Sall du gouvernement. Alors ministre de l’Energie, il s’était catégoriquement opposé à ce que ce bloc soit cédé à Total alors que d’autres compagnies proposaient mieux. Malgré l’insistance du président de la République et du Premier ministre, il est resté campé sur sa position alors que le CEO de Total avait fait le déplacement sur Dakar à bord de son jet privé uniquement pour signer le contrat. Pendant la discussion entre Macky Sall, Mohamed Dionne et Thierno Alssane Sall, le CEO de Total attendait impatiemment avec ses proches collaborateurs à quelques mètres, dans une autre salle de la Présidence de la République. D’autant qu’il devait retourner sur Paris dès après la signature du contrat.
Finalement, c’est avec le Premier ministre Mohamed Dionne, nommé ministre chargé de l’Energie et du Développement des énergies renouvelables, immédiatement après le départ de Thierno Alassane Sall, que le CEO de Total a signé le contrat de Rufisque Offshore Profond.
Ayant coiffé au poteau les nombreuses sociétés qui convoitaient ce bloc, Total, si l’on se réfère à son rapport annuel, n’a pourtant pas eu à débourser gros. Dans ledit document, il est bien écrit qu'au Sénégal, pour le projet ROP (Rufisque Offshore Profond), la compagnie a payé un droit de licence de 52.000 dollars (27,5 millions F Cfa), des primes liées aux licences de 5 millions de dollars (2,6 milliards) et 150.000 dollars (79,7 millions) pour l'amélioration des infrastructures. Ce qui fait au total 5,202 millions de dollars, soit 2,7 milliards de F Cfa. Reste à savoir à combien les Français ont cédé les 30% de part aux Malaisiens.
 
 
L’acquisition du bloc Rufisque Offshore Profond avait été précédée d’une grosse polémique autour du départ de Thierno Alassane Sall, ministre de l’Energie, à l’époque. Ce dernier avait refusé de signer le contrat avec Total. Ce que fera, à sa place, le chef du gouvernement. Si l’ancien ministre de Macky n’a pas voulu signer le contrat avec les Français, c’est parce que, disait-il, d’autres concurrents avaient fait une meilleure offre. Et que Total devait revoir à la hausse la sienne. Il doutait aussi de la capacité de Total à faire le travail attendu d’elle. Ces propos ont tout simplement été jetés à la poubelle par le Premier ministre. Même le Directeur marketing de Total s’était mêlé à la polémique, en réfutant les propos de l’ancien ministre, soulignant, avec un langage emprunté au football, que Total, qui avait une capitalisation de 120 milliards, jouait en Ligue des champions et Kosmos, (3 milliards), jouait en Navétane à Thiès.
 
 
 
Total comme Frank Timis ?
 
 
 
Mais, aujourd’hui, l’histoire semble pencher du côté de Thierno Alassane Sall. Pourquoi Total a senti le besoin de revendre le tiers de ses parts, à ce moment de l’exécution du contrat ? Manque-t-elle de moyens ? En tout cas, elle doit juguler les énormes coûts à supporter du fait des obligations contractuelles. Selon les termes du contrat, Total est obligée de dépenser environ 37.500.000 dollars (plus de 19 milliards Cfa) milliards pendant la première période de recherche pour du sismique 3D et un puits d’exploration. Il s’y ajoute d’autres dépenses, comme le loyer superficiaire entre 35.000 et 105.000 dollars par an, un million de dollar par an pour la formation du personnel du ministère et de Petrosen…, entre 150.000 et 200.000 dollars pour l’épanouissement des populations. Ces dépenses colossales ont-elles contraint Total à aller chercher un partenaire pour partager les coûts et les risques, dans cette phase d’exploration aléatoire ? La compagnie française est-elle prise dans les délais, car ces investissements devant se faire dans la première phase d’exploration de 4 ans, alors que deux ans seront bientôt consommés ? En fin de compte, Total a fait comme Frank Timis… en plus intelligent.

Mbaye THIANDOUM

 
MT

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