LA MAITRESSE D'UNE ÉLÈVE DE L’ÉCOLE ABASS SALL SE RETROUVE À LA BARRE: La mineure de 5 ans battue avec une règle a la phalange de la main droite amputée, le procureur requiert l'acquittement de la maîtresse Yacine Diop



 
 
Accusée d'avoir exercé des violences sur une mineure de 5 ans, entraînant l'amputation de la phalange de sa main droite, l'institutrice de l'école Abass Sall, Yacine Diop, verra son cauchemar s'arrêter si le juge suit le parquet qui a requis son acquittement pur et simple. Cette accusée a été jugée hier devant la Chambre criminelle de Dakar pour coups et blessures volontaires sur mineure de moins de 15 ans et par une personne ayant autorité sur la victime. Le père de la fillette réclame à l’enseignante et à l'école où elle officiait la somme de 100 millions à titre de dédommagement.
 
 
 
Ses parents ayant divorcé alors qu’elle n’avait que 5 ans, K. Mbengue était sous la tutelle de son père, Djibril Assane Mbengue, qui la conduisait à chaque fois qu'elle allait à l'école Abass Sall. Toutefois, cette enfant qui était en classe de CI s’est plainte, le 19 décembre 2012, de douleurs au doigt de sa main droite. Interrogée, K. Mbengue soutenait avoir été battue ce jour-là avec une règle par sa maitresse. Conduite à l'Hôpital militaire de Ouakam, les conclusions de l'homme de l'art ont montré une fracture de la phalange de sa main droite. La maîtresse Yacine Diop entendue s'est excusée et a reconnu avoir frappé la fille avec une règle. Et pour se justifier, elle expliquait qu'elle ordonnait aux enfants de se taire lorsque le muezzin appelait à la prière.
Inculpée pour des faits de coups et blessures volontaires sur mineure de moins de 15 ans, ayant entraîné une amputation du doigt et par une personne ayant autorité sur la victime, l’institutrice Yacine Diop a comparu hier devant la Chambre criminelle de Dakar après avoir été placée le 20 février 2013 sous contrôle judiciaire, qui a été levé 6 mois plus tard. Appelée à la barre, elle a nié les accusations portées à son encontre. «Même si j'ai eu un différend avec son père, je n'ai jamais levé la main sur elle. Parce que K. Mbengue est une enfant sérieuse et modèle. Elle ne s'est pas blessée dans la classe, ni dans cette école. Son père m'a dit que je l'ai battue le 12 décembre 2012 et on m'a informée des faits le 4 janvier. D'habitude, je ne bats pas les enfants, je leur fais juste peur», s'est-elle défendue.
Des dénégations démenties par trois élèves de la classe de la victime, selon qui la maîtresse l'a battue. Le président de l'audience lui rappelant ce témoignage, elle l'a balayé d'un revers de main. «J'ai fait 8 ans dans cette école et je n'ai jamais frappé quiconque. Tout ce que ces enfants ont dit, ce ne sont que des manigances de la part de M. Mbengue, le père de Khadija, avec qui j'avais des antécédents», dit la dame qui a persisté à nier.
Mais, le père de la victime, Djibril Assane Mbengue, a pris son contrepied en maintenant ses accusations contre la maîtresse de sa fille. «C'est la énième fois qu'elle la bat. Tout ce qu'elle a dit ici n'est que pure invention de sa part. Le 19 décembre, elle l'a battue. J'ai constaté que sa phalange était rouge, mais je ne savais pas qu'elle était fracturée. Je l'ai conduite à l'Hôpital militaire de Ouakam où les médecins ont constaté que son doigt avait commencé à pourrir», a narré le père.
 
 
La fille et sa mère démentent le père et confirment la maîtresse
 
Âgée maintenant de 13 ans, K. Mbengue, contrairement à son père, a disculpé sa maitresse. Même si à l'époque elle avait soutenu que c'est Yacine Diop qui l'avait frappée. «C'est après que j'ai su que j'avais un panaris. J'avoue que je sentais déjà cette douleur au doigt avant qu'elle ne me frappe», a dit la victime qui a été confortée par sa mère. «Elle m'avait confié que son doigt lui faisait mal même avant les coups. J'avais envisagé de pardonner à la maitresse et c'est la raison pour laquelle je n'avais pas déféré à la convocation du juge lors de la précédente audience», a renchéri la dame qui a manifesté son désistement.
 
 
Le père réclame 100 millions
 
 
Avocat de la partie civile, Me Ndiaga Sy n'a pas cru à la thèse du panaris. «Si elle avait un panaris, il aurait dû être visible au doigt. Elle m'a révélé avoir été frappée à la main par sa maîtresse. Son père m'appelait parfois en pleurs en me disant qu'elle n'a pas dormi de la nuit à cause de la douleur de son doigt. Le certificat médical du 25 janvier 2013 conclut à un moignon d'amputation. Celui-ci était en train de se gangrener et ce sont les coups qu'elle a reçus qui sont à l'origine de cela. Il faut condamner Yacine Diop et l'école Abass Sall à nous payer solidairement la somme de 100 millions à titre de préjudice», a martelé la robe noire.
 
 
Le parquet requiert l’acquittement
 
 
Le procureur qui n'est pas convaincu de la culpabilité de la maîtresse, a requis son acquittement pur. «J'avais une première certitude à savoir que l'accusée était la responsable de ces faits, mais au fur et à mesure qu'on avance dans l'instruction, j'ai commencé à avoir des doutes. Une petite règle en bois pouvait-elle provoquer cela ?», a relayé le parquetier.
Pour la défense de la maitresse, Me Abdoulaye Tall a plaidé l'acquittement de sa cliente afin qu'elle soit rétablie dans sa dignité. «Elle a depuis 2013 été traînée dans la boue. Dans une classe où il y avait 47 enfants, elle était la seule mère qui assurait la garde. La vérité ne sort que de la bouche des enfants et vous avez entendu la vérité aujourd'hui, parce qu'elle vous a dit qu'elle avait un panaris et que la maîtresse l'a frappée sur la peau. Le certificat médical parle d'une infection osseuse et non d'une fracture. Il faut l'acquitter pour la rétablir dans sa dignité. Elle est persécutée par cette procédure depuis 2013», fulmine Me Tall avant que son confère Me Diabel Samb ne parle d'acharnement contre sa cliente.
Délibéré le 16 février prochain.
 
Fatou D. DIONE
 
LES ECHOS

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