En Afrique, de nombreux opérateurs télécoms privilégient une offre diversifiée à la qualité du service (rapport)



Malgré la pression réglementaire, les opérateurs télécoms en Afrique rivalisent dans la diversification de leurs offres pour accroitre la clientèle et les revenus, parfois au détriment de la qualité du service, explique un rapport d’Ecofin Pro. Les régulateurs, face aux non-respects récurrents des exigences de qualité, sont passés de la sensibilisation aux sanctions financières.

Malgré la pression des régulateurs, bon nombre d’opérateurs télécoms actifs en Afrique investissent massivement dans la diversification de leur offre de produits, pour attirer un plus grand nombre de clients et maximiser leurs revenus au détriment de la qualité des services, selon un rapport publié le 28 septembre par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels.

Intitulé « Pourquoi la mauvaise qualité des services télécoms perdure-t-elle en Afrique malgré l’augmentation des investissements dans les réseaux ? », le rapport précise que la bonne qualité des services télécoms revêt en importance cruciale, au même titre que la couverture réseau. D’autant plus qu’elle peut stimuler le développement économique du continent en soutenant un accès à Internet rapide et stable, grâce auquel les entreprises peuvent étendre leur portée sur les marchés nationaux et internationaux.

Selon l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie mobile (GSMA), la qualité de service (QoS) renvoie à une qualité objective et mesurable du service télécoms. Elle concerne le bon ou le mauvais fonctionnement d’un service d’abonnement, et est généralement exprimée quantitativement à l’aide de la vitesse, de la précision, de la fiabilité et des indicateurs de sécurité.

Dans leurs récents rapports financiers et déclarations publiques, les principaux opérateurs d’Afrique subsaharienne — Airtel, Orange, MTN et Vodacom — ont souligné les efforts déployés pour améliorer la qualité de service, en particulier dans les zones rurales, comme un élément clé de leurs stratégies d’exploitation et de leur contribution à la transformation numérique sur les marchés où ils sont présents. Mais les régulateurs télécoms estiment que malgré cette vision des opérateurs, la qualité des services demeure mauvaise, avec des taux d’échec d’appel élevés, une qualité voix médiocre, des perturbations sur le réseau, une faiblesse du signal en intérieur, etc.

Les régulateurs abandonnent la sensibilisation et passent aux sanctions

Pour tenter de rectifier le tir, les régulateurs des marchés télécoms exercent une pression constante sur les opérateurs pour qu’ils respectent les exigences de leur cahier des charges en matière de qualité des services télécoms en procédant à des audits réguliers et en mettant des indicateurs clés de performances (KPI) comme le taux de réussite d’un appel, le taux de réception de SMS sans erreur dans les 30 secondes après envoi et le taux d’échec de connexion à Internet. Les opérateurs ont cependant souvent répondu tant bien que mal à ces meures, ce qui a contraint les régulateurs à abandonner rapidement la sensibilisation et les mises en demeure pour passer aux sanctions, au regard du danger que représente la mauvaise qualité des services pour la politique d’inclusion numérique que poursuit le continent.

Le rapport élaboré par notre confrère Muriel Edjo précise dans ce cadre plusieurs opérateurs ont été sévèrement sanctionnés ces dernières années.  En Tanzanie, Airtel Tanzania Plc, MIC

Tanzania Plc (Tigo), Viettel Tanzania Plc (Halotel), Vodacom Tanzania Plc, Zanzibar Telecoms Plc (Zantel) et Tanzania Telecommunications Company Limited (TTCL) ont écopé d’une amende globale de 16,4 millions $, le 17 février 2021, pour mauvaise qualité de service, malgré une précédente amende de 540 000 $ en juillet 2020. Au Niger, l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (ARCEP) a infligé, en juillet 2023, une amende d’un montant cumulé de 7,3 millions $ aux opérateurs télécoms Celtel (Airtel Niger), Moov Africa, Niger Telecoms et Zamani pour non-respect de leurs engagements de qualité de service vis-à-vis des consommateurs. Des amendes similaires ont été aussi infligées à des opérateurs actifs, entre autres, au Cameroun, au Togo ou au Sénégal.

Face à ces sanctions, les opérateurs télécoms dénoncent des sanctions qui mettent en danger leur capacité d’investissement à long terme sur le réseau. Ils pointent notamment certains cadres de qualité de service, trop complexes, mis en œuvre dans la région avec « un nombre déraisonnablement élevé d’indicateurs clés de performance », qui ne prennent pas toujours en compte les réalités techniques du marché telles que le manque de spectre adéquat, la faible fourniture électrique ou encore le vandalisme sur les infrastructures.

Une stratégie d’affaires « pleinement assumée »

En réponse aux griefs exprimés par les opérateurs, les régulateurs soulignent que les réglementations régissant la qualité de services ont été édictées en même temps que les cahiers des charges relatifs aux licences télécoms. Ils font également remarquer que les investissements réalisés par les opérateurs mettent principalement l’accent sur la modernisation (l’adoption de nouvelles technologies réseau) et l’extension de la couverture réseau, tout en réduisant leurs actifs de tours télécoms.

Citant l'équipementier télécoms suédois Ericsson, le rapport indique que la mauvaise qualité des services représente « une stratégie d’affaires pleinement assumée » pour de nombreux opérateurs télécoms sur le continent. Ces opérateurs donnent la priorité à l’offre de service diversifiée au détriment de l’amélioration de qualité des services. Cette stratégie qui mise sur le quantitatif aux dépens du qualitatif a pour objectif d’attirer le plus grand nombre de clients avec une grande variété de services à valeur ajoutée, et de maximiser les revenus sur les abonnés couverts par le réseau télécoms. Ainsi sur différents segments d’activités tels que la voix, la data, les services financiers sur mobile, ces sociétés télécoms gagnent de l’argent grâce à un grand nombre de consommateurs qui accèdent parfois tant bien que mal aux réseaux.

Compte tenu des enjeux de développement inhérents au secteur des télécommunications en Afrique et de l’importance cruciale de la qualité des services télécoms pour un avenir prospère et connecté sur le continent, le rapport recommande l’intensification de la coopération entre les gouvernements, les régulateurs télécoms et les opérateurs de téléphonie mobile en vue de créer un écosystème favorable à l’expansion des services de télécommunications et à l’inclusion numérique.


Dans la même rubrique :