LIBERTÉ DE LA PRESSE MENACÉE : La société civile exige la libération immédiate de Maïmouna Ndour Faye et Babacar Fall




 
 
 
La Raddho, la Lsdh, Article 19 et Amnesty International dénoncent une dérive autoritaire et appellent l’État à restaurer le respect des libertés fondamentales.
 
 
 
 
 
Un front citoyen face à la dérive
 
L’arrestation de Maïmouna Ndour Faye, Directrice générale de 7Tv, et de Babacar Fall, directeur de l’information de la Rfm, a provoqué une onde de choc dans tout le pays. En moins de vingt-quatre heures, les voix les plus autorisées de la société civile sénégalaise se sont élevées pour dénoncer une « atteinte grave à la liberté de la presse et au droit à l’information ».
Dans un communiqué conjoint d’une rare fermeté, la Raddho, la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh), Article 19 Sénégal/Afrique de l’Ouest et Amnesty International Sénégal exigent la libération immédiate des deux journalistes. Selon ces organisations, leur interpellation pour avoir accordé une interview à une personne recherchée constitue « une mesure arbitraire et injustifiable ».« L’interview diffusée par la Rfm ne contient aucun propos susceptible de troubler l’ordre public ou de porter atteinte à la sécurité de l’État », rappellent les signataires, dénonçant par ailleurs « l’irruption des forces de sécurité dans les locaux des médias, la coupure arbitraire des signaux et l’interruption d’émissions en direct ».
 
 
« Renforcer le Cored, pas réprimer les journalistes »
 
Pour ces défenseurs des droits humains, l’État du Sénégal s’écarte dangereusement des principes démocratiques qui ont longtemps fait sa réputation. Ils appellent les autorités à revenir à la raison et à privilégier la régulation par les pairs. « Les pouvoirs du Cored doivent être renforcés pour lui permettre de jouer pleinement son rôle de régulateur », plaide le communiqué signé par Alassane Seck (Lsdh), Mouhamadou Seck (Raddho), Alfred Bulakali (Article 19) et Seydi Gassama (Amnesty International Sénégal).
Dans une publication sur X (ex-Twitter), Seydi Gassama a d’ailleurs réagi avec indignation. « Nous sommes profondément préoccupés par l’interpellation et le placement en garde à vue de Maïmouna Ndour Faye et Babacar Fall. Nous demandons leur libération immédiate ». Pour le directeur exécutif d’Amnesty Sénégal, « aucune démocratie digne de ce nom ne peut tolérer la criminalisation du travail journalistique ».
 
 
Des arrestations jugées arbitraires
 
La même indignation a été exprimée par Moundiaye Cissé, président de l’Ong 3D, pour qui ces interpellations sont « arbitraires et inquiétantes ». « Depuis quand est-il interdit à un journaliste d’interroger un citoyen, présumé innocent jusqu’à preuve du contraire ? », s’interroge-t-il, avant de lancer un appel à la retenue : « nous demandons à l’État de faire preuve de sérénité et de restaurer un climat de confiance entre les institutions, les médias et les citoyens. »
Pour M. Cissé, l’emprisonnement de journalistes pour avoir exercé leur métier est une ligne rouge que le Sénégal ne devrait jamais franchir.
 
 
Le Gradec appelle à la responsabilité, mais prévient contre la dérive
 
Dans une position plus nuancée, le Groupe de recherche et d’action sur la démocratie et la citoyenneté (Gradec) a, lui aussi, réagi aux arrestations. Tout en appelant à « la responsabilité et à la retenue » des acteurs médiatiques sur les sujets judiciaires sensibles, l’organisation souligne qu’elle « n’a jamais soutenu les arrestations » et reste attachée au « respect des libertés fondamentales ».
Le Gradec rappelle que « l’État de droit ne peut s’accommoder du non-respect des décisions de justice », mais alerte aussi contre « les tensions artificielles » qui pourraient fragiliser la paix civile.
 
 
 
 
Une question de survie démocratique
 
Entre inquiétude et colère, la société civile sénégalaise semble unanime : ces arrestations constituent un tournant dangereux pour la démocratie. Dans un contexte régional marqué par la résurgence des régimes autoritaires, le Sénégal est sommé de ne pas céder à la tentation de la répression.
« Protéger la liberté de la presse, c’est protéger la démocratie elle-même », concluent les organisations signataires, exigeant la libération immédiate de Maïmouna Ndour Faye et Babacar Fall, et la fin des intimidations contre la presse.
Car, au-delà de deux journalistes, c’est tout un symbole qui est aujourd’hui en détention : celui d’une presse libre, garante du droit du peuple à savoir.
 
 BMS
 
 
LES ECHOS

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