DIFFICILES CONDITIONS DES AFRICAINS AUX ÉMIRATS ARABES UNIS: Amnesty International alerte, des Sénégalais témoignent



 
L’attrait de Dubaï a fait des Emirats Arabes Unis le 5e plus grand foyer de migrants africains avec 4,8 millions de personnes. Les facilités d’obtention de visa et la multiplicité des zones franches sont les raisons. A cela, il faut ajouter que Dubaï est un vaste marché sans taxe et a de nombreuses liaisons diplomatiques avec l’Afrique, le Sénégal en particulier. Mais, malheureusement, beaucoup de nos compatriotes voient leur rêve devenir cauchemar. Entre escroquerie, problème de papiers, dépenses énormes pour des frais administratifs, c’est compliqué pour eux. A cela, s’ajoutent les nombreuses arrestations et expulsions que subissent les Africains. C’est ce qui a d’ailleurs poussé Amnesty International à interpeller l’Etat émirati.
 
 
 
 
Amnesty International a lancé un appel il y a quelques semaines aux autorités des Emirats Arabes Unis, leur demandant d'ouvrir très rapidement une enquête après une vague d'arrestations et d'expulsions visant des travailleurs migrants africains, ciblés par rapport à leur appartenance raciale.Déjà, en  septembre dernier, le pays du Golfe avait reconnu avoir procédé entre le 24 et le 25 juin à l'arrestation de 376 personnes, suspectées par les autorités d'avoir commis des crimes liés à la traite d’êtres humains ou encore à la prostitution.
 Mais, selon Amnesty International, qui affirme avoir interrogé 18 personnes arrêtées, elles n'ont pas pu protester contre leur expulsion et ont été maltraitées par les autorités. «En arrêtant et en expulsant arbitrairement des centaines d'Africains de manière collective, ciblés en fonction de leur appartenance raciale et sans garanties d'une procédure régulière, les Emirats Arabes Unis ont enfreint plusieurs dispositions du droit international», a déclaré l'Ong basée à Londres. Qui poursuit : «tous ont décrit la même pratique de sélection à caractère raciste lors des interpellations, notant que les personnes arrêtées étaient quasiment toutes noires».
 
 
Des centaines de personnes brutalisées sur la base de leur couleur de peau, dépouillées de leurs affaires personnelles et de leur dignité, avant d’être expulsées
 
 
 
Pour Lynn Maalouf, la directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty International, citée dans le communiqué, «les autorités émiriennes doivent enquêter sur ces actes consternants en vue de restituer rapidement aux victimes leurs biens et de leur fournir des réparations pour le traitement honteux qui leur a été infligé avant leur expulsion». D’après Lynn Maalouf, les Africains vivaient et travaillaient en toute légalité aux Émirats Arabes Unis. Ce ciblage à caractère raciste a ruiné la vie de certains membres parmi les plus marginalisés de la société émirienne, à un moment où le gouvernement se targue d’être un modèle de tolérance multiculturelle et accueille l’Exposition universelle de 2020 à Dubaï, a déclaré Lynn Maalouf.«Les autorités ont brutalisé des centaines de personnes sur la base de leur couleur de peau, leur ont infligé des mauvais traitements en détention, les ont dépouillées de leurs affaires personnelles et de leur dignité, avant de les expulser massivement. Les Émirats Arabes Unis doivent prendre position publiquement et affirmer clairement qu’aucun ciblage à caractère raciste pour quelque raison que ce soit ne sera toléré et veiller à ce que les personnes ayant subi un tel traitement bénéficient de mesures de réparation et de restitution adéquates», a-t-elle laissé entendre.
Très souvent, les Émirats Arabes Unis, Dubaï en tête, sont dépeints comme des destinations de rêve pour les expatriés. La fiscalité y est intéressante, la météo très clémente et tout semble réuni pour s’y installer confortablement. Tout départ à l’étranger doit se préparer avec minutie. C’est particulièrement vrai pour les Émirats arabes unis, où les obstacles sont souvent moins connus qu’ailleurs.
Et pour beaucoup de Sénégalais, leur calvaire a débuté dès qu’ils ont foulé le sol arabe.
 
«Il y a près de 5000 Sénégalais aux Émirats Arabes Unis»
 
Dans une vidéo partagée par Seneweb, des compatriotes établis à Dubaï reviennent sur leurs difficiles conditions de vie là-bas. Alors qu’ils espéraient faire fortune, ils ont été confrontés à une réalité autre que celle qu’ils pensaient. Mademba Yade, président de la communauté sénégalaise de Dubaï, révèle qu’il y a presque 5000 Sénégalais aux Emirats.«Beaucoup de nos compatriotes sont arnaqués avant d’arriver à Dubaï», révèle-t-il. En effet, poursuit-il, ils sont souvent en rapport avec des personnes qui leur vendent des rêves. «Je ne reste jamais deux semaines, sans que quelqu’un m’appelle pour me dire qu’il a été escroqué, qu’il a donné tant d’argent et ne retrouve pas celui qui l’a envoyé dans le pays. C’est facile de les aider quand ils sont deux ou trois, mais à un certain niveau, c’est impossible», laisse entendre le président de la communauté sénégalaise de Dubaï.
 
Mademba Yade : «Il ya des Sénégalais qui n’ont même pas de toit. Ils dorment souvent dans des cafétérias ou des restaurants»
 
 
Sselon Mademba Yade, les conditions de vie sont très difficiles pour certains Sénégalais. Après une arrivée souvent très compliquée, ils peinent à joindre les deux bouts.«Il ya des Sénégalais qui n’ont même pas de toit. Et ils sont très nombreux. A leur arrivée, souvent, ils ne voient même pas celui qui devait venir les chercher. Tout s’effondre pour eux. Ils dorment souvent dans des cafétérias ou des restaurants», explique-t-il.
Cette situation, Amadou Diarra l’a vécue. C’est sur internet qu’il a connu la personne qui devait l’envoyer à Dubaï. Après plusieurs jours d’échanges, il a décidé de voler vers son pays de rêve. D’autant plus que les opportunités de travail promises étaient alléchantes. Mais malheureusement, tout ne s’est pas passé comme prévu. «Quand je suis arrivé, je n’ai pas pu entrer en contact avec mon “ami”, celui avec qui j’échangeais depuis le début et qui devait venir me prendre à l’aéroport,c’est après que j’ai appris qu’il n’était même pas à Dubaï, mais au Maroc», raconte-t-il.
 
Ibrahima Mbaye : «Dès que ton visa expire, tu dois renouveler en payant plus de 200.000 chaque trois mois»
 
 
D’après Ndèye Aw, le départ pour Dubaï doit être très bien réfléchi et organisé pour ne pas connaître des déceptions. «Tu penses que la vie y est très facile. Alors que ce n’est pas le cas. Il faut avoir tous les détails avant d’immigrer ici. Sinon, ça risque d’être très difficile», avertit-elle.
Selon Ibrahima Mbaye, les papiers sont un véritable casse-tête pour eux.«Quand tu arrives, tu viens avec un visa d’un mois ou trois. Et dès qu’il expire, tu dois renouveler en payant à peu près 1400 dirhams, soit 215.000 chaque trois mois ou essayer de trouver un séjour. Certains sont même obligés de retourner au Sénégal pour renouveler leurs papiers», explique-t-il.
Ce qui pourrait les aider,d’après Mademba Yade, c’est un bureau consulaire, avec résidence à Dubaï rattaché aux Émirats Arabes Unis.
 
 
Khadidjatou DIAKHATE
 
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