EXECUTION DE LA DECISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL PAR LE PRESIDENT SALL AVEC DES CONCERTATIONS AU MENU : Quand certains apprécient, d’autres émettent des réserves et lui rappelle la date du 2 avril




 
Après la décision du Conseil constitutionnel qui a non seulement annulé son décret mais aussi déclaré non conforme à la Constitution la loi votée à l’hémicycle pour le report de la présidentielle, le chef de l’État a annoncé des consultations avec la société civile et les acteurs politiques. Des décisions qui sont appréciées de différentes manières par la classe politique. Si certains le félicitent et renforcent son appel au dialogue, d’autres disent attendre de le voir mettre en œuvre sa déclaration. Ils vont même jusqu’à lui rappeler de ne pas perdre de vue la date du 2 avril qui consacre la fin de son mandat.
 
Modou Diagne Fada : «cela montre que nous avons des institutions indépendantes malgré tout ce qui se dit»
Réagissant à la décision du Président Macky Sall d’exécuter celle du Conseil constitutionnel, le ministre des Collectivités territoriales pense qu’il faut s’en réjouir doublement : le Sénégal reste ancré dans sa démocratie légendaire, mais cela montre à suffisance que nos institutions sont bel et bien indépendantes. «La posture du Président Macky Sall face à la décision du Conseil constitutionnel est à saluer. Cela montre que le Sénégal est un Etat de droit et que malgré tout ce que l’opposition a pu dire sur les relations entre les institutions, nous avons la certitude maintenant que le Président Macky Sall n’a aucune mainmise sur les autres institutions, qui sont toutes indépendantes et très fortes», affirme Modou Diagne Fada, selon qui le Conseil constitutionnel a  trouvé la bonne formule. «Il est clair qu’il nous faut dialoguer pour sortir le pays de l’état actuel où il est. Celui-ci sera différent des autres dialogues puisqu’il s’agira de parler exclusivement de la présidentielle, donc cela devrait aller plutôt vite», soutient l’allié du chef de l’Etat.
Par rapport au dénouement du climat social tant espéré, le ministre des Collectivités territoriales estime que c’est tout l’intérêt du dialogue auquel le Président Macky Sall appelle toutes les franges de la société, surtout les acteurs politiques et la société civile. Sur le cas Ousmane Sonko et ses militants emprisonnés, Diagne Fada estime que c’est certes à la justice de libérer un détenu, mais le dialogue pourrait aboutir à des décrets ou résolution à l’endroit de la justice pour leur libération.
 
Jean Baptiste Diouf : «je ne suis pas en phase avec le Conseil constitutionnel, mais…»
Le maire socialiste de Grand-Dakar et candidat recalé à la présidentielle tient d’abord à saluer la décision du président qui renforce la démocratie sénégalaise. «Nous sommes dans un pays de droit et le respect de la constitution est primordial», souligne-t-il d’emblée avant d’ajouter : «je tiens quand même à préciser que Je ne suis pas en phase avec le conseil. J’estime que nous, candidats recalés, nous avons été lésés. Il aurait dû ordonner la reprise du processus électoral, mais puisque nous ne pouvons rien lui imposer, nous allons tous nous soumettre à sa décision», se résigne le socialiste.
Sur le dialogue, le maire de Grand-Dakar soutient qu’il est impossible de le tenir dans les délais qui nous restent. «Le conseil a été très clair, sur la durée du mandat du président, il ne peut dépasser le 2 avril. Je pense qu’il a bien fait d’entreprendre des concertations avec les acteurs politiques pour trouver une date opportune pour la présidentielle. Et j’espère qu’il ne se limitera pas aux candidats retenus, les candidats recalés aussi doivent être impliqués». L’ancien député dit saluer par contre cette vague de libérations et souhaite sa généralisation.
 
 
Hélène Tine : «organiser cette élection à temps permet au président de sortir par une porte dérobée à défaut de la grande»
 
Membre de la coalition Khalifa Président, Hélène Tine estime qu’il faut avant tout saluer la décision du Conseil constitutionnel qui a «stoppé cette tentative de coup d’État institutionnel qui a terni l’image du Sénégal». Elle félicite le Président Sall d’être revenu à la raison. «Heureusement qu’il a décidé de sauver ce qui restait encore de notre démocratie en affirmant sa détermination d’exécuter la décision du Conseil constitutionnel. Mais il ne s’agit pas de faire une déclaration seulement, il faut commencer à mettre en œuvre le dispositif», déclare l’ancienne député. Pour elle, le Conseil constitutionnel a été très clair : il n’est pas question d’atteindre la date du 2 avril. Hélène Tine de rappeler aussi que le Conseil n’a pas non plus demandé la reprise du processus électoral, en annulant le décret du président, les sages lui demandent de maintenir le dispositif en place. « C’est une opportunité que le Conseil constitutionnel offre au Président Macky Sall. S’il organise cette élection dans les temps, il aura le mérite de sortir par la porte dérobée, puisqu’il a déjà raté la grande porte avec ce report de la présidentielle qui restera gravé dans les mémoires», souligne-t-elle avant d’enchaîner : « certains craignent qu’il fasse dans le dilatoire avec son appel au dialogue afin d’arriver à la date du 2 avril et donner le pouvoir à Amadou Mame Diop pour 3 mois de gouvernance encore. Le Président Sall doit savoir qu’il sera le plus grand perdant dans cette histoire. Le sort de Wade devait lui servir de leçon, la vie après pouvoir existe et elle a ses réalités ».
Par rapport au dénouement qui se dessine avec la libération des détenus politiques, Hélène Tine dit saluer l’opération avant de regretter qu’on veuille faire jouer le mauvais rôle à Khalifa Sall dans cette affaire. «Je rappelle que quand il est allé au dialogue qui lui a valu tant d’insultes et de calomnies, la libération des détenus était l’une de ses revendications. Nous avons manifesté, communiqué pour leur libération et rien n’a été fait. Alors, si on se lève un bon jour avec cette vague de libération, il est tout à fait légitime de se poser la question du pourquoi et du comment», laisse t-elle entendre.
 
 
Cheikh Dieng : «c’est un Président affaibli qui n’avait pas d’autre choix que de capituler»
 
 Selon le président de Feep Tawfekh et membre de la coalition Diomaye Président, le président Macky Sall n’avait autre choix que de suivre la décision du Conseil constitutionnel. «Il faut dire que Sonko emprisonné, et plus de 1500 prisonniers politiques dans ses geôles, le Président Macky Sall croyait avoir dompté son peuple et ne s’attendait pas à l’ampleur et la détermination de l’opposition et de la société civile pour faire face à sa tentative de coup d’Etat. Même certains de ses alliés les plus proches dans Bby et une frange de son parti Apr l’ont lâché. De plus, il s’est trouvé isolé au plan international avec une condamnation ferme et unanime de tous les Etats amis du Sénégal et des organisations internationales, avec des risques de sanctions contre lui et sa famille. C’est donc un Président affaibli qui n’avait pas d’autre choix que de capituler face à l’ampleur de l’adversité», fait- il savoir.
Toutefois, analysant tous les antécédents malheureux de torpillage de notre système électoral au fil des années et les récents évènements qui ont fini d’installer une crise profonde dans notre système démocratique, Dr Dieng se permet «d’attendre de voir des actes concrets de la part du président de la République pour lui accorder du crédit». Aussi, il appelle les acteurs politiques et la société civile à rester vigilants et mobilisés jusqu’à la tenue de l’élection «pour faire face à toutes les entourloupes prévisibles du régime prêt au suicide collectif pour préserver des prébendes indus».
Quant à la tenue d’un dialogue avant l’élection, l’ancien maire de Djeddah Thiaroye Kao soutient que la décision du Conseil constitutionnel rend indispensable la tenue de consultations politiques. «Etant entendu qu’un processus électoral qui respecte toutes les dispositions de la Constitution et de la loi électorale dure au moins 48 jours en prenant en compte la durée de la campagne électorale et l’éventualité d’un second tour, or nous sommes exactement à 42 jours de la fin du mandat du Président, il y a donc des compromis qu’il faut trouver pour la réduction de la durée de la campagne électorale du 1er et du second tour et éventuellement des délais de recours contentieux». Pour lui, «la marge est très faible, car le premier tour ne peut être tenu au-delà du dimanche 10 mars prochain. Cette date est impérative, au risque que l’élection ne soit organisée par le président de l’Assemblée nationale. Ce qui se traduirait par une Haute Trahison du président de la République».
D’après Cheikh Dieng, un dialogue large, inclusif et multisectoriel est indispensable pour panser les nombreuses plaies laissées béantes par ce régime.
En ce qui concerne les libérations des détenus politiques, le président de Feep Tawfekh se réjouit que «des innocents injustement incarcérés par le pouvoir depuis de nombreux mois sans jugement, au mépris des lois et règlements de notre pays», soient enfin libérés. Selon Cheikh Dieng, ces prisonniers politiques s’appellent aussi «Ousmane Sonko et Diomaye Faye doivent également être libérés immédiatement. De toutes les façons, le Président Macky Sall est dos au mur : ou il libère les prisonniers politiques tout de suite ou le peuple les libérera par le bulletin de vote au plus tard le 2 avril prochain».
 
Ndèye Khady D. FALL
 
 
 
 
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