Le Tribunal correctionnel du Pool judiciaire financier a connu jeudi dernier de l’affaire M. Diop, un agriculteur sénégalais qui a été grugé de plus de 100 millions de francs. Il s’agit d’une affaire d’escroquerie et de charlatanisme qui laisse, comme toujours, s’interroger sur l’attitude ou plutôt la naïveté de la victime. M. Diop, a-t-il été envoûté, comme il le prétend ou a-t-il été emporté par sa cupidité ? En tout cas, les prévenus M. Sow, technicien de laboratoire à la Css à Saint Louis et M. Ka, agropasteur, ont nié totalement les faits. Le Procureur financier a requis deux ans ferme à leur encontre. Après avoir entendu les parties, le juge a mis en délibéré au 8 janvier prochain.
M. Diop a-t-il été envoûté, comme il le prétend ou a-t-il, tout simplement, été emporté par sa cupidité ? Agriculteur de son état, il a été grugé de plus de 100 millions de francs, selon lui. L’un des auteurs présumés M. Sow, technicien de laboratoire à la Css et son complice présumé, M. Kâ, agropasteur, qui ont été arrêtés, ont été renvoyés en jugement pour des faits d’association de malfaiteurs, escroquerie et charlatanisme. Les prévenus qui ont comparu devant le Tribunal correctionnel du Pool judiciaire financier, jeudi dernier, ont nié totalement les faits. Pourtant, dans ses déclarations faites devant le juge d’instruction du Pjf qu’il a réitérées, la partie civile a pointé du doigt clairement M. Sow.
Ses malheurs, dit-il, ont débuté avec son champ de 40 ha qu’il détient à Saint Louis. Sur les 20 ha, selon lui, il n’y a aucun problème, le champ produit normalement ; quant aux autres 20 ha, il n’arrive pas à en tirer quelque chose. C’est ainsi qu’il s’en est ouvert à des amis. O. Sow, ayant eu vent de cette affaire, l’a mis en rapport avec A. L. Sow. Ce dernier lui promet de faire des prières pour lui. A. L. Sow lui conseille de prendre une chambre en dehors de son domicile pour des invocations en vue de l’aider à fructifier l’autre partie des 20 ha. Quelques jours plus tard, il lui fait savoir qu’on a enterré la tête d’un âne sur cette partie et c’est cela qui a causé qu’il ne peut y faire de bonnes campagnes agricoles. A.L. Sow, lui fait ainsi prendre un bain mystique et c’est alors qu’il a commencé à lui obéir et à lui verser de l’argent. Ce dernier lui demandera de l’argent pour du tissu en percale, un parfum qui coûte 925.000 francs, etc. Il va tout lui remettre avant que ce dernier ne disparaisse.
Du parfum à 925.000 francs
Mais, M. Diop n’était pas au bout de ses peines. O. Sow revient et le met en rapport avec G. Sow, son fils M. Sow et L. Sow. Qu’est-ce qui a fait qu’il l’ait encore cru ? Personne ne saurait le dire, en tout cas, l’agriculteur a accepté et ces derniers lui ont demandé 450.000 francs. Il lui préconise d’envelopper l’argent dans un grand boubou et de le tremper dans de l’eau. Il doit ensuite se laver avec cette eau sur la terrasse après avoir séché l’argent. Loin de s’interroger, il s’exécute et devient, selon lui, de plus en plus soumis à la volonté de ces nouveaux venus. L. Sow parviendrait à lui soutirer 800.000 francs après lui avoir proposé de creuser un puits dans le champ sur lequel la tête de l’âne a été enterrée. Il le met, ensuite, en rapport avec M. Diallo et I. Cissé qui devront terminer le travail qu’il a commencé. A ces derniers, M. Diop va remettre au total 57 millions. «Ensuite, j’ai perdu leur contact», dira-t-il au juge. C’est alors qu’intervient M. Sow. A ce dernier, il va remettre 60 millions de nos francs. «Au total, j’ai remis environ 57 millions à I. Cissé et M. Diallo, 60 millions à M. Sow, 350.000 francs à O. Sow, 950.000 francs à L. Sow. J’ai les justificatifs des différents transferts par Wave et Orange Money», déclare l’agriculteur au juge.
Epouser la fille du grand esprit pour être milliardaire
En fait, M. Diop a été la victime d’une association de malfaiteurs. En plus de vouloir régler le problème de la partie des 20 ha, il a voulu gagner plus d’argent. Les malfrats lui ont promis de l’aider. Un vieux du nom de R. Sow, selon lui, serait le cerveau et M. Sow est son disciple. Il avait expliqué aux enquêteurs, qu’il a d’abord été amené dans la forêt à Saint Louis, alors qu’il avait apporté 3 millions qui lui ont été demandés et deux sacs. En plein cœur de la forêt, il a entendu une voix le saluer religieusement, mais il n’a pas vu la personne. Il aperçoit un sac avec des billets de 5000 francs et 10.000 francs qui débordent. C’est alors qu’apparait une fille qui serait la fille du grand esprit qu’il doit épouser pour être très riche. Il peut avoir un milliard de francs. Des sacrifices lui ont été demandés et c’est dans ces circonstances qu’il a remis tout cet argent à M. Sow. «J’ai repris mes esprits lorsque ma famille s’est rendu compte que je n’étais plus moi-même et a fait appel à un chérif mauritanien qui a formulé des prières pour moi», raconte-t-il au juge. «J’ai vendu ma maison, mes deux voitures, mon bétail et presque tous mes biens pour leur remettre l’argent qu’ils me réclamaient», asure-t-il.
Les prévenus dégagent en touche
Lors de son interpellation par les éléments de la Section de recherches de Saint Louis, M. Sow était avec M. Kâ qui serait le chauffeur du vieux R. Sow. L’exploitation de son téléphone a permis de constater qu’il a reçu plusieurs transferts d’argent, notamment de M. Bâ. Ce dernier également jure avoir été victime des mêmes faits d’escroquerie et de charlatanisme. Il a remis à M. Kâ de l’argent et a dépensé au total plus de 50 millions de francs. Tout comme M. Diop, il voulait faire fructifier ses affaires.
Pour sa part, M. Sow soutient avoir été arrêté alors qu’il était à son lieu de travail. Il a nié les faits et a soutenu n’avoir servi que d’intermédiaire. Il affirme n’avoir reçu que 300.000 francs de la part de Diop qui lui a demandé de les remettre à M. L. Sow pour des offrandes. Pourtant, il a été constaté qu’il a reçu d’autres transferts, notamment 177.000 francs par Wave. Rien n’y fait, il a campé sur sa position. S’agissant de M. Kâ, il soutient que c’est son neveu et qu’il a passé juste une nuit chez lui pour reprendre la route le lendemain. Ce sont ces mêmes déclarations fournies par M. Kâ qui a également nié les faits à lui reprochés. Selon la défense, M. Diop n’a aucune preuve de ses déclarations à part les 300.000 francs qui devaient servir d’offrande. Il a des dettes et il veut fait croire à ses créanciers qu’il a été grugé. Le Procureur financier a requis deux ans ferme contre les prévenus. Verdict de cette affaire le 8 janvier prochain.
Alassane DRAME