FORTE MOBILISATION À LOUGA CE WEEK-END : Sympathisants, camarades de parti et militants réclament la libération de Moustapha Diop, «victime d’une justice instrumentalisée»




 
 
Des milliers de Lougatois, renforcés par les 17 maires de la région, la coalition Apr de Matam et des délégations venues de tout le pays, ont battu le pavé pour exiger la libération immédiate de Moustapha Diop, député-maire de Louga incarcéré depuis quatre mois sans jugement. Une marche qui sonne comme un appel à la dignité face à ce que beaucoup perçoivent comme les effets d’un régime dictatorial.
 
Ce samedi, Louga s’est drapée de rouge, couleur de colère et d’espoir, pour porter haut la voix de la résistance, celle de la libération de Moustapha Diop.
 
 
Une mobilisation sans précédent
 
Dès l’aube, la ville de Louga s’est éveillée au rythme des klaxons, des chants, des banderoles. Le regroupement des chauffeurs  toujours prompts à remuer la poussière, a répondu présent, plus qu’un simple soutien, une participation consciente. Ils ont mis leurs véhicules à la disposition des organisateurs pour acheminer les foules venues des quartiers, des campagnes, et même d’autres régions comme Matam et Saint-Louis. Les 17 maires de la région, figures locales aux responsabilités effectives, ont rallié la marche, un signal fort. Une forte délégation de l’Apr de Matam a affiché sa solidarité. Parmi eux, anciens ministres, anciens et actuels députés, conseillers municipaux, responsables politiques, griots et simples citoyens, tous étaient là, unis dans un même cri, «Libérez Tapha !»
 
 
 
Témoignages entre émotion et colère
 
«Moustapha Diop est un soldat de la société. Il ne fait pas de discrimination. Il a pris en charge les frais médicaux d’un déficient mental trouvé dans la rue», lance une manifestante. Autre exemple, dès sa prise de fonction de maire, le Lougatois dit avoir nommé une femme handicapée comme représentante des personnes vivant avec handicap. Pour les habitants, ces gestes façonnent le visage d’un maire proche, attentif, investi. Un griot, Modou Mbaye, pleure en public : «il a changé radicalement le visage de la commune de Louga avec le bitumage de plusieurs rues et avenues, l’électrification…», déclare-il.
Amadou Mberry Sylla, président du conseil départemental, appelle directement à la libération. «Son travail est visible, c’est pourquoi le combat doit continuer jusqu’à sa libération». Karim Xrum Xax exige quant à lui qu’on lui accorde une liberté provisoire, «en attendant que le procès s’ouvre». Selon l’un des intervenants, ce qu’on lui reproche est passé de 930 millions à environ 12 millions.
 
 
 
 
Des protestataires qui craignent la dérive autoritaire
 
Ce rassemblement, au-delà de la défense d’un homme, exprime une défiance à l’égard du pouvoir. Beaucoup y voient la marque d’un régime qui use de la justice comme d’une arme politique. L’Apr elle-même, ancien parti au pouvoir, s’est fait le critique sévère du régime en place, dénonçant «une dérive dictatoriale» et une justice à deux vitesses.
Les manifestants brandissaient plus qu’un soutien, une exigence de justice, de transparence, de respect des droits fondamentaux. Que la prison ne soit pas le lot réservé aux adversaires politiques, que la détention préventive soit soumise aux règles, que le détenu soit présumé innocent tant que sa culpabilité n’est pas prouvée tels sont les principes que les milliers de Lougatois demandent à voir respectés.
 
 
 
Enjeux et risques
 
 La visibilité de cette mobilisation renforce la stature de Moustapha Diop dans son fief, mais force le jeu autour du pouvoir central. Le fait que même des maires Apr ou sympathisants venant de régions lointaines se joignent au mouvement laisse entendre une fracture profonde.
 
 
 
L’impossible silence
 
Cette marche de Louga ne sera pas oubliée facilement. Elle exprime un ras-le-bol qui ne se limite pas à un seul homme. Elle questionne la nature même du pouvoir, les frontières entre justice et vengeance, entre l’État de droit et les dérives autoritaires.
Moustapha Diop, selon ses partisans, est emprisonné non parce qu’il a été reconnu coupable, mais parce qu’il dérange, parce qu’il incarne une alternative, une loyauté à son peuple, un engagement visible sur le terrain. Louga réclame qu’une vie politique digne revienne, qu’un pouvoir qui doit servir défende les valeurs républicaines plutôt qu’étouffe les voix. Car, au-delà de la prison de Rebeuss, c’est la conscience collective qui est enfermée si l’injustice reste impunie.
Baye Modou SARR
 
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