ESCALADE SOCIALE À LA SEN’EAU : La Csa hausse le ton et menace de paralyser les activités face à « l’acharnement antisyndical »




 
La Confédération des syndicats autonomes du Sénégal (Csa) a franchi un nouveau palier dans l’escalade sociale qui secoue la Sen’Eau. Réunie en conférence de presse ce mercredi 24 décembre 2025 à son siège, l’organisation syndicale, par la voix de son Bureau exécutif dirigé par le secrétaire général Elimane Diouf, a dénoncé avec une rare fermeté ce qu’elle qualifie d’« acharnement systématique, organisé et méthodique » contre le Syndicat autonome des travailleurs des eaux du Sénégal (Sates). La Csa avertit désormais qu’elle se réserve le droit de perturber les activités de la Sen’Eau si la direction persiste dans ce qu’elle considère comme une dérive autoritaire et liberticide.
 
Devant un parterre de journalistes, de responsables syndicaux, de représentants du Forum social sénégalais et de forces de la société civile, la Csa a dressé un réquisitoire sévère contre la gouvernance actuelle de la Sen’Eau. Selon elle, la situation qui prévaut dans cette entreprise stratégique dépasse largement un simple conflit social pour relever d’une remise en cause fondamentale des libertés syndicales garanties par la Constitution, le Code du travail et les conventions internationales ratifiées par le Sénégal.
Au cœur de cette crise, le secrétaire général du Sates, Oumar Ba, observe depuis le 28 novembre une grève de la faim. Un acte que la Csa qualifie de « résistance ultime » face à ce qu’elle décrit comme des années de harcèlement moral, de persécutions professionnelles et de tentatives répétées d’intimidation. Pour la confédération, ce geste extrême traduit à la fois le désespoir profond des travailleurs et l’échec total du dialogue social au sein de la Sen’Eau. La Csa rappelle que la santé et même la vie d’Oumar Ba sont aujourd’hui en jeu, faisant porter à la direction de la Sen’Eau et à ses donneurs d’ordre une lourde responsabilité morale, sociale et politique. « Quand un responsable syndical est poussé à mettre sa vie en danger pour défendre des droits élémentaires, c’est que l’entreprise a franchi la ligne rouge », martèle-t-on dans les rangs de la confédération.
 
Des violations graves et documentées du droit du travail
 
Selon la Csa, les faits reprochés à la direction de la Sen’Eau sont clairs, documentés et d’une gravité exceptionnelle. Elle dénonce notamment un forcing illégal visant à imposer un vote digital en violation flagrante du Code du travail sénégalais, et ce, en dépit des avis formels émis par la Direction générale du Travail et de la Sécurité sociale. À cela s’ajoute le refus persistant d’organiser la représentation des travailleurs au Conseil d’administration de la Sen’Eau, privant ainsi les salariés de leur droit légitime à participer à la gouvernance de leur entreprise.
La Csa s’indigne également de la tentative de licenciement qu’elle qualifie d’arbitraire visant le secrétaire général du Sates. Celui-ci est poursuivi, selon elle, pour avoir simplement exercé sa liberté d’expression syndicale en critiquant publiquement, sur une radio locale, des négociations menées avec des représentants jugés illégitimes et en dénonçant des irrégularités de gestion financière déjà évoquées dans la presse. Pour la Csa, ces agissements n’ont qu’un seul objectif : décapiter le Sates, terroriser les travailleurs et étouffer toute opposition syndicale organisée au sein de la Sen’Eau.
 
Suez accusé, l’État interpellé
 
Sur un ton particulièrement offensif, la Csa affirme que ces pratiques sont largement inspirées, voire dictées, par le groupe français Suez, actionnaire stratégique de la Sen’Eau. Elle parle de « méthodes néocoloniales recyclées », visant à criminaliser l’action syndicale et à imposer un modèle de gestion contraire aux intérêts des travailleurs et de la souveraineté nationale. Plus préoccupant encore, selon la Csa, est le silence du ministère de tutelle. L’inaction des autorités est perçue comme une faute politique grave, assimilable à une complicité objective avec des violations manifestes du droit du travail. La confédération estime que ce mutisme institutionnel contredit frontalement les engagements de l’État sénégalais, notamment ceux inscrits dans le Pacte national de stabilité sociale.
 
La menace d’une perturbation des activités
 
Face à ce qu’elle considère comme un mépris persistant, la Csa annonce un durcissement de la lutte. Le Bureau exécutif, sous la direction d’Elimane Diouf, prévient que le mouvement syndical ne restera pas spectateur pendant que les droits des travailleurs sont piétinés. Si la direction de la Sen’Eau ne met pas immédiatement fin aux représailles, ne réintègre pas les travailleurs sanctionnés et ne renonce pas au licenciement d’Oumar Ba, la Csa menace clairement de perturber les activités de la Sen’Eau à travers des actions syndicales d’envergure nationale. La confédération insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une posture, mais d’un avertissement sérieux, fondé sur la solidarité intersyndicale et le soutien croissant d’organisations nationales et internationales, notamment l’Internationale des services publics (Isp) et des syndicats partenaires en Europe.
 
Un plan de lutte en préparation
 
Face à cette situation, la Csa réaffirme sa détermination totale. Elle assure qu’elle ne cédera ni à l’intimidation, ni au chantage, ni à la répression. « On ne bâillonne pas les travailleurs d’un secteur aussi vital que l’eau », martèle la confédération, annonçant qu’un plan d’actions de lutte sera dévoilé dans les prochains jours. Pour la Csa, l’enjeu dépasse le seul cas de la Sen’Eau : il s’agit de défendre l’avenir du syndicalisme, la dignité du travail et la souveraineté sociale du Sénégal. À défaut d’un sursaut de responsabilité de la direction et des autorités, le conflit pourrait entrer dans une phase de confrontation ouverte, avec des conséquences majeures sur le service public de l’eau.
Baye Modou SARR
 
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