Dans une note à la presse rendue publique hier 14 septembre, le Parti socialiste (Ps), par la voix de son porte-parole Abdoulaye Wilane, dénonce avec vigueur le lancement des « diaspora bonds » prévu le 18 septembre par le gouvernement. Présentée comme une innovation patriotique, l’initiative est qualifiée par le Ps de « fuite en avant » et de « piège » qui ferait reposer le risque financier et monétaire sur la diaspora sénégalaise et, in fine, sur l’ensemble du peuple.
Quand la confiance internationale s’effondre
Dans sa déclaration, le Parti socialiste voit dans ces nouveaux instruments financiers une confession implicite du pouvoir : les caisses de l’État sont vides et les partenaires extérieurs, autrefois généreux, se détournent du Sénégal. Selon Abdoulaye Wilane, le Fonds monétaire international, les bailleurs traditionnels et les marchés ont « fermé les robinets », contraignant l’exécutif à se tourner vers ses propres ressortissants établis à l’étranger.
Le paradoxe est flagrant, souligne le Ps : la diaspora sénégalaise, qui envoie déjà chaque année des milliards de francs Cfa pour soutenir ses familles et maintenir à flot une part importante de l’économie nationale, est désormais sollicitée pour prêter directement à l’État, dans un contexte où la dette publique inquiète de plus en plus les analystes.
Un patriotisme à double tranchant
Les taux proposés par le gouvernement – jusqu’à 6,95% sur 10 ans – sont mis en avant comme un argument attractif. Mais pour le Parti socialiste, ce rendement masque une réalité beaucoup moins favorable.
Premièrement, l’État s’endette encore davantage à des conditions jugées « exorbitantes ». Chaque emprunt contracté aujourd’hui se traduira, demain, par une facture plus lourde pour les contribuables sénégalais, qu’il s’agisse d’impôts supplémentaires ou de coupes dans les services publics.
Deuxièmement, la diaspora elle-même serait exposée à un risque de change majeur. Exemple à l’appui, Wilane explique qu’un Sénégalais prêtant aujourd’hui 100 dollars recevra dans dix ans son remboursement en francs Cfa, soit environ 50.000 F Cfa. Mais si la valeur du dollar monte d’ici là, ces 50.000 F Cfa pourraient ne plus valoir que 83 dollars. Autrement dit, l’épargnant perdrait 17% de son investissement, sans possibilité de recours. « L’État s’est protégé, mais le sacrifice retombe sur le peuple », insiste le porte-parole du PS.
L’ombre du déficit et l’absence de transparence
Au-delà du risque financier, le Parti socialiste met en garde contre l’opacité entourant l’utilisation des fonds. « Où ira cet argent ? Servira-t-il à construire des hôpitaux, des routes, des écoles ? Ou bien simplement à payer les factures du quotidien et combler le déficit ? » interroge Wilane, qui redoute que ces obligations ne deviennent une simple bouée de sauvetage budgétaire, sans valeur ajoutée pour le développement national.
Le manque de clarté, ajoute-t-il, transforme ces « bons citoyens » en une véritable loterie où les seuls perdants seraient les Sénégalais de l’étranger, pris entre le patriotisme et la prudence financière.
Le Ps trace sa ligne rouge
Face à cette situation, la formation socialiste ne mâche pas ses mots : « ce n’est pas une solution, c’est une fuite en avant ». Pour le Ps, un pays ne se finance pas « avec des slogans », mais grâce à la crédibilité, à la confiance des marchés et à des réformes structurelles solides.
S’il reconnaît la nécessité de mobiliser les ressources de la diaspora, le Parti socialiste insiste sur les conditions minimales de respect et de justice : obligations libellées en devises fortes, investissements fléchés vers des projets productifs, mécanismes de contrôle citoyen transparents.
Derrière les discours, une crise de confiance
La charge du Parti socialiste révèle en filigrane une inquiétude plus profonde : celle d’un État qui peine à inspirer confiance à ses partenaires extérieurs et qui, faute d’alternative, fait appel à ses propres ressortissants. L’accusation est sévère : transformer la diaspora en « bouclier financier » équivaut, selon le Ps, à un aveu d’échec de la politique économique menée par Pastef depuis son arrivée au pouvoir.
En conclusion, Abdoulaye Wilane affirme : « nos compatriotes de la diaspora méritent mieux que des promesses creuses ». Pour lui, il ne s’agit pas de refuser toute contribution des Sénégalais de l’extérieur, mais de dénoncer un mécanisme « injuste, dangereux et trompeur », qui risque d’affaiblir ceux qui, depuis des décennies, constituent déjà l’un des piliers silencieux de l’économie nationale.
Sidy Djimby NDAO