Entre amertume et détermination, les familles expropriées haussent le ton. Ils étaient plusieurs centaines, samedi dernier, à marcher de la gare de Sébikotane à celle de Thiaroye. Banderoles en main et slogans scandés avec force, les membres du Collectif national des impactés du TER ont voulu exprimer publiquement leur amertume et leur déception face au silence prolongé des autorités. Près de dix ans après le lancement du projet, leurs conditions de vie se sont dramatiquement détériorées, sans que les promesses de réparation ne se concrétisent.
Le projet du Train Express Régional, lancé en 2016, devait symboliser la modernité et l’émergence. Mais pour de nombreuses familles, expropriées sur le tracé, il est devenu un synonyme de précarité sociale. Les indemnisations versées à l’époque, calculées sur la base d’un barème jugé obsolète et déconnecté du marché, n’ont pas permis aux expropriés de se reloger dignement. «Des propriétaires sont devenus locataires du jour au lendemain. Certains, après avoir perçu une maigre indemnité, se sont retrouvés sans toit», déplore le Collectif dans une déclaration rendue publique lors de la marche.
L’expropriation précipitée a bouleversé des vies entières, car des familles ont été déplacées loin de leurs lieux d’origine, des enfants ont dû changer brutalement d’école ou ont tout simplement décroché, faute d’accès. À cette fracture sociale s’ajoute désormais le sentiment d’abandon.
Des correspondances sans réponse
Malgré de multiples courriers adressés au président de la République Bassirou Diomaye Faye, à son Premier ministre Ousmane Sonko et au Directeur général de l’Apix, les familles disent n’avoir reçu aucune réponse concrète. Le Collectif fustige une attitude qu’il juge incompréhensible de la part de nouvelles autorités qui, dans l’opposition, avaient pourtant dénoncé ces mêmes injustices. « Nous avons cru à un changement. Mais aujourd’hui, le silence est assourdissant. Nos familles souffrent, pendant que les trains circulent», lance avec amertume Amadou Diarra, porte-parole du Collectif, entourée d’expropriés déterminés.
Des engagements qui tardent à se concrétiser
Lors des différentes conciliations, plusieurs promesses avaient été formulées par l’État et ses partenaires techniques. Parmi elles, cite-t-il, «l’accélération de la viabilisation des deux sites de recasement ; le paiement des pertes de revenus locatifs aux propriétaires bailleurs, tel que prévu dans le Plan d’action et de réinstallation (Par) ; le règlement des primes de vulnérabilité ; le paiement des mesures d’accompagnement social ; l’indemnisation des propriétaires de terrains nus et celle des personnes affectées par la perte de leurs activités agricoles».
Mais aucune de ces mesures n’a été appliquée dans les délais promis, selon les manifestants. Résultat, « l’exaspération monte, et la confiance s’érode » blâme le collectif qui dénonce avoir aucun interlocuteur de l’État.
«Non aux promesses non tenues !»
La marche de samedi s’est achevée à Thiaroye dans une ambiance résolument combative. Des slogans comme «Non aux promesses non tenues !», «Oui à la justice sociale !», «Assez de souffrance, place à l’action !» ont ponctué le rassemblement final. «Un projet de développement ne doit pas appauvrir les populations, mais améliorer leurs conditions de vie», rappelle fermement le Collectif.
Les impactés n’excluent pas de durcir leur mouvement dans les jours à venir, si des réponses concrètes ne sont pas apportées. Ils envisagent «des actions de grande envergure pour se faire entendre» et réclament «la mise en place d’un calendrier clair de règlement de leurs doléances».
Un test pour le nouveau pouvoir
Cette contestation intervient dans un contexte où le nouveau régime est scruté sur sa capacité à régler des dossiers sociaux hérités. Le traitement réservé aux impactés du TER pourrait rapidement devenir un test politique majeur pour l’équipe gouvernementale.
En attendant, les familles expropriées continuent de subir les conséquences d’un projet dont elles disent avoir été les oubliées. Entre promesses non tenues, lenteurs administratives et silence officiel, leur colère gronde désormais sur les rails.
Baye Modou SARR