Clothilde, jeune étudiante française tombée amoureuse lors d’un séjour à Dakar, a vu son rêve d’amour se transformer en cauchemar. Mariée à Silèye Ba, elle a vécu sous l’emprise de son mari et de sa co-épouse sénégalaise, jusqu’à ce drame en 2022 où elle est morte sous leurs coups. Ce féminicide a brisé plusieurs vies, laissant trois enfants orphelins et une famille dévastée.
Le procès du mari de Clothilde, morte enceinte de 8 mois, à Montargis, et de sa deuxième compagne, s'ouvre à Orléans. Pour comprendre l’affaire, il faut remonter jusqu’en 2015. Ce qui devait être une belle histoire d’amour s’est achevé dans l’horreur. Clothilde, 31 ans, avait rencontré Silèye Ba cette année lors d’un stage à Dakar. Séduite, elle choisit de revenir en France avec lui, croyant à une nouvelle vie de couple. Les débuts sont pourtant marqués par des difficultés matérielles. Hébergés par Didier, le père de Clothilde, ils finissent par être mis à la porte tant la cohabitation devenait invivable.
La jeune femme, alors enceinte, trouve refuge dans un foyer avant d’obtenir un modeste appartement à Montargis. Mais, en 2018, son quotidien bascule définitivement. Une femme, présentée comme une «cousine», s’installe dans le logement exigu. Il s’agit en réalité de Dieynaba, l’ex-épouse de Silèye, qui devient rapidement une co-épouse imposée. Commence alors une vie sous tension, marquée par la jalousie, les humiliations et les violences.
Clothilde donne naissance à trois enfants en 2016, 2019 et 2020. Sa mère, Sylvie, vient s’installer auprès d’elle pour lui apporter du soutien. Mais elle aussi tombe sous l’emprise psychologique et morale de son gendre. Isolée de ses petits-enfants et impuissante face au calvaire de sa fille, elle sombre dans le désespoir. Dévastée, elle finit par vivre dans sa voiture avant de mettre fin à ses jours.
Pendant ce temps, Clothilde subit des violences incessantes. Son corps portera jusqu’au bout les traces de coups et de blessures, y compris sur les parties les plus intimes. Dans la nuit du 2 au 3 août 2022, elle est rouée de coups sous les yeux de ses enfants. Transportée à l’hôpital, elle succombe à ses blessures. Silèye Ba et Dieynaba s’accusent aujourd’hui mutuellement d’avoir porté le coup fatal.
Ce drame dépasse le meurtre de Clothilde. Il englobe le suicide d’une mère impuissante, la souffrance d’enfants désormais orphelins de leur mère et séparés d’un père promis à la prison, ainsi que la faillite d’un modèle familial brisé par la violence et le mensonge.
La communauté sénégalaise, en France comme au Sénégal, exprime son indignation et sa honte face à ce crime. Beaucoup rappellent que ces actes odieux ne reflètent en rien les valeurs sénégalaises ni l’esprit véritable de la polygamie, qui repose sur l’équité et la responsabilité. Ils condamnent fermement ce féminicide et appellent à rompre le silence sur les violences faites aux femmes, qui détruisent des vies et traversent toutes les frontières.
Ce procès, instruit par le pôle criminel d’Orléans, devra établir les responsabilités exactes et rendre justice à Clothilde et à sa famille. Mais il rappelle déjà avec force l’urgence d’agir contre les féminicides et contre la banalisation des violences conjugales.
Khadidjatou D. GAYE