Lors d’une conférence de presse tenue avec les travailleurs licenciés depuis l’arrivée au pouvoir du Président Bassirou Diomaye Faye, le rappeur Oumar Cyrille Touré, alias Thiat, récemment élu coordonnateur du mouvement citoyen Y’en a marre, a vertement critiqué les pratiques du nouveau régime. Il dénonce des renvois massifs et arbitraires de travailleurs soupçonnés de connivence avec le régime précédent, qu’il assimile à une injustice politique grave.
«Une grosse déception». Voilà en quels termes Thiat, de son vrai nom Cheikh Oumar Cyrille Touré, a résumé son sentiment à l’égard des agissements du régime issu du parti Pastef. Le porte-voix du mouvement Y en a marre, qui a pourtant longtemps combattu aux côtés de figures aujourd’hui au sommet de l’État, a profité de cette tribune commune avec un collectif de travailleurs licenciés pour exprimer sa colère face à ce qu’il qualifie de “purge politique camouflée en réforme administrative.”
Devant un parterre de journalistes, de syndicalistes et de familles de travailleurs renvoyés, Thiat a livré un discours de combat, mêlant indignation, appels à la mobilisation et mise en garde directe à l’endroit du nouveau pouvoir.
De l’espoir à la déception
« Quand ces gens arrivaient au pouvoir, les Sénégalais pouvaient s’attendre à tout sauf à voir leurs frères et sœurs perdre leurs emplois ou que des syndicalistes soient persécutés », a d’emblée déclaré l’activiste. Pour lui, l’ironie est d’autant plus amère que les deux figures de proue du régime actuel — le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko — sont eux-mêmes issus du monde syndical. « À chaque fois qu’ils étaient persécutés, ils sont venus vers nous, vers Y en a marre, pour qu’on les soutienne. Et nous avons toujours répondu présents. »
Dans cette tirade à forte charge morale, Thiat rappelle que le soutien populaire et militant dont jouissait Pastef dans l’opposition ne devait pas être trahi une fois le pouvoir conquis. Or, selon lui, c’est exactement ce qui s’est produit : « nous ne pouvions pas imaginer un seul instant qu’un régime de Pastef ferait vivre autant d’injustice à des travailleurs. »
Des licenciements jugés politiques et abusifs
Au cœur des accusations formulées : des vagues de licenciements dans des agences publiques, directions générales et sociétés d’État, ayant touché plusieurs dizaines, voire centaines de travailleurs depuis l’installation du nouveau pouvoir. Les concernés sont souvent soupçonnés d’être liés à l’ancien régime, ou accusés, de manière floue, d’incompétence ou de clientélisme.
Mais, pour Thiat, ces motifs sont fallacieux : « Les explications que les Directeurs généraux concernés ont livrées ne reposent sur rien. Pire, ils ont tenté de faire croire aux Sénégalais que ces travailleurs étaient payés à ne rien faire. Ce qui est absolument faux. »
Il dénonce ainsi une double injustice : d’une part, les renvois qu’il juge abusifs, et d’autre part, la stigmatisation publique des victimes. « Le régime a agi dans le seul but de retourner l’opinion contre ces travailleurs. »
De la solidarité à l’appel à la résistance
Thiat n’a pas manqué de saluer la présence des familles aux côtés des travailleurs licenciés, un symbole fort selon lui du caractère vital de leur emploi pour la stabilité sociale. « Cela montre à quel point leur travail était utile pour leurs familles. Mais cela prouve aussi qu’ils ne sont pas prêts à se laisser faire. »
Fort de cette détermination, l’activiste a annoncé la tenue prochaine d’un “grand rassemblement des travailleurs du Sénégal” après le Magal de Touba, précisant que ce rassemblement ne sera pas seulement celui des renvoyés, mais de “tous les travailleurs sénégalais.” Une manière de transformer une revendication sectorielle en cause nationale.
« Il ne faut surtout pas que ce qu’essaye de faire ce régime de Pastef avec ces travailleurs réussisse. Sinon, à chaque fois qu’un nouveau régime sera élu, il fera la même chose : renvoyer tous ceux qu’il considère comme des membres du régime sortant. Si on laisse faire, ça sera catastrophique pour le pays », avertit-il.
Une mise en garde au pouvoir
Le ton se durcit lorsqu’il évoque les conséquences d’un refus du dialogue par les autorités. S’il affirme que des ouvertures ont été faites pour engager des pourparlers avec le gouvernement, Thiat prévient que l’absence de réponse claire pourrait déboucher sur une confrontation frontale : « soit nous nous parlons et nous trouvons une solution qui satisfait tout le monde, soit nous allons vers des affrontements. »
À travers cette déclaration, c’est un avertissement politique qu’il adresse : Y en a marre et les mouvements sociaux ne resteront pas spectateurs d’une gouvernance qui reproduit, selon eux, les tares de l’ancien régime, voire les dépasse. « L’administration sénégalaise n’a jamais été colorée aux couleurs du parti au pouvoir. Ce principe ne doit pas changer aujourd’hui. »
Vers une mobilisation sociale ?
Cette sortie de Thiat résonne comme un premier acte d’un bras de fer social qui pourrait prendre de l’ampleur dans les semaines à venir. En appelant les activistes, les syndicats, les mouvements citoyens et même les partis politiques à se joindre à cette mobilisation post-Magal, Y en a marre semble vouloir repositionner le débat politique sur le terrain social, là où le régime Diomaye-Sonko est encore peu challengé.
Reste à voir comment les autorités réagiront à cet appel à la concertation — ou à l’épreuve de force. Mais une chose est certaine : pour Thiat, le combat vient à peine de commencer.
Sidy Djimby NDAO