Le député Aïda Mbodj a lié la recrudescence de l’émigration clandestine au retard noté dans la réalisation et la livraison des dix Domaines agricoles communautaires (Dac) prévus dans la période 2014-2019. A l’en croire, si les Dac avaient été réalisés et livrés, les jeunes ne seraient nombreux à tenter l’émigration au péril de leur vie.
«La recrudescence de l’émigration clandestine avec certains jeunes qui empruntent la mer et d’autres le désert est une preuve que la jeunesse perd de plus en plus espoir dans le pays», fait d’emblée remarquer le député libéral Toussaint Manga, pour relever l’échec de l’Etat dans sa politique de jeunesse. Avant d’inviter le gouvernement à réorienter sa politique de jeunesse. «Il faut centraliser les institutions financières en une seule agence pour éviter la cacophonie entre la Der et l’Anpej. La Der n’a pas sa raison d’être. Une seule institution serait plus cohérente, plus efficace et les résultats seraient plus performants», préconise le parlementaire. Abdou Mbow, lui, estime que l’Anpej doit être dotée de moyens conséquents à l’image de la Der. A cet effet, il a préconisé le financement des études, car certains jeunes, dit-il, aspirent à faire des formations qui garantissent l’emploi, mais, faute de moyens, ils ne peuvent pas le faire. «Pourquoi ne pas les accompagner et une fois le premier emploi acquis, ils remboursent», plaide le député.
Ministère de la Jeunesse, une architecture avec une incohérence extraordinaire
De son côté, Moustapha Guirassy n’a pas manqué de constater la coquille vide que constitue le ministère de la Jeunesse. «On vous a confié un département ministériel en vous mettant dans des difficultés énormes. Une architecture institutionnelle avec une incohérence extraordinaire. Vous êtes en train de vous battre, mais vous n’avez aucune ressource, aucun programme dans ce ministère, faute simplement de moyens», souligne l’ancien ministre qui fait remarquer que la cartographie de la jeunesse a changé. «L’offre est insuffisante et fortement politisée, l’architecture est inopérante parce qu’il y a une panoplie d’institutions qui se chevauchent. Finalement, on ne sait qui est qui et qui occupe quelle place», renchérit le député. A l’en croire, il faut qu’on s’entende sur les valeurs à infuser aux jeunes, par rapport à la cohésion nationale. Même son de cloche chez le député socialiste Mame Bounama Sall, qui relève une disproportion entre les fortes attentes des jeunes et la faiblesse des ressources allouées au ministère de la Jeunesse. «Je me demande comment vous allez vous-en sortir ?», s’interroge de son côté Aïda Mbodj.
Aïda Mbodj ressuscite le Prodac
Dans la foulée de l’échec de la politique de jeunesse décrié, le Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac) a été ressuscité à l’hémicycle, hier, par le député Aïda Mbodj. «Vous avez sous votre tutelle un programme dont on nous avait dit qu’il était la solution au chômage endémique des jeunes, notamment en milieu rural, à savoir le Prodac. Il était question de booster l’emploi des jeunes à travers l’aménagement de dix Domaines agricoles communautaires (Dac) pour la période 2014-2019. Or, en avril 2019, seul le Dac de Sefa était opérationnel sur les dix qui devaient être réceptionnés. Si tous les Dac avaient été réalisés et livrés, les jeunes ne seraient pas aussi nombreux à tenter l’émigration clandestine et mettre en péril leur vie. Qu’est-ce qui est à l’origine du retard des réalisations et de livraison de ces Dac ? Est-ce lié au scandale des 29 milliards du Prodac ?», s’interroge le parlementaire. Son collègue Toussaint Manga n’a pas manqué de louer la pertinence de ce projet. «C’est un bon programme», dit-il. Seulement, il ne comprend pas, dit-il, que la région de Ziguinchor n’ait pas bénéficié de ce programme. Au moment où on injecte beaucoup de moyens dans des zones arides pour implanter ces Dac, avec peu de moyens, on peut avoir beaucoup d’espace à Ziguinchor et un accès facile à l’eau. Je ne comprends pas pourquoi on va dépenser beaucoup d’argent dans ces zones arides au détriment de Ziguinchor», déplore le député.
Moussa CISS
EMIGRATION CLANDESTINE
Néné Fatoumata Tall appelle les députés à criminaliser les réseaux de passeurs
Le ministre de la Jeunesse, Néné Fatoumata Tall, est en croisade contre l’émigration clandestine, non par la création d’emplois pour fixer les jeunes au pays, mais en proposant de corser la répression contre les convoyeurs des candidats à l’émigration clandestine. C’est ainsi qu’elle a invité les parlementaires à porter le combat pour juguler ce phénomène, notamment en initiant une proposition de loi criminalisant les réseaux de passeurs qui, indique-t-elle, mettent en danger la vie des jeunes. Toujours, au sujet de l’émigration irrégulière, le ministre de la Jeunesse constate que c’est un phénomène très complexe. Ainsi, elle reconnait que la responsabilité de l’Etat est engagée à l’image de tous les fléaux qui touchent les populations. En tout cas, le ministre n’a pas manqué de préciser que si l’émigration clandestine ne tenait qu’aux politiques publiques et à une vision éclairée pour en venir à bout, ce phénomène n’aurait pas atteint ces proportions. Et, elle en veut pour exemple le budget dédié à la formation professionnelle qui a plus que triplé en passant de 24 milliards à 78 milliards. Les centres de formation sont aussi passés, dit-elle, de 71 à 172. S’y ajoute les financements de la Der d’un montant de 57 milliards au profit de 108.000 bénéficiaires. Ce qui lui fait dire que les politiques de jeunesse sont importantes, mais ne suffisent pas pour régler les difficultés rencontrées par les jeunes. C’est ainsi qu’elle a considéré qu’une gestion globalisante est plus déterminante, puisque l’Etat, à lui seul, ne peut pas résoudre ce problème. Par conséquent les parents, les Ong et les autres organismes de la société civile, ont un grand rôle à jouer dans la prise en charge de la jeunesse du Sénégal. Au regard de la transversalité de ce fléau, le ministre informe que les départements chargés de la jeunesse, des Affaires étrangères, de l’Emploi et de la Formation professionnelle sont en train de travailler en synergie pour trouver des solutions idoines aux difficultés auxquelles les jeunes sont confrontés. Les interrogations de Aïda Mbodj sur le Prodac n’ont pas trouvé de réponses chez le ministre de la Jeunesse. Le budget du ministère de la Jeunesse pour l’exercice 2021 est arrêté à 100.004.488.285 francs Cfa en autorisations d’engagement et 17.569.236.297 francs Cfa en crédits de paiement, soit une hausse de 18%.
M. CISS