ISMAÏLA MADIOR FALL AU MAGAZINE JEUNE AFRIQUE: «Il y a des membres du parti au pouvoir condamnés, d’autres épinglés par la Cour des comptes qui remboursent. Inutile de les vilipender»



Aux partisans de Khalifa Sall et de Karim Wade qui pensent que la justice a jeté son dévolu sur leurs leaders, Ismaïla Madior rétorque qu’ils ont tout faux. Selon le ministre de la Justice, il y a des membres du parti au pouvoir qui ont été condamnés et d’autres, «épinglés par la Cour des comptes, qui remboursent». Mais, il refuse de donner leurs noms pour ne pas les vilipender. C’était dans un entretien accordé à jeuneafrique.com.
 
 
Le ministre de la Justice a lâché une bombe. Dans une interview accordée à jeuneafrique.com, Ismaïla Madior Fall a déclaré : «(…) Des membres du parti au pouvoir ont aussi été condamnés, et d’autres épinglés par la Cour des comptes - ils remboursent aujourd’hui les sommes en cause. Personne ne parle d’eux, car ils ne sont pas candidats à la présidentielle». Au journaliste, le ministre de la Justice n’a pas voulu donner les noms de ces personnes, pour ne pas «les vilipender». De quoi faire sortir de leurs gonds les partisans de Karim Wade et de Khalifa Sall, qui s’étonneraient certainement du fait qu’il s’agit de la Cour des comptes et non d’un autre organe judiciaire qui est actionné, mais également du fait que l’Etat ait voulu jouer la discrétion pour ces cas non révélés.
 
«Il y a beaucoup de cas de détention abusive dans les prisons sénégalaises»
 
Pris par on ne sait quoi, le ministre de la Justice poursuit dans ses bizarreries. S’étonnant encore du fait qu’au Sénégal, «on ne critique la justice que lorsqu’elle vise des candidats à la présidentielle», le ministre de la Justice lâche qu’il y a actuellement «beaucoup de cas de détention abusive dans les prisons sénégalaises», avant de s’étonner toujours que cela n’occupe pas l’opinion publique. Interrogé sur la célérité qui a sévi dans le dossier de Khalifa Sall, il répond : «dans un cas comme celui de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, une fois l’affaire instruite, il vaut mieux la juger afin de ne pas prolonger l’incertitude. Cette polémique émane de la défense, dont la seule option était de jouer la montre, car elle ne pouvait pas blanchir Khalifa Sall sur le fond. L’infraction était constatée et les preuves accablantes. Le rapport de l’Ige avait déjà établi tous les éléments portant sur l’accusation d’escroquerie aux deniers publics. On était à la limite du flagrant délit et l’affaire aurait pu se régler en six mois». Une déclaration extrêmement maladroite de la part d’un ministre de la Justice qui se prend pour l’occasion pour un procureur de la République. 
«La Cour de justice n’est ni une Cour d’appel ni une Cour de cassation et ne peut invalider une décision du Conseil constitutionnel»
Ismaïla Madior Fall a informé, par ailleurs, que s’agissant de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), un comité composé de magistrats, d’universitaires, de représentants de la société civile, a formulé des propositions sur la possibilité d’appel au niveau de la Crei, mais, selon lui, c’est au Président d’en décider. Il n’a pas voulu décliner sa position, par rapport à cela. Sur les «désaveux» de l’Etat au niveau international, le ministre de la Justice n’est pas d’accord. Et par rapport à la décision du comité des droits de l’homme de l’Onu, qui a constaté que les droits de Karim Wade à un recours effectif ont été violés, il précise que l’Etat a jusqu’en 2019 pour «répondre sur ce point». Quid du recours de Khalifa Sall à la Cour de justice de la Cedeao ? «Si la Cour de justice de la Cedeao avait considéré que Khalifa Sall devait être candidat, elle aurait ordonné les mesures provisoires suspensives que lui-même avaient invoquées, lorsqu’elle s’est prononcée en février. Elle n’est ni une Cour d’appel ni une Cour de cassation et ne peut invalider ou annuler les décisions rendues par la juridiction suprême au Sénégal qu’est le Conseil constitutionnel», a réagi le ministre de la Justice. 
Alassane DRAME

Dans la même rubrique :