Pour qu’un député puisse être poursuivi devant la justice, il faut impérativement que l’Assemblée nationale donne son aval à travers une procédure de levée d’immunité parlementaire, telle que définie par les articles 51 et 52 du Règlement intérieur de ladite institution. Le Sénégal en a compté 11 depuis son accession à l’indépendance. Jusque-là, c’est le régime du président Macky Sall qui a battu tous les records avec 8 députés dépouillés de leur immunité parlementaire.
Les députés bénéficient en tant que représentants du peuple d’une immunité parlementaire qui les protègent contre les poursuites judiciaires, à l’exception de quelques cas prévus par l’articles 51 du Règlement intérieur qui stipule : «aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Le député est couvert par l'immunité à compter du début de son mandat qui prend effet dès la proclamation des résultats de l'élection législative par le Conseil constitutionnel.
Aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de l'Assemblée».
Les exceptions prévues par ledit texte sont établis à partir du troisième alinéa. «Le député pris en flagrant délit ou en fuite, après la commission des faits délictueux, peut être arrêté, poursuivi et emprisonné sans l'autorisation du Bureau de l'Assemblée nationale. Aucun député ne peut, hors session, être arrêté qu'avec l'autorisation du Bureau de l'Assemblée nationale, sauf en cas de flagrant délit tel que prévu par l'alinéa précédent ou de condamnation pénale définitive. La poursuite d'un député ou sa détention du fait de cette poursuite est suspendue si l'Assemblée le requiert. Le député qui fait l'objet d'une condamnation pénale définitive est radié de la liste des députés de l'Assemblée nationale sur demande du ministre de la Justice».
C’est toute une procédure qui est déclenchée quand la justice a besoin d’entendre un parlementaire, comme le prévoit l’article 52 du même Règlement intérieur. «Il est constitué, pour chaque demande de levée de l'immunité parlementaire d'un député ou pour chaque demande de suspension de poursuites déjà engagées, une Commission ad hoc de onze (11) membres nommés selon la procédure prévue à l'article 34. La Commission doit entendre le député intéressé, lequel peut choisir, comme défenseur, un de ses collègues.
Lors des débats ouverts par l'Assemblée nationale, en séance plénière, sur les questions d'immunité, peuvent seuls prendre la parole le président, le rapporteur de la Commission, le gouvernement, le député ou son défenseur et un orateur contre».
Si la commission ad hoc est favorable à la levée de l’immunité parlementaire du mis en cause, et que l’Assemblée nationale suit les recommandations de ladite commission, le député est livré à la justice par ses collègues.
11 immunités parlementaires sur les 12 engagés levées
De 1960 à nos jours, l’Assemblée nationale a levé onze (11) immunités parlementaires sur les douze (12) engagés.
Parmi les cinq (5) régimes qui ont traversé le Sénégal depuis notre indépendance, celui du président Léopold Sédar Senghor qui a duré 20 ans, est le seul à n’avoir procédé à aucune levée d’immunité parlementaire.
Huit pour Macky, deux procédures engagées sous Wade dont l’une n’a pas abouti, un sous Diouf et un pour Diomaye déjà
C’est sous le magistère du président Abdou Diouf que le Sénégal a connu son premier député livré à la justice en la personne de Joseph Ndong, qui était à l’époque le responsable national des jeunes du Pds, mais aussi directeur de publication du journal «Sopi». C’est d’ailleurs dans le cadre de ses activités dans ce média qui l’opposaient à la Croix Rouge qu’une demande de levée de son immunité parlementaire a été enregistrée en 1993.
Sous le régime du président Abdoulaye Wade, deux procédures étaient engagées, mais l’une n’a pas abouti, il s’agit de Moussa Tine qui avait été l’objet d’une plainte de Pape Samba Mboup pour diffamation dans l’affaire de l’agression de Talla Sylla. Malgré plusieurs réunions et convocations de la commission ad hoc, la procédure n’a pas abouti. Alkali Cissé n’a pas eu la même chance, sa procédure a été menée à terme et son immunité levée. Il était visé par la justice dans une affaire d’escroquerie qui l’opposait à de hauts responsables saoudiens.
Le régime du président Macky Sall a battu tous les records avec 8 levées d’immunité parlementaire à son actif. Le premier constat, c’est que si les précédents cas sont tous des affaires privées, la plupart des 8 procédures enclenchées à sous Macky ont tous eu des colorations politiques couvertes par un besoin de reddition des comptes. En effet, avec les poursuites de la Crei, Oumar Sarr, Ousmane Ngom et Abdoulaye Baldé avaient perdu leur immunité parlementaire.
Khalifa Sall a été le suivant sur la liste avec l’histoire de la caisse d’avance à la mairie de Dakar. Son lieutenant, Barthélemy Dias dans l’affaire Ndiaga Diouf en 2016 avait aussi perdu son immunité. Un autre opposant, Ousmane Sonko, a perdu son immunité en 2021 dans l’affaire Sweet Beauté. Dans la même année, deux députés de la majorité : Boubacar Biaye et Mamadou Sall ont aussi perdu leur immunité parlementaire dans l’affaire des trafics de passeports diplomatiques.
Le régime du président Diomaye, qui n’a pas encore bouclé la première année, compte sa première levée d’immunité parlementaire. Farba Ngom a perdu sa ‘’protection’’ et peut être convoqué et entendu à tout moment.
Ndèye Khady D. FALL