DOUBLE MEURTRE DE MADINATOUL SALAM : Bara Sow, le talibé excommunié, par qui tout a commencé



L’une des victimes du double meurtre de Madinatoul Salam, Bara Sow, n’était pas en odeur de sainteté avec le guide des Thiantacounes, Cheikh Béthio Thioune, qui a ordonné qu’il soit chassé de son domicile. Ainsi, après avoir été gracié, le 4 avril 2012, celui-ci s’est présenté au Thiant de son marabout, le 22 avril. Ainsi, conformément aux directives du Cheikh, il a été repoussé de manière musclée. Ce qui a été à l’origine du drame.

La vie du guide des Thiantacounes Cheikh Béthio Thioune a basculé – tel un mythe qui s’effondre - suite à une bagarre qui a opposé ses talibés à son domicile de Madinatoul Salam à Mbour, le 22 avril 2012. Un «thiant» qui a viré au drame avec le double meurtre de deux de ses talibés, en l’occurrence Bara Sow et Ababacar Diagne, tués dans des circonstances atroces. Avant d’être transportés à 800 mètres du domicile du Cheikh et enterrés en catimini dans une fosse commune, les corps en opposition. Ce disciple du défunt Khalife des Mourides, Serigne Saliou Mbacké, père de 29 bouts de bois de Dieu, six épouses, Cheikh Béthio faisait l’objet de poursuites judiciaires. Il a été ainsi placé sous mandat de dépôt, ainsi que 19 de ses coaccusés, avant d’être envoyés à la prison de Thiès pour différents chefs de prévention. Le guide des Thiantacounes a finalement été placé sous contrôle judiciaire. Hier, il a brillé par son absence à la barre de la Chambre criminelle du tribunal de grande instance de Mbour, pour des soins de santé en France, dans cette affaire de meurtre avec actes de barbarie, de complicité desdits homicides aggravés et d’association de malfaiteurs, recel de cadavre, d’inhumation sans autorisation administrative, de non dénonciation de crimes, de détention d’arme à feu sans autorisation. Lors du procès, hier, le greffier, dans l’ordonnance de renvoi, a ressassé les faits douloureux. Tout a commencé avec l’arrivée de Bara Sow, avec un groupe de talibés, dans le domicile de Cheikh Béthio. Un talibé au comportement anticonformiste, qui a été déclaré «persona non grata» au domicile du guide des Thiantacounes, au motif qu’il profère à tout-va des insanités sur le guide Cheikh Béthio. Des écarts de comportement qui lui ont valu d’être condamné, suite à un procès enclenché par Cheikh Béthio. Selon son frère, Bara Sow ne jouirait pas de toutes ses facultés mentales. Seulement, à la veille de la fête de l’indépendance, il avait bénéficié d’une grâce présidentielle et a décidé de se présenter au domicile de son guide, quelques jours plus tard. Une fois à Madinatoul Salam, il a envoyé un émissaire auprès de Cheikh Béthio pour annoncer son arrivée. Mais, c’était sans compter avec les talibés, qui avaient reçu l’ordre de leur guide de le virer illico presto. Une tentative de le chasser du domicile du guide des Thiantacounes à l’origine d’une bataille rangée entre talibés, qui a viré au drame. Selon la déclaration de Abdoulaye Diagne, dans l’ordonnance de renvoi, c’est Demba Kébé qui a sommé les talibés d’attaquer Bara Sow. C’est ainsi qu’il a été pris à parti avant d’être torturé. «Il avait perdu beaucoup de sang», fait-il remarquer. Leur forfait accompli, ils se sont mis à scander «commandos». De l’avis des accusés, ce terme renvoie à la bravoure des talibés dans les différentes tâches confiées par le marabout.

Khadim Seck, l’auteur du coup de feu !

Lors de cette altercation, trois coups de feu ont été tirés et c’est au quatrième que Ababacar Diagne s’est affalé, en rendant grâce à Cheikh Béthio. «Dieureudieuf Serigne Béthio», avait-il lancé, selon Abdoulaye Diagne. Diaby Tandian, de son côté, est persuadé que l’auteur des coups de feu n’est personne d’autre que Khadim Seck. Une déclaration confirmée par Maguette Niassy, ainsi que plusieurs autres témoins. Cependant, au courant de ce vacarme, Béthio a voulu s’enquérir de la situation, mais il a vite été dissuadé. A l’en croire, il n’a pas été surpris par la mort de Bara Sow, eu égard aux propos désobligeants qu’il profère à l’endroit de son vénéré guide religieux. Cependant, informé de ce qui s’est passé, Cheikh Béthio, dit-il, n’a pas voulu sortir, car son degré de spiritualité ne lui permettait pas de voir du sang. Pour autant, il a poursuivi sa visite aux alentours du village pour vérifier l’attribution des parcelles. Concernant les armes, entendu une première fois, Béthio avait révélé qu’il ne possédait que deux armes à feu avec des autorisations. Cependant, réentendu une quatrième fois, il finit par admettre qu’il avait quatre armes à feu et avait confié l’une à Khadim Seck pour surveiller ses bœufs. Poursuivant, il avait dénoncé le fait que Bara Sow soit remis en liberté provisoire, avant de faire remarquer à ses talibés qu’ils étaient en posture de légitime défense contre les attaques de Bara Sow et son groupe. L’auteur du coup de feu, Khadim Seck, avait dans un premier temps contesté les faits à l’enquête préliminaire. En effet, il avait indiqué qu’il était absent, car au chevet de son frère malade à Dakar. Une version qui n’a pas résisté devant la perspicacité des juges, en plus d’être formellement identifié comme l’auteur des coups de feu. Réentendu, il finit par admettre que Cheikh Béthio a mis à sa disposition une carabine à l’approche des élections de 2012. Il reconnait aussi avoir tiré trois coups avant que le quatrième ne soit fatal à Ababacar Diagne. C’est seulement à la suite de ce forfait qu’il a rejoint Dakar et n’a pas assisté à l’enterrement des cadavres.

M. CISS
LES ECHOS

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