Intervenant sur le thème «Intégration régionale, défense et sécurité qu'est-ce qui a mal tourné ? Comment y remédier ?», le général Mactar Diop a formulé des recommandations aux élites africaines. A l’en croire, une armée, c’est l’assurance vie d’un Etat, à cet effet, elle ne doit pas être politisée. Une armée, ajoute-t-il, ne doit pas être arbitre ou acteur du jeu politique.
Il s’est ouvert la semaine dernière à Dakar la première conférence de l’International Development Economics Associates Ideas-Africa Network sur le thème central «Repenser l'intégration régionale en Afrique: Transcender les échecs du passé et se préparer aux défis d’un monde multipolaire». Différentes thématiques ont été développées à cet effet, dont «l’Intégration régionale, défense et sécurité qu'est-ce qui a mal tourné ? Comment y remédier ?» introduite par les généraux Mactar Diop et Ousmane Kane. Le général Kane est revenu sur les causes multiples des conflits en Afrique et leurs conséquences. Ainsi, face aux défis sécuritaires du continent, le général Kane rappelle que lors de la création de l’Unité africaine en 1962, les pères fondateurs avaient le choix entre deux options : la première, dit-il, c'est l'unité organique qui intègre une défense et une sécurité communes et cela suppose une renonciation partielle à la souveraineté. La deuxième option, c'était l'intégration. Une option minimaliste, indique-t-il, laissant à chaque Etat dit souverain face à ses défis sécuritaires extérieurs. Et, c’est cette option qui avait finalement prévalu. Ce qui s’est révélé être une erreur historique. En lieu et place d'une défense et d'une sécurisation commune des frontières extérieures d'une union, chaque Etat était obligé de se focaliser sur ses propres frontières avec tous les aléas liés au manque de ressources, au déficit de coordination, de confiance et à face à un ennemi commun ignorant ces frontières et exploitant la porosité», regrette le général Kane qui estime qu’une défense et une sécurité régionale crédibles exigent, dit-il, la renonciation à l’émiettement pour la construction d’un ensemble politique panafricain cohérent, en mesure de relever les défis auxquels font face les Etats africains.
Une armée se base sur une entité politique
Le général Mactar Diop confirme également cette architecture de paix et de sécurité au niveau de l’Union Africaine mise en place par les fondateurs avec un système d’alerte précoce, un Conseil de paix et de sécurité, un Conseil de sages et une force africaine en attente. Ce qui veut dire qu'il y a, dit-il, une structure qui est en mesure de prendre en compte les menaces et les crises qui surviennent en Afrique à différents niveaux. Poursuivant, il réfute la possibilité d’une armée continentale. A l’en croire, une armée se base sur une entité politique. Il préconise à cet effet des brigades régionales. «C’est plus facile de bâtir des armées à partir des entités régionales. Ces brigades régionales sont des forces en attente. Chaque Etat désigne des unités, les entraine, les équipe et les met à la disposition de la Cedeao. Et, l’organe de mise en œuvre, c’est le comité des chefs d’Etat-major qui se réunit périodiquement et décide d'engager une opération par le biais d'un mandat en fonction du type d’opération à entreprendre, humanitaire, de stabilisation ou d’imposition de la force, etc.
L’appui aérien, les moyens financiers font défaut dans la lutte contre le terrorisme
En effet, même s’il est persuadé que la communauté peut déployer des opérations, c’est la lutte contre le terrorisme qui pose un problème, notamment avec les foyers de tension dans la sous-région. Il cite aussi la faiblesse des moyens de lutte contre le terrorisme avec l’appui aérien qui fait défaut. Il révèle aussi que la lutte contre le terrorisme engendre beaucoup de morts et tous les États ne sont pas prêts à payer le prix. S’y ajoute le coût financier qui est exorbitant. En effet, cinq coups de mortier coûtent pour chaque munition deux à trois millions et 20 millions, les obus aussi. Toujours sur les difficultés financières, il révèle que mobiliser 5000 soldats, il faut 2,5 milliards pour la première année. Ce financement est indisponible pour les États africains. Même si l’effectif des forces a été revu à la baisse à 1650 hommes soit des dépenses annuelles de 130 millions, les pays, se désole de constater le général, ont servi le prétexte des prélèvements communautaires Cedeao et Uemoa pour se débiner. Depuis, trois ans, regrette le général, ces fonds tardent à être mobilisés.
L’armée, c’est l’assurance vie d’un Etat, elle ne doit pas être politisée
Selon le général Diop, il est impossible de réinventer la roue et appelle les États à mettre en œuvre ce qui existe. « Il faut que les élites, nos chefs d’Etat, les politiques s’occupent de leurs armées ; parce qu’une armée, c'est l'assurance vie d'un Etat. Une armée ne doit pas être politisée, une armée ne peut pas être sous équipée. Une armée, c’est un corps qui est instruit, qui est équipé, qui a des traditions ; donc il ne faut pas négliger les armées», plaide le général Mactar Diop qui précise que nos États ont commencé à prendre conscience qu’il faut s'occuper de ses forces de sécurité. «Ce n’est pas un investissement à perte. C’est un investissement rentable, c’est un impératif. Dans cette dynamique, le général recommande de sortir les armées du jeu politique. «Les armées ne doivent pas être arbitre ou acteur du jeu politique. Les armées de soldats s'entraînent en mesure de faire la guerre, pour défendre les populations. Elles sont dotées d’un statut qui l’éloigne de la politique. Au niveau de la Cedeao, les États doivent accepter de se soumettre aux règles qu’ils ont eux-mêmes signées ; parce qu’il faut renoncer à une partie de sa souveraineté, sinon ça ne marche pas», a expliqué général Diop. En outre, il estime que l’Afrique doit avoir les moyens de sa souveraineté en développant des complexes militaro-industriel au lieu de dépendre de l’étranger sur toute la chaîne de valeur des armements. A l'en croire, il faut penser à une production intégrée au niveau régional.
M. CISS