Avec une formalisation à hauteur de 44% des unités économiques informelles du Sénégal, les résultats d’une étude montrent qu’en 2021, le potentiel fiscal de l’économie sénégalaise - dans cette nouvelle configuration - est estimé à 3120,5 milliards, soit 20,4% du Pib. Ainsi par rapport aux recettes fiscales recouvrées en 2021 estimées à 2594,1 milliards, la marge de progression de l’Etat représente 3,4% du Pib, soit un effort fiscal de 526,4 milliards.
Selon une étude sur l’évaluation du potentiel fiscal du secteur informel au Sénégal de la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee), une marge significative des recettes fiscales échappe chaque année à l’administration fiscale. D’après le dernier recensement général des unités économiques au Sénégal, moins de 3% exercent dans le formel et par conséquent, près de 97,1% des entreprises recensées ne sont enregistrées dans aucun registre administratif en plus de ne pas tenir une comptabilité écrite reconnue. Le poids de ces unités de production informelles dans le secteur primaire est de (99,3%), (98,3%) pour le secondaire et (96,5%) pour le tertiaire. En effet, seules 11,6% de ces Unités de production informelles (Upi) déclarent disposer d’un numéro de registre de commerce, 6,5% déclarent détenir un Ninea et 0,3% des Upi affirment être inscrites à la Caisse de sécurité sociale (Css). La principale raison de non-enregistrement dans un registre administratif constitue la méconnaissance par les chefs d’unité de production informelle du dispositif mis en place par l’Etat. Ainsi, 80,9% parmi eux déclarent ne pas savoir qu’il fallait s’inscrire. L’enquête révèle aussi que près de 13% des chefs des Upi évoquent les lenteurs administratives et moins de 3% des Upi ne se sont pas enregistrées pour des raisons liées à la fiscalité. Or, les 97% des unités économiques qui opèrent dans le secteur informel devraient être assujetties aux impôts et taxes suivant un régime de droit réel ou forfaitaire, à l’image des unités formelles. Le Sénégal est classé depuis 2019 dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire. En d’autres termes, 53,13% des entreprises échappent à la fiscalité.
Les recettes tirées de l’Ir en 2021 pouvaient atteindre 704,5 milliards, 516,9 milliards pour la Tva et 458,7 milliards pour l’Is
En 2021, les résultats de l’étude montrent que le potentiel fiscal de l’économie (dans sa nouvelle configuration avec la formalisation à hauteur de 44% des unités économiques informelles), pourrait être estimé à 3120,5 milliards francs Cfa, soit 20,4% du Pib. En effet, comparées aux recouvrements de 2021 estimés à 2 594,1 milliards, la marge de progression des recettes fiscales imputable à l’informel représente 3,4 points de pourcentage, soit un effort fiscal estimé à 526,4 milliards ; ce qui aurait dû se traduire par une pression fiscale de l’ordre de 20,4% contre 16,9% obtenue en 2021. Selon les lignes de taxes, l’impôt sur le revenu présente la plus faible performance au recouvrement avec une inefficience technique de l’ordre de 1,6 point de pourcentage expliquée par l’influence du secteur informel. Ainsi, ce chiffre traduit qu’en 2021, les recettes tirées de l’impôt sur le revenu pouvaient atteindre 4,6% du Pib au lieu de 3%, soit un potentiel de 704,5 milliards. La Tva intérieure constitue la seconde ligne de taxe sur laquelle l’Etat perd des recettes en raison du secteur informel avec une inefficience technique de l’ordre de 1 point de pourcentage. En gagnant cet effort fiscal, la Tva intérieure devrait être recouvrée à hauteur de 3,3% du Pib au lieu de 2,2% obtenu en 2021, soit un potentiel de recettes estimé à 516,9 milliards. S’agissant de l’impôt sur les sociétés, l’inefficience technique est relativement moindre et correspond à un effort fiscal de 0,8 point de pourcentage ; ce qui représente un niveau de recouvrement de l’Is qui devrait s’établir à 3% du Pib, soit un potentiel de 458,7 milliards Cfa.
Le potentiel fiscal devrait engendrer une hausse du Pib de 1,9%
Ainsi, la formalisation à hauteur de 44% des unités économiques informelles devrait engendrer un renforcement de la mobilisation des ressources fiscales intérieures. La couverture de ce potentiel de recettes donnerait à l’État plus de marge pour financer son budget. Cela devrait permettre d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages menacé par la hausse des taxes et de stimuler la productivité globale des facteurs au profit des entreprises. En outre, la répartition de ces revenus supplémentaires a été faite suivant le poids de ces deux postes de dépenses sur les recettes fiscales de 2021. De ce fait, les transferts ou dons courants qui représentent 25,8% des recettes fiscales devraient bénéficier de 32,3% du supplément de recettes recouvrées et les 67,7% restants seraient affectés aux investissements publics qui occupent 54,2% des recettes fiscales de 2021. Le potentiel fiscal de l’économie dans sa nouvelle configuration avec une baisse de 44% de la taille du secteur informel, a été estimé, en moyenne, à 20,2% du Pib en considérant 2021 comme année de référence. En outre, la couverture de ce potentiel devrait engendrer un impact positif significatif sur l’activité économique avec une hausse du Pib réel de l’ordre de 1,9%, en moyenne, sur les dix premières années de simulation. Ces performances de la croissance économique seraient portées par le soutien à la demande globale dû à l’intervention de l’Etat à travers des transferts versés aux ménages et des investissements publics. L’amélioration de la productivité globale des facteurs à travers les externalités positives tirées de l’accroissement du stock de capital public inciteraient les entreprises à investir davantage et à embaucher de la main d’œuvre notamment qualifiée. Ainsi, la demande de consommation finale des ménages et l’investissement privé enregistreraient respectivement des augmentations de l’ordre de 1,6% et 3,5%. Ces améliorations seraient davantage portées par la demande adressée au secteur formel avec des hausses de la consommation finale des ménages et de l’investissement privé respectivement de l’ordre de 2,4% et 3,8% contre des accroissements respectifs de 0,6% et 3,1% enregistrés au niveau de l’informel.
Augmentation du revenu des ménages
S’agissant de l’inflation, la fiscalisation de l’informel conjuguée à une augmentation des dépenses de l’Etat en investissements et transferts se traduirait par une hausse globale des prix à la consommation de l’ordre de 2,6%. La perte de pouvoir d’achat qui devrait se profiler serait atténuée par l’augmentation du revenu des ménages en raison des transferts reçus de l’Etat, mais également de l’amélioration des rémunérations salariales induite par les gains de productivité des entreprises. En outre, la formalisation pousserait les firmes à accroitre leur demande de main d’œuvre qualifiée ; ce qui contribuerait à élever le niveau de rémunération du facteur travail. Ainsi, le taux de salaire dans l’économie connaitrait une augmentation, en moyenne, de l’ordre de 3% sur les dix premières années. Dans le même sillage, la richesse financière des ménages serait bonifiée en raison des rendements élevés du facteur capital qui contribueraient à accroître la valeur de la firme à hauteur de 2,3%, en moyenne, sur les 10 ans. Pendant cette période, le bénéfice marginal de l’investissement serait supérieur à son coût marginal ; ce qui inciterait les ménages à investir davantage et, via les firmes, à élever le niveau de la production nationale. Cette situation serait poursuivie jusqu’à ce que l’économie atteigne son sentier d’équilibre de long terme où le bénéfice marginal de l’investissement serait égal à son coût marginal. Par ailleurs, sur le marché du travail l’impact serait positif à long terme avec une évolution à la hausse de l’emploi de 0,1%, en moyenne, sur les dix premières années. En outre, la transition vers l’économie formelle combinée avec une hausse des investissements publics de 67,7% et des transferts versés aux ménages de 32,3% financés par les suppléments de recettes fiscales contribueraient à hâter la transformation structurelle de l’économie.
M. CISS