L’un est journaliste et patron de presse, l’autre avocat et figure de la défense du Premier ministre Ousmane Sonko. Entre Madiambal Diagne et Me Ciré Clédor Ly, la confrontation a quitté les prétoires pour s’installer sur la place publique, révélant les fractures persistantes d’un pays encore marqué par les séquences judiciaires de l’ancien régime.
Le ton est monté d’un cran entre deux figures connues du paysage politico-médiatique sénégalais. En exil en France et sous le coup d’un mandat d’arrêt international, Madiambal Diagne, journaliste et fondateur du groupe Avenir Communication, a décidé de rompre le silence pour répondre à ceux qu’il accuse de vouloir sa perte. Dans un document transmis à la presse, il dénonce une «chasse à l’homme» visant sa famille et ses biens. L’affaire, à première vue judiciaire, prend désormais des allures de règlement de comptes politique. Dans sa diatribe, il parle des relations entre Ciré Clédor Ly, à la fois avocat de Sonko et de Ellypse, en évoquant des confidences qu’il aurait faites à Olivier Picard, patron de la société.
Dans son entourage, on parle d’une traque orchestrée, mêlant vengeance politique et instrumentalisation judiciaire. Plusieurs proches de Madiambal Diagne, aujourd’hui à l’étranger, évoquent une «chasse aux anciens», où toute proximité passée avec le régime déchu devient un motif d’hostilité.
Me Ciré Clédor Ly contre-attaque : ‘’gardons-nous de prendre la parole publiquement lorsqu’on a un statut de fugitif’’
Mais la réplique n’a pas tardé. Quelques heures après la sortie de Madiambal Diagne, Me Ciré Clédor Ly, avocat d’Ousmane Sonko et figure respectée du barreau, a pris la plume pour répondre. Dans un texte au ton tranchant intitulé «La peur aurait-elle changé de camp ?», il retourne l’accusation et promet que justice sera rendue au nom du peuple sénégalais. «La responsabilité pénale est individuelle. Toutes les personnes impliquées, quel que soit leur titre ou leur rang, seront tenues responsables des crimes de sang, des tortures, des traitements inhumains et dégradants infligés à une population civile, des séquestrations, détournements de fonds publics, blanchiment d’argent, favoritisme et autres infractions assimilées ou non encore dénoncées», écrit-il d’entrée de jeu.
L’avocat évoque une «nécessité sociale urgente» : celle de purger l’administration et l’appareil d’État de ceux qui, selon lui, ont contribué aux dérives du passé. Et d’ajouter, dans une phrase qui sonne comme un avertissement : «gardons-nous enfin de prendre la parole publiquement lorsqu’on a un statut de fugitif.»
Madiambal réplique : ‘’ Me Ciré Clédor Ly qui cherche à noyer le poisson’’
Connu pour ses cinglantes réparties, Madiambal Diagne a encore fait honneur à son rang. Le fondateur de Avenir Communication a pris la balle de l’avocat au rebond en envoyant un terrible dunk. «La situation n’est pas drôle. Autrement je me serais amusé de la réponse de Me Ciré Clédor Ly qui cherche à noyer le poisson. Il ne peut pas nier son rôle. La question essentielle est d’assumer que ce dossier est pour déstabiliser et liquider des adversaires de Sonko». Diagne dit espérer que le grand avocat Me Ciré Clédor ly daignera s’expliquer devant les médias sur son rôle dans ce qu’il considère comme une «affaire scrabeuse».
L’écho d’une fracture nationale
L’échange entre Madiambal et Me Ciré Clédor Ly dépasse les deux hommes. Il symbolise une fracture nationale, entre ceux qui estiment que le Sénégal vit un renouveau salvateur, et ceux qui redoutent une dérive autoritaire sous couvert de moralisation. Le ton employé, de part et d’autre, trahit une crispation profonde. Les mots de Madiambal – « complot politique » – répondent à ceux de Me Ciré – « crimes contre l’humanité » – comme deux miroirs d’un pays qui peine à refermer ses plaies.
En quittant le Sénégal pour s’installer en France, Madiambal Diagne a choisi la distance, mais pas le silence.
Sidy Djimby NDAO
(Correspondant permanent en France)