Le budget du ministre de l’Intégration africaine, des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur a été voté avanhier. Durant plusieurs heures, la représentation nationale a transformé l’hémicycle en véritable caisse de résonance des souffrances, inquiétudes et attentes de la diaspora sénégalaise.
Pour le vote du budget du ministre de l’Intégration africaine, des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, le ministre Cheikh Niang a fait face aux parlementaires. Les thèmes qui ont dominé la plénière témoignent de l’urgence d’une réforme profonde, réciprocité des visas, conditions de vie des Sénégalais de l’extérieur, dégradation des consulats, xénophobie croissante dans certains pays, irrégularités administratives, dangers en zones de conflit, rapatriement de compatriotes en détresse, et plus largement le rôle du Sénégal au sein de la Cedeao et dans les grands équilibres africains.
La réciprocité des visas, ou la question de la dignité nationale
Le premier coup de tonnerre est venu du député Alioune Badara Diagne, qui a jugé la situation des visas «chaotique», dénonçant les lourdeurs qui frappent les Sénégalais souhaitant se rendre dans certains pays alors que «leurs ressortissants viennent comme bon leur semble». Pour lui, la réciprocité n’est plus un luxe mais une exigence de dignité nationale. «La réciprocité des visas et la dignité des Sénégalais ne sont pas négociables. Un peuple respecté à l’extérieur commence par un pays qui se respecte chez lui».. L’idée d’une politique plus ferme envers les représentations diplomatiques étrangères est revenue à plusieurs reprises au cours du débat.
Consulats, gouvernance et dérives administratives
Les dysfonctionnements dans les consulats ont alimenté une longue série d’interventions. Cheikh Youm a jugé «inquiétante» la réduction du budget du ministère, estimant qu’elle risque d’affecter la gestion quotidienne des chancelleries. D’autres députés ont listé les problèmes qui minent le réseau diplomatique : retards dans les renouvellements de passeports, comme au Canada où la machine d’enrôlement se trouve… aux États-Unis; ambassades délabrées en Afrique australe ; procédures opaques, à l’image du marché de 3,4 milliards attribué en 2019 pour la rénovation de l’ambassade du Canada dont les documents comptables ont été détruits ; le rôle de certains agents consulaires, accusés de sabotages, lenteurs et comportements dissuasifs vis-à-vis des usagers est largement décrié. «Il faut balayer tous ceux qui retardent le service public», a martelé Fatou Diop Cissé.
La diaspora en détresse, Mauritanie, Ukraine, Belgique, Usa, Afrique centrale
La situation critique de nombreux Sénégalais en détention, victimes de tracasseries ou exposés à l’insécurité dans leurs pays d’accueil a constitué l’un des moments les plus poignants de la séance. Mauritanie= rackets, check-points, arrestations arbitraires. En Ukraine la détention du jeune Malick Diop, réclamé par sa communauté est défendu par le député de Koungheul. En Belgique, il y a le cas d’Ousmane Seck, déficient mental, maintenu illégalement en détention. Aux Usa, le durcissement des politiques migratoires, climat de peur, absence de consulat dans l’Ohio complique la vie à ses Sénégalais surtout aux compatriotes qui ont emprunté la voie du Nicaragua. Et l’insécurité permanente, manque d’assistance et le bémol des compatriotes de l’Afrique centrale qui n’ont que leurs yeux pour constater la situation.
Des députés ont alerté sur les centaines de jeunes arrivés dans le sud de l’Europe après avoir emprunté les pirogues. Le département d’Europe du Sud est décrit comme dépassé.
D’autres ont voulu savoir, « le contenu des conventions signées avec le Qatar et dans le cadre de l’immigration circulaire ; la liste des accords bilatéraux conclus ces deux dernières années ; leurs retombées réelles pour le Sénégal ».
Cedeao, Guinée-Bissau et position géopolitique du Sénégal
Les tensions en Guinée-Bissau et l’accueil controversé réservé au président Embalo ont animé la discussion. Pour plusieurs élus, le Sénégal doit tenir une ligne cohérente afin d’éviter « tout soupçon de complicité». Le président de la commission des lois, Abdoulaye Tall, a prévenu : «si ce coup de force entraîne demain des conséquences sécuritaires, le Sénégal ne doit en aucun cas être perçu comme complice.»
Fama Ba, elle, a demandé un «toilettage» du secteur des maîtres coraniques étrangers qui exploitent des enfants sous prétexte d’apprentissage religieux. Selon elle, ces pratiques nuisent autant aux familles sénégalaises qu’à l'image du pays.
La députée Amy Dia a dénoncé un réseau opaque de distribution de quotas pour le pèlerinage à La Mecque à des non-professionnels, qui les revendent ensuite illégalement.
Baye Modou SARR