Le 6 janvier dernier, un communiqué de la Marine nationale faisait état de la disparition de 5 commandos lors d’une intervention en haute mer sur un bateau dont les occupants étaient soupçonnés de trafic international de drogue. Jeudi dernier, le Doyen des juges d’instruction, à la suite d’un réquisitoire du Parquet, a procédé à l’inculpation suivi d’un placement sous mandat de dépôt du capitaine du bateau, en l’occurrence Abdollah Bary et des membres de son équipage. Ce dernier a contesté les faits tout en expliquant que les éléments de la Marine nationale étaient lourdement armés et c’est sûrement cela qui a fait qu’ils n’ont pu nager aisément pour se tirer d’affaire. Par ailleurs, il nous revient que l’un des éléments de l’équipage a perdu la vie le week-end dernier.
Cinq commandos marins sont portés disparus depuis le 5 janvier 2024 à 20 heures, suite à l’interception, par le patrouilleur de haute mer Walo d’un navire suspecté de trafic international de stupéfiants au large de Dakar, faisait savoir le communiqué du Directeur de l’information et des relations publiques des armées. «Au cours de la fouille, l’équipe d’intervention des commandos marins montée à bord a constaté une ouverture des vannes du navire. Tout porte à croire que cette action de sabotage consistant à couler le navire visait à effacer toute preuve de son chargement illicite. Les secours conduits par le Walo ont permis de récupérer (07) éléments de l’équipe d’intervention et les (10) membres du bateau en question», a ajouté le patron de la Dirpa dans son document.
Mais cette affaire semble devenir bouillante pour la justice sénégalaise et cache en outre beaucoup de non-dits. Qu’est-ce qui a conduit à la disparition des commandos ? Le Dirpa ne l’explique pas. S’il s’agit de commandos marins, ils devraient normalement savoir nager. Le Dirpa ne dit pas non plus s’il y a eu de la drogue trouvée dans le navire ou au fond de la mer. Les conclusions de leurs investigations pourront peut-être apporter des éclaircissements. En attendant, plusieurs membres de l’équipage ont été interpellés et déférés au parquet.
Les membres de l’équipage inculpés et placés sous mandat de dépôt
A la suite d’un réquisitoire introductif du procureur, ils ont été inculpés avec de lourdes charges, notamment importation et transport international des drogues à haut risque, navigation maritime sans être muni d’un rôle d’équipage ou d’un permis de circulation qu’ils n’ont, en tout cas, pas présenté à l’autorité maritime. Ce, entre autres infractions pénales. Les charges notifiées, ils ont été placés sous mandat de dépôt.
Le chef mécanicien décède pour des problèmes cardiaques
Toujours dans le cadre de cette affaire, il nous revient que le chef mécanicien est décédé ce week-end. Il souffrait, nous souffle-t-on, de problème cardiaque. Pour ce qui le concerne, le capitaine du navire présenterait également des problèmes cardiaques. Lors de son face-à-face avec le juge Oumar Maham Diallo, il a nié totalement les faits pour lesquels il est poursuivi. Abdollah Bary, Syrien d’origine, a expliqué au magistrat instructeur que leur navire avait un problème de moteur. Il dit avoir tenté de l’expliquer aux militaires sénégalais qui sont entrés dans le bateau, mais ces derniers ne l’ont pas cru. Le capitaine du bateau de donner alors une information capitale. Selon lui, les commandos étaient «lourdement armés et portaient des bottes lourdes». Ainsi pour lui, c’est surement cela qui explique qu’ils ont eu des difficultés pour nager et se maintenir à la surface.
Le capitaine du navire explique que les commandos étaient lourdement armés
Ces contestations, le Syrien les avaient également portées devant les enquêteurs. «Je suis le capitaine du bateau battant pavillon tanzanien dénommé Vienna. J’ai quitté la Mauritanie, plus précisément Nouadhibou le 26 décembre 2023», a-t-il déclaré devant les éléments enquêteurs avant de poursuivre : «les documents sont perdus dans le chavirement du bateau. Nous avons été enregistrés en Mauritanie. J’ai remis le Rôle d’équipage au commando lors de notre interception. Après vérification, les documents m’ont été restitués avant que je ne les perde en abandonnant le navire». Pour le capitaine, leur navire travaillait dans l’assistance de navires en détresse. Il appartient, à l’en croire, à un Syrien Khalid Oumar Daha propriétaire de la Compagnie Daha Shipping. Au départ, selon lui, il n’y avait aucun souci, mais dit-il, «le 28 décembre 2023, vers les eaux cap verdiennes, le moteur à cinq cylindres a eu un problème d’injection. J’ai contacté la compagnie qui m’a instruit de conduire le navire au Ghana». C’est ainsi qu’il s’est exécuté, naviguant à 5 nœuds voire 6 nœuds, alors qu’auparavant, précise-t-il, il naviguait à 7 nœuds et 8 nœuds, avant la panne.
Sur leur interception, il explique : «notre navire était équipé d’un radar. Nous n’avions pas vu les marins s’approcher. J’ai vu sur l’écran radar que des embarcations étaient à 4 miles derrière nous. Quatre jours auparavant, le bateau avait commencé à prendre l’eau. J’ai rappelé la compagnie qui m’a ordonné de changer de cap et d’aller vers la Guinée-Bissau. Je n’ai pas émis de message de détresse pour signaler ma situation aux bateaux naviguant dans la zone. J’ai appris la navigation dans le tas et ne maîtrise pas le protocole maritime». Une curiosité, en tout cas, que le Doyen des juges se chargera d’éclaircir.
Alassane DRAME